La question se pose, au sujet des grandes lois de société, de savoir s'il convient de les réviser à intervalle régulier, ou seulement lorsqu'une circonstance particulière – découverte médicale ou évolution de la pensée de nos concitoyens – l'exige. L'inconvénient de fixer un délai, c'est que l'on ne s'y tient généralement pas. Ainsi, alors qu'il a été décidé en 2011 que les lois de bioéthique seraient révisées tous les sept ans, il est évident que nous serions obligés d'y revenir dans un délai plus court si une avancée majeure dans le domaine des neurosciences le justifiait.
Pour ma part, je préférerais que soit effectué annuellement un état des lieux, plus exactement un état des pratiques, afin de voir si les nouveaux dispositifs de sédation ne donnent pas lieu à des gestes mal adaptés ou, au contraire, à une mise en oeuvre trop timorée, avec des médecins ne jouant pas le jeu de la non-souffrance ; nous pourrions également vérifier quelle est la proportion de patients en fin de vie ayant rédigé des directives anticipées, et si ces directives posent problème aux médecins qui les reçoivent.
Prévoir à l'avance une révision régulière des lois de bioéthique pose un autre problème, celui de la pression exercée par les médias qui, dès le premier jour de la procédure de révision, s'interrogent sur les nouveautés qui vont être apportées au dispositif existant, alors même qu'en l'absence d'évolution des mentalités ou de la science médicale, il n'est pas forcément justifié de modifier ce dispositif – cela a été le cas lors de la dernière révision des dispositions relatives au don d'organes. En revanche, les expérimentations en cours au niveau européen au sujet des greffes d'organes vont peut-être aboutir à considérer qu'il est possible de procéder à des prélèvements d'organes chez des patients classés « Maastricht III », c'est-à-dire pour lesquels un arrêt cardiaque imminent est attendu – auquel cas une révision de la loi serait tout à fait justifiée.
Pour toutes ces raisons, je suis favorable à une révision en fonction des circonstances – qu'il s'agisse d'une évolution de la science ou des mentalités – plutôt qu'à une révision planifiée à intervalle régulier.