Madame la ministre Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier la Délégation pour cette invitation à venir m'exprimer, conjointement avec ma collègue, sur le projet de loi relatif à la santé, tant le sujet est important en outre-mer.
Dans un premier temps, je souhaite vous dire toute mon inquiétude quant aux différentes épidémies de dengue et de chikungunya, phénomènes nouveaux sur nos territoires, qui deviennent un enjeu de santé publique majeur sur le plan de la prévention tant en matière de lutte anti-vectorielle – et vous le rappeliez, chère collègue, lorsque vous évoquiez votre mobilisation et celle de vos services – qu'en matière de vaccination. Je crois que la France est pionnière en ce domaine et qu'un vaccin contre la dengue a été développé et sera bientôt produit par Sanofi-Pasteur ; il serait bien sûr très important pour les Outre-mer de pouvoir en disposer.
Mais vous le rappeliez, Madame la ministre, votre projet de loi a pour principal objectif de s'attaquer à la racine des inégalités de santé, véritable injustice dont les premières victimes sont les plus modestes. Je m'y associe pleinement, tant les départements et les collectivités d'outre-mer sont touchés par ces inégalités, et je partage votre constat concernant les décalages qui existent avec la métropole en matière de santé. Malgré d'importants rattrapages au cours de ces dernières années, il y a encore beaucoup à faire.
À ce titre, je tenais à vous remercier des efforts budgétaires que vous avez consentis, soit près d'un milliard d'euros, en cette période contrainte, pour accompagner les hôpitaux : à La Réunion, où vous avez inauguré le nouveau CHU ; en Guyane, avec les centres hospitaliers de l'Ouest guyanais et de Saint-Laurent du Maroni – dont j'ai eu l'occasion de poser la première pierre ; à Cayenne, où l'hôpital a été rénové ; en Martinique, où le CHU sera bientôt mis aux normes parasismiques ; en Guadeloupe, où le projet de reconstruction du CHU devrait voir le jour prochainement ; à Mayotte, où j'ai visité une nouvelle maternité tout à fait performante et où la mise à niveau des équipements du bloc opératoire du centre hospitalier a été annoncée par le Président de la République lors de sa dernière visite sur le territoire. Il faut reconnaître qu'en raison de la situation de la médecine libérale à Mayotte, les services hospitaliers jouent un rôle essentiel. Autant d'investissements qui permettront un rattrapage immobilier nécessaire pour un accueil et un accès aux soins de qualité.
Je voulais également vous remercier pour le rattrapage effectué dernièrement en matière de ressources hospitalo-universitaires avec la création de 5 postes de PU-PH (professeurs des universités-praticiens hospitaliers), 3 aux Antilles et 2 à La Réunion, afin de renforcer les capacités d'encadrement et de recherche dans les CHU ultramarins.
Vous avez souligné notre décision commune de mettre en place une stratégie de santé pour les Outre-mer, pilotée par nos deux administrations. C'est bien une nouvelle approche de l'action de l'État dans ces territoires en matière de santé qu'il faut redéfinir.
En tant que ministre des Outre-mer, j'ai la charge de veiller à la coordination de l'ensemble des politiques publiques dans les départements et les collectivités ultramarines et, à ce titre, je suivrai la bonne mise en application de nos actions et de nos décisions communes pour atteindre l'objectif fixé par ce projet de loi.
Certains souhaitaient que ce projet comporte un titre spécifique à l'outre-mer. Cela n'a pas été possible. Peut-être pourra-t-on introduire un certain nombre de mesures par amendement. Quoi qu'il en soit, l'article 56 permettra de prendre par ordonnance toutes mesures d'extension et d'adaptation aux Outre-mer.
Madame la ministre, les priorités que vous avez énoncées sont celles du ministère des Outre-mer.
C'est le cas du combat contre l'obésité et le diabète. En effet, tous les territoires ultramarins sont touchés par ce fléau et mon prédécesseur, M. Victorin Lurel, avait fait voter une loi qui, bien qu'en grande partie applicable, nécessitait la publication d'un arrêté qualifiant les taux de sucre dans les denrées, laitages et sodas de fabrication locale. Je sais que les ministères de la Santé et de l'Agriculture travaillent conjointement à la levée d'une contrainte technique par le ministère de l'Économie pour que cet arrêté soit publié dans les meilleurs délais. Ce texte permettra, avec les actions spécifiques d'éducation et de promotion de la santé mises en place dans les écoles, et l'information sur la qualité nutritionnelle des produits, de lutter efficacement contre l'obésité et le diabète. J'ajoute que la liste des produits prévue par la loi relative à la régulation économique dans les Outre-mer devrait être de nature à faciliter l'accès à une alimentation de qualité.
Nous saluons bien évidemment la priorité donnée par ce projet de loi aux enfants et aux jeunes puisque, dans les Outre-mer, les populations sont souvent extrêmement jeunes. La création d'un statut de médecin traitant de l'enfant permettra de mieux mobiliser les pédiatres et les généralistes investis au quotidien auprès des enfants, et de généraliser les comportements de prévention dès le plus jeune âge.
Par ailleurs, le combat contre les grossesses précoces est un enjeu de santé que nous suivons nous-mêmes très attentivement, et une cause de décrochage scolaire contre laquelle nous luttons.
Le ministère des Outre-mer apporte chaque année un soutien financier aux associations menant des actions visant à la santé sexuelle et affective dans les collectivités ultramarines, en concertation avec les déléguées régionales aux droits des femmes. Depuis plusieurs années, par exemple, il vient en appui au Planning familial qui mène, dans les cinq départements d'outre-mer, des actions en lien avec les associations locales. Il est également intervenu dans le financement des enquêtes KABP conduites aux Antilles-Guyane et à La Réunion.
Le combat contre les infections sexuellement transmissibles, et notamment le VIH-SIDA, encore présent de manière importante en outre-mer et plus particulièrement aux Antilles-Guyane, est également une de mes priorités.
Outre-mer, la lutte contre ce phénomène passe par une libération de la parole. En effet, dans ces sociétés assez prudes, les personnes atteintes par le VIH ne se font pas dépister et souvent n'en parlent pas. Craignant de faire l'objet de discriminations dans le travail, dans la famille, elles se retrouvent souvent seules dans leur combat au jour le jour avec cette maladie. Voilà pourquoi nous essayons de mobiliser les associations, nationales et locales, de lutte contre le SIDA et les acteurs de la recherche. Le simple fait que le ministère s'implique permet de libérer la parole.
Nous travaillons ainsi à une exposition itinérante sur le VIHSIDA en direction du grand public, et aussi à une politique plus ambitieuse d'éducation à la vie affective et sexuelle au sein du monde scolaire, politique qui permettrait de faire progresser le niveau d'information sur le VIHSIDA et de lutter contre les discriminations et l'homophobie, dont le niveau est très élevé dans certains territoires.
Nous souhaiterions la mise en place, dans chaque DOM, d'une structure fixe de prévention et d'information pour les 13-25 ans. Cette structure serait chargée d'organiser l'accueil des jeunes par des animateurs pour évoquer ces thématiques, en prenant comme modèle ce qui est fait par le Cybercrips, porté par la région Île-de-France.
L'émergence d'un collectif « Femmes et VIH » serait à favoriser, d'une part pour libérer la parole des femmes séropositives qui y verraient un lieu d'accueil confidentiel, et d'autre part pour faire émerger une vraie prévention au féminin. En effet, les femmes des Outre-mer paient un lourd tribut à cette maladie.
Il conviendrait également d'organiser, via des unités mobiles, des opérations ciblées de dépistage rapide, en direction des populations particulièrement exposées.
Je tiens à signaler qu'en Guyane, les populations de l'Ouest, qui sont éloignées des centres de santé, rencontrent davantage que les autres des problèmes pour se faire prendre en charge d'une manière raisonnable. Sans compter la difficulté, pour des populations qui n'ont pas de papiers, de se déplacer et d'arriver à Cayenne pour s'y faire soigner. Nous devons travailler sur ces questions, notamment avec le ministère de l'Intérieur, pour que les considérations de santé publique pèsent autant que la nécessité de lutter contre l'immigration clandestine.
Enfin, la généralisation du tiers payant qui est prévue par le texte nous semble tout à fait importante. En ce domaine, les DOM ont joué un rôle précurseur. En effet, le tiers payant est généralisé à La Réunion depuis déjà un certain temps. En tout cas, nous souhaitons, compte tenu de la situation précaire de nombreuses personnes très modestes outre-mer, que cette mesure y soit mise en oeuvre le plus rapidement possible.
Dans le cadre d'une stratégie de santé pour les Outre-mer, nous aurons à examiner des situations un peu particulières. Par exemple, Mayotte, la Guyane, Wallis-et-Futuna sont les reflets les plus criants de la désertification médicale contre laquelle ce projet de loi essaie de lutter. Nous regarderons donc très attentivement tout ce qui, dans ce projet de loi, concerne la recherche et l'innovation, l'hôpital et les groupements hospitaliers territoriaux – qui ont un rôle à jouer en matière de formation, de recherche et d'innovation – et le développement des pôles d'excellence – qui sont susceptibles d'attirer les jeunes médecins et de valoriser les territoires ultramarins. On a annoncé l'installation de jeunes praticiens à Mayotte. Mais il faudra s'assurer que les conditions faites aux jeunes dans les territoires un peu éloignés des Outre-mer sont suffisamment attractives.
Je crois que si cette stratégie de santé pour les Outre-mer doit répondre à des enjeux et à des besoins sanitaires spécifiques pour lutter contre les inégalités sociales de santé, elle doit également tenir compte de ses richesses géographiques, sociales, culturelles, économiques et environnementales qui offrent des opportunités multiples et uniques de recherche dans le domaine de la santé publique.
Enfin, Madame la ministre a insisté sur l'intervention coordonnée des pouvoirs publics concernant leur action sur les déterminants de santé. Je m'inscris totalement dans cette démarche et vous rappelle que nous sommes à l'origine de plusieurs initiatives, dont la convention avec les CEMEA, qui pourront intervenir auprès des jeunes et former un certain nombre d'intervenants.
Mesdames et Messieurs les députés, le ministère des Outre-mer a la charge de coordonner les interventions de l'État en matière de politiques publiques. En matière de santé aussi, il fera preuve de la plus grande attention. Nous sommes persuadés que ce projet de loi sera une véritable avancée pour les Outre-mer. Nous y travaillerons avec vous durant les prochains mois. Nos territoires ont bien besoin, comme la Cour des comptes l'a rappelé, d'enregistrer des progrès sensibles en matière d'accès aux soins.