Les études empiriques montrent que l'effet de levier lié à l'apprentissage est beaucoup plus important pour les personnes peu qualifiées. Cela dit, je conviens que les ressources de l'apprentissage constituent un mode de financement important pour les établissements d'enseignement supérieur. C'est le cas à l'École polytechnique comme à Sciences Po. Plus largement, je constate que la manière dont l'enseignement supérieur est financé ne favorise pas son efficacité.
Les jeunes qualifiés rencontrent des difficultés diverses pour obtenir un emploi. En France, les immigrés de la deuxième génération sont discriminés sur le marché du travail. Quand on change le prénom d'un candidat sur un curriculum vitae – en remplaçant par exemple Michel par Mohamed –, on divise par quatre les chances de recevoir une offre. À titre de comparaison, aux États-Unis, un Noir a 25 % de chances de moins qu'un Blanc de trouver du travail. Autant dire que notre pays discrimine très fortement les jeunes des banlieues, diplômés de l'enseignement supérieur.
La quasi-gratuité de l'enseignement supérieur incite les jeunes à choisir des formations qui n'offrent pas de débouchés sur le marché du travail. S'il leur fallait emprunter pour les suivre ou s'ils devaient solliciter des bourses remboursables, comme dans les pays scandinaves ou au Canada, ils choisiraient probablement d'autres filières. En outre, les formations seraient élaborées de manière différente. La difficulté qu'éprouvent les jeunes diplômés à entrer sur le marché du travail explique en grande partie leur sentiment d'échec. Reste que, statistiquement, les jeunes écartés de l'emploi sont en majorité peu qualifiés. C'est donc d'abord sur leur cas qu'il faut travailler.
Olivier Blanchard et Jean Tirole sont favorables au contrat de travail unique, pour lequel j'avais plaidé, avec Francis Kramarz, dans un rapport publié en 2004. Dans un monde parfait, il serait bon que l'employeur ait toute liberté de licencier, pourvu qu'il verse à l'employé concerné une somme proportionnelle à son ancienneté, ce qui permettrait de l'accompagner vers un nouvel emploi.
Le système a atteint ses limites, car les contraintes de formation et de reclassement sont inopérantes. Cependant, compte tenu de l'évolution de la jurisprudence, il est très difficile de revenir en arrière. La solution d'un socle minimum, prônée par Gilbert Cette, est intéressante. On peut aussi jouer sur plusieurs paramètres pour réduire la différence entre CDD et CDI, par exemple allonger la durée du CDD ou rendre les modalités de reclassement plus transparentes et plus sûres, comme le prévoit la « loi Macron ». Le service public de l'emploi doit aussi gagner en efficacité.