Intervention de Michel Cosnard

Réunion du 13 novembre 2012 à 17h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Michel Cosnard, président directeur général de l'INRIA :

Pour les majors en informatique, les choses sont contrastées. Concernant les télécoms, c'est quand même en Europe que l'on a inventé le GSM qui inclut beaucoup de logiciels. Les grands industriels européens des télécoms ont zappé le Smartphone et ses liens avec l'informatique, alors que pourtant, toutes les compétences nécessaires étaient réunies dans nos pays. Il y a donc là une vraie marge d'évolution. L'industrie française et européenne reste très puissante dans certains secteurs. Dassault Systèmes est un leader mondial. SAP est aussi un leader mondial. Historiquement, en France, le développement du numérique s'est beaucoup fait autour des SSII – sociétés de services en ingénierie informatique –, des sociétés d'édition de logiciels. La France s'est développée à travers des logiciels à façon réalisés par des entreprises dans le cadre de commandes. On peut s'interroger sur la pertinence et la raison de cette évolution, mais le métier de SSII a été inventé en France et en Europe, et il y a encore de très belles entreprises en France. Le panorama est donc contrasté. L'essor du web, lien entre une technologie d'hypertexte et les télécoms, inventé en Europe par un informaticien anglais qui travaillait au CERN – et non par un physicien américain –, a révolutionné le paysage. Ce qu'il faut savoir, c'est que le web et les standards du web sont tenus en partie par l'INRIA et, à présent, par un organisme européen, l'ERCIM (European Research Consortium for Informatics and Mathematics), installé avec une trentaine d'ingénieurs à Sophia Antipolis, qui garantit l'interopérabilité du web : quelle que soit la machine que vous utilisez, quelle que soit la langue – plus de 250 – , vous avez accès aux mêmes informations, ce qui représente des prouesses technologiques. Il s'agit d'un organisme de standardisation qui n'est pas étatique. Ce qui a été manqué, en France et en Europe, c'est le passage d'une informatique tirée par le monde industriel, dont sont dérivés les usages pour les citoyens, à une informatique tirée par le citoyen qui a accès aux technologies avant que celles-ci ne deviennent industrielles : c'est ainsi que s'est développé le web, la recherche d'informations de type Google, les médias sociaux, etc. La grande avancée de Google, c'est d'avoir mis des serveurs partout de sorte que l'on puisse avoir accès aux informations dans un temps inférieur à la seconde. Devant cette propension des Américains à construire des monopoles, le seul pays à avoir réagi est la Chine : le premier moteur de recherche au monde n'est plus Google, c'est Baidu. La Chine a développé ses propres instruments de microbloggage. L'Europe a peut-être été trop peu réactive. Certains hommes politiques français ou européens ont dit : « Suivez-moi sur Twitter », mais j'imagine mal un ministre de l'Agriculture dire : « Allez faire vos courses chez Carrefour ». Or, cela revient à dire : « Allez voir cette entreprise ». Si nous devons nous revoir sur le sujet du « numérisque », je vous montrerais la charte que tout utilisateur de Twitter signe sans la lire : un tweet est propriété de l'entreprise Twitter et non de son auteur. Cette entreprise peut en faire ce qu'elle veut, le modifier et même le revendre, ce qu'elle a fait en revendant deux milliards de tweets à une entreprise anglaise, sans que l'on sache ce que celle-ci veut en faire. Excusez-moi de déborder, mais je crois qu'il y a une prise de conscience sur ce sujet, et je ne comprends pas pourquoi on ne sollicite pas les organismes européens, comme l'INRIA, qui pourrait fournir ce même service. On ne soutient pas la création d'entreprise de microbloggage en Europe.

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