Appartenant à un vieux parti, le parti radical, je suis sensible au fait que vous ayez cité Alain en introduction, monsieur le président Winock. Alain, c'était le citoyen contre les pouvoirs et l'homme de la démocratie représentative. Il a toujours pensé que plus le pouvoir délégué aux députés était important, plus ceux-ci pouvaient contrôler l'administration et l'exécutif. Dès lors, il n'y avait nul besoin de recourir à une autre source de légitimité comme le référendum.
Ainsi que le disait Gaston Monnerville, les radicaux sont « viscéralement opposés au référendum ». Le référendum, c'est l'assise des régimes autoritaires. Nous l'avons suffisamment éprouvé dans l'histoire de France. Le Consulat, le Consulat à vie, puis le Premier Empire, furent instaurés par un coup d'État. Chaque fois, Napoléon Bonaparte recourut au référendum pour asseoir la réalité de sa prise de pouvoir.
À son tour, Louis-Napoléon Bonaparte, après son coup d'État de 1848, organise un référendum pour assurer le Second Empire.
Quant au retour du général de Gaulle au pouvoir, il n'est plus guère contesté que c'est un coup d'État qui le permet le 13 mai 1958. De nouveau, l'assise de ce coup d'État militaire est assurée par le biais d'un référendum.
Si le référendum accompagne les prises de pouvoir au profit de régimes plus ou moins autoritaires, il contribue aussi à leur maintien. Chaque fois qu'un régime autoritaire vacille, il est fait usage du référendum. Ce fut le cas lors des Cent Jours, grâce à la plume de Benjamin Constant. Ce fut le cas en 1870. Ce fut également le cas en 1969.
Aux termes de l'article 3 de la Constitution de la Ve République, la souveraineté populaire s'exerce de deux manières : par le biais du système représentatif et par la voie du référendum.
On voit ce qu'il en a été des dix référendums organisés depuis 1958, d'abord sur l'affaire algérienne, ensuite sur l'affaire néo-calédonienne, puis sur les questions européennes. Depuis 2005, cette procédure est pratiquement tombée en désuétude – mais, s'il parvient à reprendre le pouvoir en 2017, M. Sarkozy promet d'y recourir plus abondamment.
Sous la Ve République, le référendum peut servir de substitut à la dissolution. M. de Villepin aurait sans doute dû y réfléchir avant d'inspirer la dissolution de 1997. Mais le référendum aurait été, là encore, le moyen de raffermir un pouvoir chancelant.
Parfois, le référendum sert à résoudre un problème complexe entre le Président et sa majorité. On a évoqué cette possibilité il n'y a pas si longtemps, avant que le Président de la République ne rebondisse de manière éclatante.
Lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle de 2008, nous avons examiné l'étendue des pouvoirs que le Conseil constitutionnel pouvait exercer dans le cadre de son contrôle. Or, ni avant ni après la réforme, il ne dispose de pouvoirs pour contrôler la constitutionnalité d'un référendum. C'est bien malheureux, mais c'est ainsi ! Un référendum peut porter sur n'importe quelle question, pour l'instant du moins.
Des garde-fous existent, m'objecterez-vous. L'article 11 de la Constitution prévoit qu'un référendum d'initiative parlementaire ne peut être organisé que s'il est soutenu par 20 % de membres du Parlement et par un nombre important de suffrages rassemblés dans le cadre du droit de pétition.
Mais que se serait-il passé si ce texte avait existé en 1982 ? Sans doute aurait-on pu abroger la loi qui venait de supprimer la peine de mort.
Actuellement, ne se trouve-t-il pas un nombre suffisant de parlementaires et de pétitionnaires pour demander l'abolition du mariage pour tous ?
La Ve République remet à l'ordre du jour une procédure qu'elle a utilisée. Peut-elle y avoir à nouveau recours ? Je le crois. Ce sera un des sujets de la prochaine campagne présidentielle. Je suis intimement convaincu qu'il faut s'y opposer. Je crois à la démocratie représentative et seulement à elle, ainsi qu'à toutes les procédures qui permettent aux députés de contrôler l'exécutif. Ce n'est pas en s'appuyant sur le référendum que l'on ressourcera la démocratie !
Le 13/12/2016 à 15:48, Laïc1 a dit :
"Le référendum, c'est l'assise des régimes autoritaires."
Ils sont très autoritaires en Suisse... Peut-être M. pense-t-il aux référendums dont les urnes sont bourrées à l'avance par le pouvoir de bulletins en faveur du oui ou du non ? Dans ces conditions, il faut surveiller les urnes, ou les bulletins électroniques si l'élection se passe sur internet.
Et puis on n'est plus à l'âge des carrosses et de la poste à cheval, on est du temps d'internet et de l'open data, le parti radical est complètement dépassé par le modernisme, dommage que de tels partis existent encore.
Le 13/12/2016 à 15:14, Laïc1 a dit :
" Ce n'est pas en s'appuyant sur le référendum que l'on ressourcera la démocratie !"
N'importe quoi, on ne sait même plus de quoi on parle à l'arrivée. Le référendum contre la démocratie, il fallait y penser, dommage que dans le langage politique de certains le mot "démocratie" soit devenu synonyme de dictature parlementaire.
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui