Intervention de Bernard Thibault

Réunion du 30 janvier 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Bernard Thibault :

Lors de nos réunions précédentes, j'avais déjà évoqué le référendum de 2005. Comment notre réflexion pourrait-elle faire abstraction de la dernière expérience référendaire française ? En la matière, tout semble question de perception. Je lis par exemple, parmi les questions que comporte la note qui nous a été distribuée, que celle relative aux « leçons du précédent de 2005 » fait mention de l'« échec du référendum sur le traité constitutionnel ». Que je sache, le référendum a bien eu lieu, il s'est déroulé dans de bonnes conditions et il a donné un résultat clair ! En quoi est-il un « échec » ? Peut-être ceux qui auraient aimé que les Français se prononcent autrement considèrent-ils que c'est le cas, mais le terme ne convient pas pour qualifier le choix de la majorité de nos concitoyens.

Contrairement à M. Tourret, je crois que nous devons faire un plus grand usage du référendum. J'ai bien entendu que le sujet était complexe, que nous n'avions pas affaire à un remède miracle, et qu'il était indispensable de mettre en place de nombreux garde-fous. Il s'agit cependant d'un outil qui serait particulièrement utile pour réengager le citoyen dans les projets collectifs.

La situation actuelle repose sur une certaine conception de la politique. On entend souvent dire qu'être élu, c'est exercer un métier. Il faut bien avouer que nous parlons de métiers « fermés » pour lesquels il n'y a pas de bureau d'embauche. Un ancien Président de la République en début de mandat m'avait dit : « Je viens d'être recruté par la France pour un CDD de cinq ans. » Au passage, la meilleure des preuves que le CDD ne permet pas de vivre décemment, c'est que le même aspire aujourd'hui au renouvellement de son contrat. Mais, dès lors que l'élu a le sentiment d'être embauché en tant que « personnel politique » parce qu'il maîtriserait tous les sujets, pourquoi ressentirait-il le besoin de consulter régulièrement le peuple ? Si les responsables politiques considèrent que demander au peuple son avis sur des sujets de premier plan s'apparente à un aveu de faiblesse ou à une défaillance de leurs compétences, l'incompréhension est totale. Ce que nos concitoyens attendent des élus, ce n'est pas qu'ils aient la science infuse, mais qu'ils créent les conditions de la vie démocratique de la cité. Ils ne perdraient rien de leur aura ni de leur légitimité en utilisant l'outil du référendum ; elles seraient peut-être même renforcées s'ils reconnaissaient leurs limites en demandant aux citoyens leur avis sur des sujets majeurs qui les engagent tous – il ne s'agit évidemment pas d'avoir recours au référendum en permanence comme cela se fait en Suisse.

Pour ma part, je ne suis pas convaincu que nos concitoyens n'auraient pas, autrefois, souhaité l'abolition de la peine de mort à l'issue d'un véritable débat national, et qu'ils ne pourraient pas voter aujourd'hui en faveur de l'ouverture du mariage à l'ensemble de nos concitoyens, comme le montrent les enquêtes d'opinion.

C'est d'ailleurs là une autre dimension de notre sujet : le sondage est malheureusement devenu le référendum d'aujourd'hui. Cet outil n'est pourtant en aucun cas un instrument de consultation démocratique : il n'a rien à voir avec le référendum ou avec la pétition. Or, paradoxalement, on gouverne de plus en plus à coup de sondages et de moins en moins avec des référendums !

Permettez-moi de vous poser une première question à laquelle je ne sais pas répondre, et qui ne cache donc aucune arrière-pensée. Serait-il envisageable d'organiser des référendums que je qualifierais de « partiels » ? J'ai bien conscience que le référendum, qu'il soit national ou local, implique l'ensemble des citoyens, mais, dans le domaine social, pourrait-il être utilisé pour consulter officiellement – même si ses résultats auraient sans doute une moindre force juridique – une partie des citoyens, par exemple sur l'évolution d'un système national de retraite ou de sécurité sociale ? On peut demander à l'ensemble des Français s'ils souhaitent que les magasins ouvrent le dimanche – les enquêtes d'opinion indiquent qu'ils y seraient favorables à 70 %, même si je ne suis pas certain du tout que, au bout du compte, le « oui » l'emporterait –, mais ils ne sont pas forcément les premiers concernés. On peut demander à l'ensemble des Français s'il faut reculer l'âge de départ à la retraite, comme le souhaitait un Président de la République, mais dans un pays dans lequel 30 % de la population a plus de soixante ans, il y a de grandes chances pour que cette partie de la population n'y voie aucun inconvénient, même si je reconnais volontiers que le débat peut l'amener à se prononcer en ne tenant pas compte de ses seuls intérêts. Il semble que certains référendums soient, d'une certaine façon, joués par avance, et qu'ils soient en fait des sortes de pièges. De véritables consultations référendaires pourraient en revanche être organisées, par exemple auprès des salariés, s'agissant de projets collectifs les concernant directement, dont les résultats ne s'imposeraient pas au reste de la société.

Ma seconde question porte sur internet. Je suis assez réticent au recours à cet outil comme instrument de vote. Il a certes été utilisé pour des élections professionnelles ou prud'homales, mais je crains que l'intervention de la mécanique n'introduise des suspicions supplémentaires. Monsieur Giraux, je crois comprendre que vous plaidez pour un usage renforcé d'internet : quelles sont vos préconisations en la matière ?

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