Intervention de Bernard Accoyer

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Je m'interroge, et c'est le lieu, sur la hiérarchie des démocraties. Je m'interroge sur ce que nous devrions tous faire pour essayer de sauver notre démocratie, qui n'a pas été construite en un jour et dont on voit qu'elle a davantage besoin d'être confortée que remise en cause.

Quand j'entends dire que l'on peut, d'une certaine façon, légitimer la violence en contestant nos procédures, je m'interroge. La première règle n'est-elle pas de respecter les lois de la République, de considérer que ceux qui ont été désignés par le verdict des urnes ont une légitimité ? N'est-il pas nécessaire de respecter les services de l'État, qui rassemblent des fonctionnaires dévoués à la cause publique, c'est-à-dire à la République, en quelque sorte ?

Tout cela, vous le remettez en cause, en prenant la défense de personnalités ou de mouvements dans lesquels l'autoproclamation est généralement la référence de base. Cela complète la rétraction de la place de la science dans notre société, me direz-vous, mais c'est souvent l'intérêt général qui est remis en cause. Les gouvernements, quels qu'ils soient, essaient d'accompagner le développement économique et social. Alors qu'ils ont la légitimité pour le faire, ils se heurtent à vos procédures dont vous avez expliqué et justifié l'éventuelle violence. Ils se heurtent aussi à des procédures plus légales : les innombrables recours.

Quant à la professionnalisation, dans un domaine qui s'est approprié un terme scientifique – l'écologie –, pourquoi faudrait-il que la collectivité, via les contribuables, accorde des moyens alors que les services de l'État et la solidarité nationale en manquent pour fonctionner au mieux ? La légitimité de votre démarche mérite au moins d'être débattue.

Je voudrais vous questionner sur un cas concret – sanitaire, agricole, économique et social – dans lequel une association de FNE est partie prenante : l'épidémie de brucellose du bouquetin dans le massif du Bargy qui appartient à la chaîne des Aravis, en Haute-Savoie. En 2011, deux cas humains de brucellose ont été diagnostiqués chez deux enfants d'une commune de la chaîne des Aravis. Je rappelle que la brucellose est une maladie grave, une septicémie dont on ne sort jamais sans séquelles. D'ailleurs, les deux jeunes en question présentent des séquelles significatives qui ont changé le cours de leur vie.

L'enquête a montré qu'un bovin, dans une ferme voisine, était infecté de brucella et donc atteint par cette zoonose qu'est la brucellose. Tout le troupeau a été immédiatement abattu, conformément aux dispositions réglementaires. On peut imaginer ce que cela peut représenter pour un éleveur, sur les plans affectif et économique. L'enquête épidémiologique a montré que le bovin avait été contaminé au cours de son séjour en alpage, l'été précédent, dans le massif du Bargy.

Au terme d'un remarquable travail scientifique, les services de l'État ont établi que le cheptel sauvage de bouquetins du massif du Bargy était contaminé à 40 %, ce qui est absolument énorme. En 2013, les services sanitaires ont unanimement conclu à l'application de la règle scientifique absolue : éradication du réservoir des agents contaminants, c'est-à-dire des bouquetins du Bargy. Précisons que le Bargy est un petit massif qui héberge quelques centaines de bouquetins alors que les Alpes en comptent plusieurs dizaines de milliers car, bien qu'appartenant à une espèce protégée, ils prolifèrent. L'espèce n'est ni menacée ni régulée puisque la chasse au bouquetin est interdite, ce qui est peut-être la cause de cette zoonose.

À peine l'avis était-il émis qu'il était contesté par les associations, notamment par celle qui appartient à votre fédération. Finalement, les pouvoirs publics ont reculé et ont décidé de n'autoriser l'abattage que des bouquetins de plus de cinq ans. Il faut être très fort pour repérer un bouquetin de plus de cinq ans au bout d'un fusil, dans un massif montagneux pourvu de barres rocheuses de tous côtés. Néanmoins, des abattages ont été pratiqués. En 2014, une nouvelle enquête a été menée qui a révélé que le taux de morbidité était passé de 40 % à 46 %, voire à plus de 50 % chez les plus jeunes animaux.

À l'été 2014, le ministre de l'environnement est venu en Haute-Savoie et a expliqué qu'il fallait en passer par une éradication suivie d'une réintroduction. Encore une fois, tous les experts considèrent que c'est la seule solution envisageable face à ce risque. C'était sans compter sans la mobilisation des mêmes qui ont décidé que, en aucun cas, ils ne laisseraient procéder à ces manoeuvres sanitaires de prévention.

Quelles sont les conséquences ? Sur le plan sanitaire, la brucellose est une maladie très grave et je ne souhaite à personne d'être contaminé. Sur le plan agricole et économique, la France est réputée indemne de brucellose depuis 2003. Si elle perdait ce statut, la filière bovine ne pourrait plus exporter. Imaginez la crise économique et sociale ! Expliquez-vous sur l'attitude d'une association qui appartient à votre mouvement.

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