Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 18 février 2015 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche, rapporteur :

Notre commission est saisie de deux projets de loi, le premier autorisant la ratification de la Convention postale universelle, le second autorisant l'approbation de l'Arrangement concernant les services postaux de paiement, tous deux signés à Doha le 11 octobre 2012, lors du dernier congrès de l'Union postale universelle.

Le secteur postal international est un domaine encadré par le droit international depuis la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. L'Union postale universelle est l'organisation internationale la plus ancienne après l'Union internationale des télécommunications. Créée en 1874, elle compte parmi les institutions spécialisées du système des Nations unies depuis 1948 et rassemble aujourd'hui 192 États membres. Son siège est à Berne et sa langue officielle est le français. L'UPU fixe les règles des échanges de courrier international et formule des recommandations pour augmenter les volumes de la poste aux lettres, des colis et des services financiers et pour améliorer la qualité du service offert aux clients. La France fait partie des cinq plus gros contributeurs au budget de l'UPU avec le Japon, l'Allemagne, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Elle y apporte une contribution d'environ 1,4 million d'euros.

L'Union postale universelle dispose de quatre organes : le Congrès, autorité suprême de l'UPU, qui se réunit une fois tous les quatre ans. C'est notamment l'instance qui est chargée d'adopter les révisions, le cas échéant, à la Convention postale universelle et aux autres Actes de l'UPU, la Constitution ou le Règlement général, pour adapter les instruments juridiques aux évolutions du secteur postal mondial. Les autres instances sont le Conseil d'administration, le Conseil d'exploitation postale et le Bureau international, qui assure le secrétariat de l'organisation. La France fait partie des quatre plus gros contributeurs, avec 1,4 M€ annuels. Il y a aussi deux coopératives, la Coopérative télématique, dont le Centre de technologies postales est l'organe opérationnel, et la Coopérative EMS « Express Mail Service » qui aide à organiser le service de courrier express, principal service de messagerie des postes.

L'UPU est régie par plusieurs actes juridiques. La Convention postale universelle comporte les règles communes applicables au service postal international et les dispositions concernant les services de la poste aux lettres et des colis postaux. L'Arrangement concernant les services postaux de paiement fixe les principales règles relatives aux produits financiers traditionnellement offerts par les postes : mandats et virements postaux. Il établit des règles communes aux pays signataires afin de compenser les différences entre législations nationales concernant les règles de sécurisation des transferts de fonds et de lutte contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et la criminalité financière.

Le secteur postal mondial est donc un secteur dynamique dont les acteurs se retrouvent face à des défis nombreux auxquels il est indispensable de répondre pour assurer la pérennité du secteur et, au-delà, en permettre la croissance. Quelques chiffres témoignent des enjeux : On recense plus de 5 millions d'employés postaux dans le monde et plus de 660 000 bureaux de poste. Ensemble, les réseaux postaux des différents pays constituent le plus vaste réseau de distribution physique au monde. En 2012, plus de 350 milliards d'objets et près de 6,5 milliards de colis ont été distribués. Le trafic des colis augmente du fait des achats sur Internet. Ce trafic a généré des recettes postales mondiales s'élevant à près de 350 milliards de dollars, dont environ 44 % proviennent de la poste aux lettres, 17 % des colis et services logistiques et 17 % des services financiers postaux. On retrouve cette même évolution s'agissant de la Poste française.

Les évolutions du secteur sont nombreuses, rapides, et tiennent principalement à deux facteurs dont l'impact est considérable pour les échanges postaux internationaux : la libéralisation du secteur et les progrès technologiques. Le phénomène de libéralisation du secteur postal est profond. Il a conduit à une intensification de la concurrence entre les opérateurs postaux publics et privés, mais aussi entre les opérateurs publics eux-mêmes. Il s'est traduit dans la plupart des pays par la transformation des opérateurs postaux historiques en entreprises. Dans le même temps, les postes continuent de remplir la mission de service public universel qui leur est assignée par les gouvernements. Dans le cas de la France, la dynamique de libéralisation du secteur postal s'est traduite en 2010 par une loi qui a modifié le statut de La Poste en société anonyme dont le capital est 100 % public, tout en réaffirmant les missions de service public qui lui sont assignées. À titre de comparaison, en Europe, les principaux opérateurs postaux historiques sont désormais des entreprises publiques, comme au Luxembourg, ou des sociétés anonymes, souvent à capitaux publics, comme en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Grèce, au Portugal, ou parfois à capitaux privés, comme aux Pays-Bas.

Les progrès technologiques et l'explosion du marché des communications conditionnent l'avenir des échanges postaux mondiaux. Le défi pour les postes est de trouver les moyens de contrebalancer les effets de la substitution du courrier physique par la communication électronique tout en exploitant les possibilités offertes par le progrès technologique pour développer et améliorer leurs produits et services. Bon nombre de postes ont d'ores et déjà entamé des réformes et des restructurations qui leur ont permis de devenir des entreprises commerciales plus indépendantes et autofinancées. Pour être compétitives également sur le marché international, elles ont forgé des alliances, opéré des acquisitions stratégiques et diversifié leurs activités ainsi que leurs produits commerciaux. Beaucoup sont déjà entrées dans l'univers électronique en adoptant de nouvelles technologies pour améliorer leurs produits et en créer de nouveaux.

Face à ce marché, il est de la responsabilité de l'Union postale universelle et des États membres d'adopter une réglementation flexible, lisible et améliorant la qualité du service fourni aux utilisateurs. Les deux instruments juridiques présentent un contenu essentiellement technique et leur révision vise à des fins de clarification, d'harmonisation avec les réglementations de différents organismes internationaux et d'adaptation aux évolutions du secteur.

Plusieurs des modifications apportées à la Convention visent tout d'abord à faire évoluer les termes employés pour cadrer avec les nouvelles réalités du secteur. Aussi, l'expression « administration postale » a systématiquement été remplacée par l'expression « Pays membre » ou par l'expression « opérateur désigné » selon que la disposition est de nature gouvernementale ou opérationnelle. L' « opérateur désigné » est l'opérateur postal désigné officiellement par l'État pour assurer l'exploitation des services postaux et remplir les obligations découlant de la Convention. Cette modification vise à prendre en compte le fait que, depuis le début des années 1990, comme je l'ai rappelé, une séparation progressive a eu lieu entre l'État et les services postaux, qui ont peu à peu été transformés en entreprises commerciales opérant dans un milieu de plus en plus concurrentiel. D'autres dispositions de la Convention ont été révisées dans un même esprit d'adaptation à la libéralisation du secteur postal mondial. Par exemple, celles relatives aux timbres-poste ont été remaniées pour mettre en exergue le droit souverain de chaque Pays membre à décider de la façon dont les timbres-poste sont émis et administrés sur son territoire. Il était important de réaffirmer ce principe dans la mesure où le secteur postal est par exemple libéralisé au sein de l'Union européenne depuis le 1er janvier 2011.

Preuve que libéralisation n'est pas uniquement synonyme de déréglementation, la France a également insisté, lors du Congrès de 2008, pour accroître la liste des objets qu'il est interdit d'insérer dans les envois postaux. Je vous rappelle que la lutte contre la contrefaçon, qui nuit aux intérêts économiques français, mais qui peut aussi avoir des conséquences très graves pour la santé et la sécurité des personnes, est l'une des priorités de la France. Cette disposition, souhaitée par notre pays, vise donc à réduire autant que possible la circulation de ces objets par la voie postale et à contribuer ainsi à protéger la propriété et le patrimoine intellectuel et créatif des Pays membres.

Plus généralement, l'objectif fondamental des modifications apportées à la Convention est d'accroître la qualité du service fourni aux utilisateurs. Par exemple, en matière de réclamations concernant les colis et envois recommandés, la Convention prévoit désormais que ces réclamations doivent être transmises par les moyens les plus rapides, voie prioritaire ou moyens électroniques, pour permettre à l'opérateur postal de destination d'enquêter rapidement et pouvoir apporter une réponse au client dans les meilleurs délais. Rejoignant la même volonté d'améliorer la qualité du service postal, la Convention souligne la responsabilité pour l'État de veiller à ce que l'opérateur désigné, qui est responsable de tous les aspects liés au bon fonctionnement des services postaux internationaux, tant vis-à-vis de ses clients que des opérateurs désignés des autres Pays membres, remplisse bien les obligations découlant du traité. En cas de défaillance, il est de la responsabilité de l'État d'en désigner un autre pour faire assurer la prestation. Plusieurs autres amendements apportés à la Convention en 2008 ont visé uniquement à préciser certaines notions ou à harmoniser les règles de l'UPU avec celles d'autres organismes internationaux, comme les Instructions techniques de l'OACI et avec le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses de l'Association du transport aérien international, afin notamment de contribuer à protéger les agents des postes, des douanes ou autres, chargés de manipuler les envois postaux tout au long de la chaîne logistique. Les opérateurs doivent adopter et mettre en oeuvre une stratégie d'action en matière de sécurité, à tous les niveaux de l'exploitation postale. C'est une disposition qui a été proposée par une vingtaine de pays membres, dont la France, suite aux travaux menés dans le cadre de la Commission européenne relatifs à la réglementation douanière. Elle passe notamment par l'envoi de données électroniques préalables concernant les expéditions postales internationales qui seront utilisées à la fois à des fins douanières et à des fins de sûreté et de sécurité de l'aviation, en complément de l'utilisation d'équipements de scannage permettant de réaliser des inspections non intrusives. Un certain nombre d'autres modifications ont été apportées, concernant la classification des envois postaux, les modalités de réclamations, les services électroniques postaux, la responsabilité des opérateurs ou le paiement d'indemnités.

En 2012, les modifications à la Convention ont été de moindre ampleur. Des précisions ont été apportées concernant l'utilisation des données personnelles, entendues comme les « informations nécessaires pour identifier un usager », qui sont encadrées par le nouvel article 12, afin d'en garantir la confidentialité et la protection. En France, La Poste, opérateur désigné pour assurer les obligations de l'UPU au titre de la CPU, est soumise aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et par la loi n° 78-583 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal. Il y a peut-être une contradiction entre le fait de protéger les usagers et le fait que, si l'on veut lutter contre le terrorisme, il n'est pas absurde de vouloir intercepter des envois par la Poste et de s'en donner les moyens. Le bénéfice des exonérations de taxes postales a été étendu à certaines catégories d'usagers, prisonniers de guerre et aveugles par exemple. Les obligations de sûreté auxquelles doivent s'astreindre les opérateurs sont accrues. Selon l'article 9 de la Convention, les pays membres et leurs opérateurs désignés doivent améliorer leurs mesures de sûreté et les rendre conformes aux critères internationaux minimaux.

S'agissant de l'Arrangement concernant les services postaux de paiement, les modifications introduites au texte antérieur ont eu pour objet de répondre à quatre objectifs principaux : La modernisation des règles de gestion des services postaux de paiement internationaux, pour prendre en compte les impératifs de sécurité et de fiabilité indispensables ; l'identification par le grand public de ces services par le biais d'une marque collective associée à une démarche de qualité ; la prise en compte des besoins des populations, notamment migrantes, qui demandent des services de transfert de fonds de qualité à des tarifs permettant l'accessibilité au plus grand nombre ; enfin, le développement des services postaux de paiement électroniques qui devraient progressivement, pour certains pays, se substituer aux services sous forme papier. La qualité et l'accessibilité des services postaux de paiement devraient être améliorées par le nouvel Arrangement qui fixe un cadre commun aux échanges entre les opérateurs désignés. Ces nouvelles règles permettront par exemple à la Banque postale, filiale de La Poste, qui a repris lors de sa création en 2006 le service des mandats nationaux et internationaux, de sécuriser les services échangés avec les opérateurs désignés dont les pays n'ont pas mis en place une réglementation fixant des normes élevées de sécurité concernant les transferts d'argent. Lors du Congrès de Doha en 2012, les changements introduits ont été très modestes et ils n'appellent pas de commentaire particulier. On retrouve par exemple le renforcement de la confidentialité et de la sécurité des données personnelles ou encore des précisions relatives aux questions de responsabilité des opérateurs.

Voilà pour l'essentiel sur un régime qui fonctionne bien dans lequel la France est très active. Les moyens concernant la lutte contre la contrefaçon me semblent personnellement peu convaincants et la vraie question reste celle de l'accès aux données dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

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