Auditionner des représentants de l'État actionnaire en commission d'enquête est l'occasion de poser toutes les questions que nous avons accumulées depuis des années !
Quel est, selon l'État actionnaire, le prix actuel du mégawattheure nucléaire en France ? Le P.-D.G. d'EDF que nous auditionnions tout à l'heure l'a situé à 55 euros, ajoutant que ce prix allait rester identique à l'issue du grand carénage. Dans son rapport à la commission d'enquête relative aux coûts de la filière nucléaire – dont j'étais le rapporteur –, la Cour des comptes l'avait chiffré à 59,80 euros. Comment comprendre cet écart ?
En matière d'investissements d'EDF, le coût de l'EPR de Flamanville – projet qui n'est toujours pas terminé – a explosé par rapport aux prévisions initiales. Comment l'État actionnaire a-t-il pu autoriser un investissement à un coût aussi sous-évalué ? Quels enseignements a-t-on tiré de cette expérience pour éviter qu'elle ne se reproduise ? EDF lance en ce moment d'énormes projets, tels que Hinkley Point en Grande-Bretagne ; faut-il s'attendre à une explosion similaire des coûts ? Quelles garanties l'État prend-il lorsqu'un industriel dont il est actionnaire annonce le coût d'une installation, pour éviter que celui-ci ne dérape ? Cette observation vaut également pour les investissements réalisés par d'autres entreprises de la filière nucléaire, par exemple Areva dont l'État est également actionnaire : le projet UraMin représente 2 milliards d'euros de pertes, l'EPR de Finlande, 4 milliards. Quelles leçons l'État tire-t-il de ces gigantesques échecs qui seront financés par le contribuable français ? Selon le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), personne ne croyait au prix de l'EPR de Flamanville annoncé au départ ; mais qui donc a autorisé cet investissement ?
Dans le cadre de la commission d'enquête sur les coûts du nucléaire, la Cour des comptes a chiffré les investissements futurs relatifs au grand carénage à 110 milliards d'euros. Comment comprendre l'analyse du P.-D.G. d'EDF qui affirme qu'ils n'auront pas d'impact sur le prix du kilowattheure ? Quelle appréciation l'État actionnaire porte-t-il sur cette question et quelle stratégie compte-t-il poursuivre s'agissant de l'engagement des travaux ? Ceux-ci se feront-ils au cas par cas, en fonction de la rentabilité des réacteurs ?
Quel sera l'impact du projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) sur les coûts d'EDF et le prix du mégawattheure ? Présent au sein de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), d'EDF, d'Areva et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'État fixera également, au travers des ministères, le coût officiel du projet. Les écarts entre les estimations des uns et des autres vont du simple au double ; quel est le point de vue de l'APE ?
Le P.-D.G. d'EDF déclare dans la presse qu'il estime indiscutable la nécessité de construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Quelle est la position de l'État actionnaire ? Les futurs réacteurs devront-ils remplir des critères de rentabilité ? Actuellement, on envisage de vendre le kilowattheure aux Britanniques à Hinkley Point à un prix 30 % plus élevé que celui de l'éolien, et deux fois plus élevé que celui de l'électricité en Grande-Bretagne.
La durée d'amortissement des installations nucléaires est aujourd'hui fixée à quarante ans ; pouvez-vous confirmer que l'État actionnaire compte suivre en cette matière les préconisations de l'ASN ? Celle-ci n'ayant pris aucune décision – un référentiel sera progressivement élaboré, un cahier des charges devant être produit pour 2018 –, il n'est pas question d'aller au-delà de ce seuil. Toute tentative de ce type s'apparenterait à une manipulation des cours de bourse pour une entreprise cotée comme EDF dont 15 % du capital sont détenus par des actionnaires privés.