Aurait-on découvert en cours de route que l'EPR de Flamanville représentait une tête de série ? L'APE détenant un portefeuille significatif d'entreprises, y a-t-il d'autres exemples de projets dont le coût aurait été multiplié par trois entre l'annonce initiale et la réalisation ? De plus, le retour d'expérience devrait faire baisser les coûts ; or celui de Hinkley Point dépasse, selon les estimations, celui de Flamanville. Pour ne pas consolider le coût de ce projet dans son endettement, EDF a essayé de ne pas être majoritaire dans le conglomérat qui le financera ; à partir de quel pourcentage de participation l'entreprise devra procéder à la consolidation ?
Vous affirmez que l'APE ne remet jamais en cause la parole de l'ASN qui fixe la durée d'amortissement des installations nucléaires à quarante ans. En même temps, vous dites que les investissements du grand carénage ont pour but non seulement de porter les installations jusqu'à quarante ans, mais aussi, éventuellement, d'aller au-delà. On peut comprendre la logique de rentabilité ; mais l'Autorité des marchés financiers comme la Compagnie nationale des commissaires aux comptes – que j'ai interrogées en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur les coûts de la filière nucléaire – ont toutes deux déclaré que l'amortissement sur cinquante ans leur paraissait totalement inenvisageable sans le feu vert de l'ASN. Toute décision de passer outre l'avis de l'Autorité aurait des conséquences sur la crédibilité du cours de bourse de l'entreprise EDF. Comment conciliez-vous ces lourdes contradictions ?
Enfin, je ne vous demande pas s'il est pertinent de construire de nouveaux réacteurs, ni quand il faudrait le faire ; je souhaite simplement comprendre la stratégie de l'État actionnaire au sein de l'entreprise. À quel niveau de rentabilité – c'est-à-dire à quel prix du kilowattheure –, estimera-t-on qu'il vaut mieux investir dans le nucléaire que dans d'autres types d'énergie ? Le mégawattheure est évalué à quelque 110 euros à Hinkley Point ; pour ses réacteurs, EDF le chiffre à 55 euros. Le coût variant du simple au double, quelle serait la cible si l'on décidait de construire un nouveau réacteur en France ?