Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, madame la rapporteure pour avis, je vais tenter de vous répondre le plus précisément possible, ce qui peut me conduire à dépasser les deux minutes, mais de peu… (Sourires.)
Je tiens tout d'abord à préciser que j'applique les règles relatives à la recevabilité financière dans la stricte continuité d'une jurisprudence solidement établie mais qui, comme toute jurisprudence, a évolué au fil du temps. Elle se fonde sur le travail de Jacques Barrot, de Pierre Méhaignerie et de Jérôme Cahuzac, ce qui devrait, je l'espère, garantir l'objectivité de mes arguments.
Pour ce qui concerne aujourd'hui la Banque publique d'investissement, je suis d'abord parti du constat qu'il s'agissait d'une structure à capitaux publics, intervenant dans un champ non concurrentiel, puisqu'elle intervient soit là où les banques peuvent refuser d'aller, soit en complément de leur action. Le ministre vient d'ailleurs de nous redire que la BPI n'était pas une banque comme les autres – j'espère au passage, monsieur le ministre, qu'elle ne prendra pas pour slogan « le pouvoir de dire oui »… (Sourires.)
L'article 1er du projet de loi définit les missions qui incomberont au groupe public BPI, c'est-à-dire à l'ensemble des entités visées dans le texte. Dès lors, toute extension de ces missions constitue bien une charge, puisque nous sommes dans le champ de la dépense publique, ce qui requiert l'application de l'article 40, conformément à une jurisprudence très précise.
Nous acceptons les amendements qui, au-delà du texte stricto sensu, sont couverts par une intention explicite du Gouvernement. Cette intention peut se manifester dans l'exposé des motifs, en commission, si le ministre l'exprime, ou en séance publique, par un amendement du Gouvernement. Elle peut aussi se manifester dans l'étude d'impact, mais j'y viens.
Nous appliquons avec toute la souplesse nécessaire cette notion d'intention du Gouvernement, ce qui ne doit toutefois pas conduire à l'interpréter de manière trop large. À ce titre, la question des études d'impact fait problème. En effet, les études d'impact ont été introduites pour la première fois dans la jurisprudence par mon prédécesseur Jérôme Cahuzac, il y a deux ans. S'il l'a fait, c'est que l'étude d'impact concernée comportait une évocation très précise du dispositif qui figurait dans la loi. Or nous sommes de plus en plus souvent en présence d'études d'impact qui relèvent de la littérature et privilégient les généralités sur les dispositions opérationnelles, comme le montre le cas de l'amendement n° 68.
Par ailleurs, je rappelle que, depuis la réforme constitutionnelle, aux termes de laquelle, sauf pour les lois de finances, c'est le texte approuvé par la commission qui est examiné en séance, les présidents des différentes commissions ont bien, au titre de l'article 40, un pouvoir d'appréciation, mais que ce pouvoir ne lie pas le président de la commission des finances.
J'ai donc accepté les amendements à l'article 1er qui reprenaient exactement l'exposé des motifs. En revanche, dès qu'ils s'écartaient de cet exposé des motifs ou de l'étude d'impact – lorsque celle-ci ne se bornait pas à des généralités –, je les ai censurés.
J'en viens à l'amendement n° 68, qui dispose que la BPI « favorise » la création d'entreprises. Cet amendement fait référence à l'étude d'impact, laquelle précise que la BPI « accompagnera » les entreprises de la création jusqu'aux marchés internationaux. Mais cette précision ne couvre pas votre amendement, madame la rapporteure pour avis, dans la mesure où vous insérez cet ajout dans l'alinéa qui indique que cette action d'accompagnement passe par des financements en prêts et en fonds propres, alors que l'étude d'impact ne va pas aussi loin et ne mentionne pas, au stade de la création, les financements et les fonds propres.
La création d'entreprise est un sujet très spécifique, qui fait par exemple intervenir les fonds d'amorçage. Or, ni OSEO ni le FSI ne pratiquent l'amorçage. Nous ne sommes donc pas dans le registre de la création d'entreprise.
D'autre part, l'étude d'impact utilise le verbe « accompagner ». On accompagne certes un enfant à l'école, mais ce n'est nullement un terme juridique précis, sur lequel j'aurais pu me fonder pour autoriser un amendement qui lie création d'entreprises et modalités de financement de cette création. Telles sont les raisons pour lesquelles cet amendement n'a pas été accepté.
J'en viens au zonage. Sur ce point, le Gouvernement a adopté une rédaction très générale, tandis que l'exposé des motifs est, lui, plutôt précis.
Quand Guillaume Bachelay a proposé son amendement, nous avons été plusieurs, dont Hervé Mariton et moi-même, à le mettre en garde : plus on précise les secteurs, voire les zones géographiques, plus on risque d'aboutir à une énumération, juridiquement limitative. Il faut donc être attentif à ne pas faire cela. Conscients du danger, les rapporteurs ont souhaité supprimer la référence aux zones urbaines par amendement.
Las ! Dans l'exposé des motifs, des zones urbaines sont explicitement visées ! Malgré toute ma bonne volonté, je me suis retrouvé en quelque sorte coincé par l'exposé des motifs, et même déchiré car je suis complètement d'accord sur le fond avec Mme Valter. Je dis d'ailleurs souvent aux administrateurs ici présents, dont la vigilance est extrême, que je trouve cet amendement très bon et que je souhaiterais qu'on puisse le voter. Mais si bon soit-il sur le fond, s'il n'est pas conforme à l'article 40, on ne peut l'accepter. J'insiste un peu sur ce point, car notre souhait, c'est de discuter les amendements.