Derrière les questions techniques relatives au mode de calcul des tarifs ou à la durée d'amortissement émergent des enjeux plus vastes. Dès lors que nos tarifs sont fixés par la puissance publique, celle-ci doit veiller à ce qu'ils couvrent nos coûts. Le système du tarif par empilement présente le défaut de ne pas couvrir les coûts de manière structurelle, puisqu'une composante importante repose sur un prix de marché et non sur nos charges ; celui-là étant actuellement inférieur à celles-ci, nous vendons à perte. Le Conseil d'État a souligné que l'empilement n'empêchait pas en lui-même la couverture de nos coûts. La marge de manoeuvre sur ces derniers renvoie au problème, bien connu des économistes, posé par l'existence de tarifs administrés pour une entreprise industrielle et commerciale.
L'État est en droit de voir ses capitaux rémunérés par des dividendes, calculés à partir des résultats du groupe EDF, dont un tiers de l'activité se réalise hors de France. Le dividende représente 55 à 65 % du résultat net courant – celui-ci découlant du résultat net retraité de quelques événements non récurrents – et atteint 58 % pour le dernier exercice.
L'État a également intérêt à ce que les coûts soient les plus faibles possible. On pourrait sortir du système de prix administré, d'autres monopoles soumis à la concurrence, comme celui des télécoms, ayant pu emprunter ce chemin ; cela n'est pas d'actualité pour l'électricité, mais on pourrait l'imaginer à terme. Des mécanismes d'incitation à maîtriser les coûts ont été déployés pour certains opérateurs d'infrastructures essentielles – ou utilities –, ce dont bénéficient les consommateurs, l'entreprise concernée et ses collaborateurs. Un tel mécanisme n'existe pas aujourd'hui pour EDF et peut-être votre commission pourrait-elle en imaginer. Il existe des marges de manoeuvre pour améliorer les bases de coût chez EDF, même si de gros efforts ont déjà été consentis comme le programme Spark, initié par mon prédécesseur, qui a produit des résultats importants puisque le montant des économies a atteint 1,3 milliard d'euros en 2012 et 2013. Nous continuerons d'améliorer nos offres de service et la gestion de nos achats, de nos systèmes d'information et de notre parc immobilier tout en accroissant la productivité de nos installations. L'entreprise doit tout faire pour assurer le service public au meilleur coût, mais le système actuel, animé par la brutalité de la décision administrative, n'est pas adapté aux évolutions du marché, à la concurrence que nous subissons sur l'ensemble de nos prestations et à la recherche de la meilleure rentabilité de nos différentes dépenses.
Je n'ai pas noté que la Cour des comptes accuse EDF d'empiéter sur les prérogatives d'ERDF ; si tel était le cas, nous ne respecterions pas nos obligations légales. Nous avons répondu à la CRE et à la Cour des comptes sur les questions portant sur la marque ERDF. La gouvernance de cette filiale à 100 % d'EDF est assurée de manière indépendante, comme le dispose la loi.
Le coût du nucléaire a augmenté, pas autant que vous le dites, monsieur Baupin, mais cette hausse est normale car le coût de l'entretien d'un équipement s'accroît avec sa durée de vie.
(Présidence de M. Alain Leboeuf, vice-président de la commission)
Le conseil d'administration d'EDF a approuvé le principe du grand carénage, si bien qu'une phase de réinvestissement dans un outil de production nucléaire plus tout neuf s'ouvre devant nous. Les études de la CRE et de la Cour des comptes soulignent que le coût du nucléaire, même en prenant en compte l'amortissement prévisible du grand carénage, permet à cette source d'énergie de rester de loin la plus économique. Les Français profitent du nucléaire, comme le montrent les comparaisons dressées entre les tarifs de l'électricité dans notre pays et ceux pratiqués chez nos voisins. Le grand carénage vise à maintenir le coût de complet de production à 55 euros le mégawattheure, niveau inférieur à celui des énergies alternatives ; même si le coût des EnR diminue en effet, il reste très supérieur à celui du nucléaire, et ce sans compter l'intermittence de ces énergies.
Les charges de CSPE, qui s'élèvent actuellement à 6 milliards d'euros, augmenteront de près d'1 milliard d'euros par an pour atteindre au moins 10 milliards d'euros en 2020. L'effort consenti pour les EnR s'avère substantiel, d'où ma volonté de le voir partagé entre les consommateurs d'électricité et ceux d'autres formes d'énergie, notamment le gaz et le fioul.
Notre capacité de production électrique génère un solde commercial significativement positif – les exportations d'électricité contribuant à hauteur de 2 milliards d'euros à la balance nationale totale. Le parc de production nucléaire et hydraulique français engendre des exportations qui amortissent nos investissements à hauteur de 110 %, ce qui permet de diminuer d'autant le prix acquitté par les ménages.
Le réacteur de Flamanville est un prototype qui n'entre pas dans l'empilement économique servant à calculer le coût, mais nous travaillons intensément avec Areva pour que le retour d'expérience de ce projet – qui a connu des vicissitudes liées à son caractère innovant – permette de construire des EPR moins chers à l'avenir. Les futurs réacteurs, que nous appelons EPR nouveau modèle, ont vocation à intégrer les programmations pluriannuelles, prévues par le projet de loi relatif à la transition énergétique et élaborées sous l'autorité de l'État. En attendant, il convient, comme dans de nombreux pays européens et américains, d'allonger la durée de fonctionnement des réacteurs existants. Nous travaillons avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour que la durée de vie de ces réacteurs passe de 40 à 50 ans, les Américains ayant déjà décidé que les leurs, de technologie identique, restent actifs 60 ans.
Le temps est peut-être venu de s'interroger sur la façon dont l'État organise ses différents rôles d'actionnaire, d'autorité de régulation et de bâtisseur d'une politique de l'énergie, et de s'interroger sur les mécanismes incitatifs que l'on pourrait mettre en place afin d'assurer la cohérence de l'ensemble du dispositif.