Pour l'international, notre partenaire Business France, né de la fusion de l'Agence française pour les investissements internationaux et d'Ubifrance, nous a délégué 40 chargés d'affaires internationaux chargés de convaincre les entrepreneurs de se projeter à l'export. Nous avons équipé toutes nos agences d'un système de visio-conférence branché sur le réseau mondial de Business France. Nous avons développé une gamme de produits export. Pour le principal d'entre eux, le prêt export, qui est un prêt de développement sans garantie de 3 millions d'euros, l'enveloppe a doublé en 2014 et continuera de croître. C'est un axe stratégique majeur pour Bpifrance car les entreprises qui innovent et qui exportent sont en croissance. Aussi prenons-nous l'initiative, par un porte-à-porte – 75 000 visites en 2014 – de faire savoir aux entreprises que nous pouvons financer leur croissance par l'internationalisation. Outre le prêt export, nous disposons pour cela de plusieurs instruments. Nous nous attachons à mobiliser les créances nées à l'étranger, conformément à un dispositif lancé en septembre dernier et qui prend son essor. Nous distribuons l'assurance prospection de la Coface par le biais de vingt développeurs Coface qui sont pour partie à la Bpi. Nous avons aussi une activité de crédit acheteur à l'export, également lancée en septembre dernier pour les ETI françaises ; elle nous permet de financer les acheteurs étrangers de biens d'équipement français. Tout cela concerne des contrats compris entre 10 et 40 millions d'euros. Au-delà, les banques françaises sont correctement équipées pour pourvoir aux besoins.
Je souhaite renforcer notre excellente collaboration avec Business France. Le déficit commercial de la France étant celui que l'on sait, les 40 chargés d'affaires internationaux qui nous ont été dépêchés ne suffisent pas ; leur effectif devrait passer à 150 personnes, autant qu'en compte notre réseau chargé des prêts à l'innovation. Je continuerai de pousser en ce sens. De même, nous pourrions faire beaucoup plus avec la Coface que de distribuer son assurance prospection ; la tutelle en discute. Le partage des tâches à l'international avec la Caisse des dépôts est connu : la CDC a créé CDC International Capital, structure qui reçoit des capitaux de certains fonds souverains, dont ceux du Qatar et d'Abou Dhabi, et qui les réinvestit dans des infrastructures et, le cas échéant, dans les ETI françaises. Nous essayons de travailler en bonne intelligence avec ce fonds. Je souligne que Bpifrance investit uniquement dans le financement des entrepreneurs, aucunement dans les infrastructures.
Pour ce qui est des prêts à l'innovation, nous avons fait de grands progrès dans les délais de traitement, et les dérapages ponctuels qui ont pu être observés dans certaines régions relèvent du management. Une faiblesse potentielle demeure : si les ressources issues du programme d'investissement d'avenir sont sanctuarisées dans la durée, il n'en va pas de même des crédits du programme 192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle. Ces crédits permettent d'accorder des aides de 200 000 à 500 000 euros à 3 000 entreprises françaises chaque année. C'est le coeur du financement de l'innovation : il n'est pas une entreprise innovante qui ait commencé ses activités sans un prêt de ce type. Or, il nous faut batailler à chaque instant pour préserver l'intégralité de ce budget, au demeurant relativement modeste à l'échelle du pays, et qui est tous les ans en danger. En proportion de leur PIB respectif, la Suède et la Finlande consacrent à cet objet de 5 à 8 fois plus que nous. Avec un budget annuel oscillant entre 175 et 180 millions d'euros, nous sommes à l'étiage ; il ne faut en aucun cas faire moins. En l'état, dès le 15 octobre, nous n'avons plus rien à distribuer, non que nous ayons été trop larges au premier semestre, mais parce que la ligne budgétaire allouée au programme 192 est épuisée. Cela nous contraint, pendant tout le dernier trimestre, à inviter les entreprises à réitérer leur demande en janvier ; c'est peu satisfaisant. Nous nous interrogeons donc sur les moyens de pérenniser un montant compris entre 200 à 250 millions d'euros destiné au coeur du financement de l'innovation en France. J'appelle à comparer ces 250 millions d'euros, destinés à 3 000 PME et directement créateurs d'emplois, aux 700 millions d'euros qui seront injectés dans le seul programme de recherche et développement « Nano 2017 ». Il faut préserver cette ligne, absolument.
Nos relations avec le Commissariat général à l'investissement, dont nous sommes l'opérateur, sont permanentes. Pour éviter d'allonger indûment les délais d'exécution, les rôles doivent être clairement répartis : au Commissariat la définition de la stratégie et le pilotage de l'allocation des ressources, à Bpifrance le soin de les mettre en oeuvre. La Banque est entièrement centrée sur le client : sur le terrain, nos 150 scientifiques choisissent et instruisent les dossiers, les font remonter, et la décision, positive ou négative, est prise sans que d'autres équipes aient à refaire les additions.
Avec l'Ademe, qui conduit ses opérations spécifiques en fonds propres, et sans doute faute de temps de part et d'autre, nous avons très peu de relations, si ce n'est dans le cadre de notre fonds EcoTech, qui mobilise 250 millions d'euros en faveur de la transition énergétique.
Vous m'avez interrogé sur les critères qui déterminent nos choix. Dans le volet « fonds propres » de nos activités, on trouve des fonds thématiques : un fonds Internet, un fonds BioTech, un fonds NetTech, un fonds EcoTech. De même, dans le volet « fonds de fonds », il y a une classe d'actifs BioTech, une classe d'actifs Internet et aussi une très petite classe d'actifs « transition énergétique ». Ce secteur du capital investissement est en effet dangereux, coûteux et rapporte peu, si bien qu'en France, deux fonds seulement se sont spécialisés dans ce domaine. Les fonds d'amorçage sont également spécialisés.
En revanche, pour le milliard d'euros que nous distribuons chaque année dans le cadre de nos activités bancaires – aides à l'innovation, subventions, programmes collaboratifs du programme d'investissements d'avenir, subventions du Fonds unique ministériel, programme d'innovations de rupture de Mme Anne Lauvergeon, prêts pour l'innovation et prêts d'amorçage –, nous n'avons défini a priori ni enveloppe ni quota par grand secteur d'avenir. Ce qui compte pour nous est la qualité de l'entrepreneur : nous ne voulons donner de capitaux ni à des professeurs Cosinus incapables de passer au stade du développement industriel de leurs inventions, ni à d'excellents entrepreneurs dont l'envergure scientifique est insuffisante. C'est dire l'importance de nos talentueuses équipes sur le terrain.
Nous finançons l'économie sociale et solidaire par le biais du Fonds d'investissement dans l'innovation sociale (FISO), doté de 10 millions d'euros alloués dans les régions par nos équipes « Innovation ». Nous avons lancé lundi dernier notre nouvelle politique d'allocation, dans laquelle nous insistons sur les projets d'innovation non technologiques – ceux qui concernent les usages. Les Français ont brillé par leur créativité dans des innovations d'usage avec des inventions telles que le stylo Bic ou le minitel. C'est moins le cas maintenant car nos dispositifs de financement de l'innovation nous imposaient de ne financer que des produits ; en Scandinavie, 30 % des aides à l'innovation vont à l'innovation non technologique et une partie à l'innovation sociale. Notre vision de l'innovation est maintenant élargie et nous avons d'autre part commencé de déployer un prêt de développement « Économie sociale et solidaire » sans garantie. Cela a pris du temps, le fonds de garantie qui permettait de le lancer n'étant jusqu'alors pas alimenté par l'État ; il l'est maintenant. Enfin, nous allons lancer le prêt « quartiers » de 50 000 euros, autre prêt de développement sans garantie. Voilà pour les crédits.
Pour ce qui est des fonds propres, nous avons pris des participations au capital de plusieurs coopératives telles que Limagrain et Sofiprotéol. Outre cela, nous avons injecté en 2014 des ressources dans Citizen Capital et Impact Partenaires, les deux seuls fonds qui alimentent en fonds propres des entreprises situées dans des zones défavorisées ; nous serons amenés à renforcer leurs moyens car ils ont d'autres idées. Des fonds de cette sorte, il en faudrait dix, mais les équipes d'investisseurs entrepreneurs à composante sociale capables de sélectionner les risques sans se rémunérer comme on se rémunère dans les fonds classiques, ne sont pas légion.
Les TPE concernent des millions d'individus. Bpifrance, avec un effectif de mille personnes sur le terrain, n'est pas outillée pour les traiter, et n'a pas été conçue pour cela. La tâche revient aux réseaux bancaires, qui ont chacun plusieurs dizaines de milliers de salariés. Nous n'avons de relations avec les TPE que pour le préfinancement du CICE – ce qui représente 15 000 contrats par an.
Pour les TPE de l'économie sociale et solidaire, ce sont les réseaux d'Initiative France, de France Active et de l'ADIE qui interviennent. Ces réseaux entrent dans le périmètre de la CDC ; nous ne les finançons pas, mais ils distribuent notre prêt « économie sociale et solidaire ».
Vous m'avez interrogé sur le règlement des désaccords éventuels entre nos deux actionnaires, l'État et la CDC. Ce qui concerne Bpifrance passe pour l'essentiel par M. Régis Turrini, Commissaire de l'Agence des participations de l'État, d'une part, M. Franck Silvent, directeur du pôle Finances, stratégie et participations du groupe Caisse des dépôts d'autre part. La politique de dividendes est maintenant définie et il n'y a pas de désaccords entre eux. Nous entretenons un dialogue créatif avec la direction du Trésor et il n'y a pas davantage de conflits, ni sur la gestion de la garantie, ni sur les nouveaux produits bancaires. Avec la direction générale des entreprises, le dialogue sur l'innovation se déroule bien.
Les deux plus hauts salaires de Bpifrance - le mien et celui de l'ancien directeur général du Fonds stratégique d'investissement - sont, comme c'est la règle, plafonnés à 450 000 euros. Je pense que l'écart entre les plus hauts et les plus bas salaires est d'environ 1 à 18. Les différences de rémunérations versées par les quatre entités qui ont formé Bpifrance étaient assez marquées. Nous avons entièrement révisé la structure des rémunérations et nous entendons parvenir à l'harmonisation en six ans. Nous corrigerons progressivement les décalages en commençant par les plus bas salaires, ceux des fonctions support en particulier ; nos actionnaires ont aussi donné leur accord pour que certaines catégories salariales soient repositionnées.
Vous m'avez interrogé sur nos frais fixes. Pour le fonds d'investissement, la mesure se fonde sur deux indicateurs : le nombre d'investissements réalisés par an et par investisseur et le nombre de lignes d'investissement suivies par an et par investisseur. Avec, en moyenne, 7,5 lignes et 5 investissements annuels par investisseur contre respectivement 4,5 et 3 sur le marché, nos chargés d'affaires, très productifs, ont une plus lourde charge que leurs homologues. C'est une des raisons pour lesquelles nos actionnaires ont accepté que nous recrutions en 2015.
Pour les activités de crédit, les frais fixes se mesurent en calculant le coefficient d'exploitation et sa stabilité dans le temps. Le nôtre est stable à 62 % pour une activité très particulière, puisque la garantie ne rapporte rien ; le crédit rapporte 5 % et les prêts à l'innovation, parce qu'ils ont été débudgétisés pour les frais de fonctionnement, nous font perdre, structurellement, 30 millions d'euros par an. En partant d'une base 100 en 2009, le volume des en-cours de prêts de garantie est de 240 dans le budget 2015, les frais de personnel s'établissant à 133. Pour une activité qui a été multipliée par 2,3 depuis 2009, les frais de personnel ont été multipliés par 1,3 et les effectifs par 1,16 – en tenant compte des recrutements à venir en 2015. Nous sommes d'une frugalité extrême, et aucun recrutement n'a lieu si le conseil d'administration de la maison mère n'en a pas voté le budget.