L'ANAP est un groupement d'intérêt public (GIP) qui associe l'État, représenté par des directions de l'administration centrale du ministère des affaires sociales et du ministère du budget. L'Agence a un budget de 25 millions d'euros et un plafond d'emplois de 98 équivalents temps plein (ETP). Son objectif principal est de diffuser une culture de la performance de l'organisation auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux, la performance étant entendue au sens de tout ce qui contribue à améliorer la prise en charge des personnes malades ou hébergées en établissement de moyen et long séjour, de tout ce qui contribue à la satisfaction des salariés et à l'amélioration de leurs conditions de travail, au sens, enfin, de tout ce qui peut générer une meilleure utilisation des ressources.
J'en viens aux thèmes que vous nous avez indiqué souhaiter aborder aujourd'hui.
Vous souhaitez savoir dans quels cas l'Agence signe des contrats de performance avec les établissements, si c'est plutôt pour des interventions longues et pour mieux suivre la mise en oeuvre de ses préconisations.
Les contrats de performance, tels qu'ils ont été conçus dans les années 2009, ont été circonscrits dans le temps puisque définis pour la période 2009-2012. Ils avaient un caractère expérimental et visaient à créer de nouvelles modalités et méthodes de transformation des organisations de santé en promouvant une vision globale et priorisée de l'ensemble des problématiques. Jusqu'alors, on avait tendance à ne considérer qu'un aspect des problèmes, comme l'organisation des blocs, l'organisation des systèmes d'information ou encore l'organisation des investissements. Puisque tout interagit, cette approche se voulait globale et hiérarchisée. Des murs trop importants ou mal adaptés, par exemple, induisent une mauvaise organisation en matière de ressources humaines ou en termes de systèmes d'information.
Cette approche était intéressante dans la mesure où elle concernait vingt-huit grands établissements français, soit environ 10 % des lits en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Elle a permis de promouvoir une vision multidimensionnelle des problématiques des organisations de santé et de faire ressortir que les raisonnements en silos verticaux n'étaient pas les plus probants, qu'il fallait, au contraire, avoir une approche globale.
Nous sommes partis d'un diagnostic partagé avec les acteurs.
Pour prendre l'exemple de l'hôpital de Condom, il est inutile que l'ANAP dise comment faire en l'absence d'accord du directeur, du président du conseil de surveillance et du corps médical. Il faut partir d'un diagnostic partagé. Une fois que nous sommes tous d'accord, nous pouvons définir une feuille de route et, dès lors que nous sommes d'accord sur le diagnostic et la feuille de route, nous savons quel plan d'action élaborer, ce qui doit être fait en lien avec les équipes. Cette méthode a permis des transformations importantes et de générer de réelles économies pour le système hospitalier dans son ensemble puisque le projet était étudié et valorisé par la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) et les services de l'État et présenté dans le cadre du Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO). Nous avons investi dans ce projet 60 millions d'euros, tout compris, pendant une période de trois ans, et nous avons généré 300 millions d'économies pérennes. Le rapport est donc plutôt positif.
Nous avons pris en compte les attentes des soignants, et notamment des cadres soignants responsables d'unités ou de services. Ce sont eux qui ont induit le mouvement à grande échelle. Il faut toujours les facteurs déclenchants des directions et des présidents de commissions médicales d'établissement (CME), mais il faut également que les personnels suivent.
La capitalisation des connaissances issues de la réalisation de ces projets a permis de contribuer à définir de nouvelles méthodes. Aujourd'hui, par exemple, le projet « gestion des lits », lancé récemment par la ministre chargée de la santé, est issu de la capitalisation des projets de performance. On s'est aperçu, au travers des projets de performance, que la bonne gestion des lits, c'est-à-dire le rapprochement entre les gens qui attendent dans les services d'urgence et les lits vides, était indispensable dans les organisations. Le sujet a été mal exploré antérieurement. Aujourd'hui, à la demande de la ministre, 164 établissements sont accompagnés. Cette vision globale, qui s'appuie aussi sur une vision holistique pour lancer le mouvement dans un grand nombre d'établissements simultanément, a permis de transformer les mentalités des acteurs.
En ce qui concerne le choix de nos intervenants, vous souhaiteriez savoir si ce sont essentiellement des praticiens des domaines de la santé et du médico-social ou si nous recourons également à d'autres profils.
Nous avons 98 collaborateurs, mais sur ce plafond d'emplois, nous avons affecté l'équivalent de deux ETP à des missions d'expertise. Quand nous avons travaillé sur le sujet de la chirurgie ambulatoire, nous avons recruté vingt experts nationaux des secteurs public et privé, ainsi que des ESPIC, principalement des chirurgiens et des anesthésistes, mais aussi des soignants, qui nous ont aidés à préciser nos propositions afin qu'elles soient fondées, en termes d'organisation, sur des pratiques véritables.
Nos collaborateurs sont tous issus d'établissements de santé et ont des profils très diversifiés. Ils ont deux caractéristiques ou missions.
D'abord, ils sont représentatifs des établissements qu'ils ont vocation à conseiller. Si je me rends au Centre hospitalier (CH) de Condom, je peux ainsi dire à votre directeur que j'ai été moi-même directeur de l'hôpital de Royan, ce qui, d'entrée, crée des connivences.
La deuxième mission des collaborateurs est de contribuer au décloisonnement des secteurs, en proposant une vision large de l'aspect MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) par rapport au secteur médico-social, mais également par rapport au secteur privé. Elle a aussi pour objectif de contribuer au décloisonnement des métiers. Il ne doit pas y avoir, d'un côté, la direction, de l'autre, les responsables des systèmes d'information. Les systèmes d'information sont un des éléments incontournables de la stratégie des établissements. Les deux parties doivent pouvoir communiquer et travailler de concert.
Si un directeur d'établissement ou un chef de bloc est confronté à une réorganisation majeure de son unité, cela ne lui arrivera qu'une fois dans sa vie, peut-être deux. Reconstruire un hôpital est, pour un directeur, une expérience unique, qui durera de cinq à dix ans. S'appuyer, au sein de l'ANAP, sur des personnes qui ont des profils différents et qui ont accumulé des expériences diversifiées permet de mettre cet ensemble d'expériences diversifiées au service de professionnels qui, eux, n'ont jamais – ou rarement –vu ce type de transformation.
L'Agence recourt également à des consultants, mais ils ne sont pas là pour agir à la place de l'ANAP. Lorsque nous recourons à des consultants, un professionnel de l'ANAP encadre systématiquement leur mission. Les consultants ne peuvent jamais décider eux-mêmes de la façon de conduire un projet. En revanche, ils démultiplient notre capacité d'agir sur un territoire puisqu'ils nous permettent de toucher un plus grand nombre d'établissements. Il est évident que 98 ETP ne suffiraient pas par exemple à accompagner 450 établissements dans le programme Hôpital numérique. Il faut avoir la possibilité de s'appuyer sur des consultants.