Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi, avant les auditions et nos travaux en commission des affaires sociales, ne comportait qu'un seul article actant la possibilité pour les mutuelles d'établir des différences dans le niveau des prestations lorsque l'assuré choisit de recourir à un professionnel, un établissement de soins ou un service de santé membre d'un réseau de soins mutualistes.
Je ne rappellerai ni l'historique ni le contexte, notre rapporteure les a parfaitement décrits. Quoi de plus normal que le législateur, garant des principes d'égalité mais aussi de liberté, se saisisse à nouveau de cette question, pour mettre un terme à une anomalie et sécuriser des réseaux de soins existants ? L'histoire aurait pu s'arrêter là, et mon intervention devenir sans objet. Et pourtant, comme dans un film à suspense, c'est là que tout a commencé.
La proposition de loi a été analysée, décortiquée, scénarisée, jusqu'à faire naître une vague d'argumentaires dont nous avons tous été destinataires, défendant des points de vue très différents. Une opposition policée s'est cristallisée entre la mutualité, forte de son modèle et de ses millions d'adhérents, et certains syndicats professionnels inquiets.
Face à cette situation, je me suis posé, avec mon collègue Olivier Véran, une seule question : La suspicion vis-à-vis des mutuelles reposait-elle sur une lecture erronée du projet de loi, sur des inquiétudes fondées qu'il nous faudrait lever, ou sur une confrontation d'intérêts ?
Personne de bonne foi aujourd'hui ne peut contester la place des mutuelles dans le monde de l'optique, du dentaire ou de l'audioprothèse, et les auditions que nous avons menées ont conforté ce point de vue.
Par ailleurs, j'invite chacun à relire tranquillement le discours du Président de la République devant le congrès de la mutualité, le 22 octobre. Il a rappelé la situation difficile de notre pays, avec une dette sociale de 145 milliards d'euros, et affirmé ses priorités.
La première d'entre elle est l'accès aux soins, ce qui implique de conforter l'assurance maladie obligatoire qui, selon ses propres termes « doit être le pilier et non pas le plancher de notre système ». Le risque, a-t-il dit, a un nom : c'est le marché libre, qui sélectionnerait les patients ; cette liberté, elle aussi, a un nom : c'est la privatisation. Le temps est venu de porter un coup d'arrêt à cette dérive.
Il a annoncé sa volonté de généraliser, à l'horizon 2017, l'accès à une couverture complémentaire, en appelant à une révision de la fiscalité sur les contrats responsables.
Enfin, il s'est prononcé sans ambiguïté pour que les mutuelles, comme les compagnies d'assurance et les institutions de prévoyance, puissent conventionner – c'est l'objet même de la proposition de loi dont nous discutons.
Et pourtant, malgré la parole présidentielle et celle de la ministre des affaires sociales, la fronde n'a pas cessé, et les craintes des professionnels continuent à s'exprimer à l'heure où nous parlons. Je les résume en deux phrases : une crainte « de l'intérieur », celle d'être contraints, à terme, dans leur pratique, leurs choix ou leurs marges ; une crainte « de l'extérieur », celle de la concurrence déloyale qu'en tant qu'indépendants ils auraient à subir de la part des réseaux existants.
Ces craintes ont diffusé largement, bien au-delà des professionnels directement concernés que nous avons auditionnés – ceux de l'optique, du dentaire et de l'audioprothèse –, pour atteindre les médecins. Ceux-ci expriment leur inquiétude d'être demain prisonniers de réseaux qui imposeraient leurs tarifs pour mieux réguler les coûts, certains allant jusqu'à évoquer la « privatisation rampante de notre système de santé » ou encore une « américanisation du système ».
À la lecture des amendements adoptés en commission, qui ont précisé le texte et l'ont enrichi, ces craintes ne m'apparaissent pas fondées. Cette proposition de loi, ainsi modifiée, vient simplement combler un vide juridique.
Je terminerai en citant l'avis de Franciliens interrogés ce matin dans Le Parisien, et qui, à la question : « Êtes-vous prêts à choisir dans une liste de praticiens pour payer moins cher ? » – question qui a d'ailleurs peu à voir avec notre texte – faisaient les réponses suivantes :
« Oui, dit Delphine, 44 ans, je veux bien choisir dans une liste, à condition qu'elle ait été validée par la Sécu, et si ce sont des prestataires qualifiés. »
« Oui, dit encore Quentin, 24 ans, si ça peut me permettre de payer moins cher. Ce qui me fait hésiter, ce serait de choisir un dentiste ou un opticien trop loin de chez moi. »
« Oui et non, dit Roger, retraité de 85 ans, oui pour l'économie et non parce que je veux choisir. »
« Non, dit enfin Frédéric, je préfère payer et choisir moi-même mon opticien, mon dentiste ou mon médecin généraliste. La liberté, ça a un prix. »
Ces réponses font écho à toutes les questions que nous nous sommes posées en travaillant sur le texte initial, que nos amendements ont permis, me semble-t-il, de tirer vers un bon compromis.
Madame la ministre, je rappellerai pour conclure les grands chantiers qui sont devant nous, celui de la réforme du financement de la protection sociale, celui de l'accès aux soins pour tous et la grande loi de santé publique à venir.
Sur tous ces sujets, vous pouvez compter sur le soutien de la majorité. Sans surprise, j'invite tous mes collègues à soutenir la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)