Le Parlement européen a adopté une résolution faisant un lien entre le PNR et la directive sur la protection des données. Nous voulons voir cette dernière aboutir tout en estimant qu'il ne faut pas « indexer » un calendrier sur l'autre. Chacun des deux dossiers vaut pour lui-même, et nous considérons que le PNR européen doit immédiatement donner lieu à un vote.
La feuille de route souligne également le besoin de mettre en place des contrôles systématiques et coordonnés aux frontières sur la base des règles actuelles, en se fondant sur des critères de risque. La Commission est aussi invitée à proposer une modification ciblée du code Schengen, qui, sans remettre en cause la liberté de circulation, permette la généralisation des contrôles qui doivent concerner non seulement les documents d'identité mais aussi les dossiers des personnes. La lutte contre le trafic d'arme et le financement du terrorisme doit également être renforcée.
Un deuxième grand axe de la feuille de route concerne la prévention de la radicalisation et la sauvegarde de nos valeurs. Le texte appelle à l'adoption de mesures concrètes permettant de détecter et de supprimer sur internet les contenus appelant au terrorisme. Cela pourra notamment se faire grâce à une coopération avec le secteur privé ; à la mise en place d'une stratégie de communication pour promouvoir la tolérance et les libertés fondamentales au sein de l'Union européenne ; au développement de contre-discours par rapport aux idéologies terroristes ; à une action en faveur de l'éducation et de l'intégration sociale, ainsi qu'à des échanges entre États membres concernant les bonnes pratiques. Hier, alors que je me trouvais à Copenhague pour manifester la solidarité de la France avec le peuple danois après les événements du 14 février dernier, j'ai ainsi constaté qu'une délégation de la commission d'enquête de l'Assemblée, sur la surveillance des filières et des individus djihadistes était également présente dans le cadre d'un déplacement organisé bien avant les attentats afin d'enquêter sur les pratiques de lutte contre la radicalisation dans ce pays.
Un troisième axe est relatif à la coopération avec les pays tiers. Ce volet implique une action en direction des zones de crises et de conflits, en particulier avec notre voisinage sud, et une intensification du dialogue avec les pays tiers sur la lutte contre le terrorisme, notamment au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, au Sahel et dans les Balkans. Le Président de la République a rappelé la nécessité pour les Européens de prendre leurs responsabilités en Afrique, notamment s'agissant de la Libye et de Boko Haram, mais aussi au Moyen-Orient. La France est intervenue au Mali pour éviter que ce pays ne tombe sous la coupe de djihadistes : on imagine ce qui serait advenu s'il se trouvait aujourd'hui dans la situation de la Libye ou d'une partie de la Syrie et de l'Irak. Nous sommes présents dans le Sahel, et nous nous félicitons que de nombreux pays participent désormais aux missions de stabilisation dans le secteur – comme la mission de formation de l'Union européenne pour l'armée malienne, EUTM Mali. Nous avons besoin que tous les pays s'engagent très fortement : il s'agit d'une dimension indispensable de l'action commune des Européens dans la lutte contre le terrorisme.
Il faut être conscient que la mise en oeuvre de cette feuille de route demandera un gros travail politique. Une mobilisation très forte sera nécessaire de la part de tous les acteurs. Les événements intervenus à Copenhague le week-end dernier contribuent à renforcer cet impératif et à raffermir nos convictions.
Le Conseil a également abordé la question de l'approfondissement de l'UEM, qui constituait initialement le point principal de l'ordre du jour.
Le sujet a été introduit par la présentation d'une note d'analyse rédigée par M. Jean-Claude Juncker, en étroite collaboration avec M. Donald Tusk, président du Conseil européen, M. Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, et M. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne. M. Juncker, a fait le point sur la situation de la zone euro, en rappelant les causes de la crise, et les mesures prises depuis 2010. Il a ensuite dessiné quelques pistes susceptibles de renforcer la coordination des politiques économiques, ainsi que la convergence et la solidarité au sein de la zone. Il a proposé des orientations de court terme, reposant sur le « triangle vertueux » des réformes structurelles, du soutien à l'investissement, et de la responsabilité budgétaire, ainsi que sur l'approfondissement du marché intérieur, notamment celui des capitaux.
Il a également tracé d'autres évolutions à plus long terme, en soulevant plusieurs questions susceptibles de guider les travaux à venir : l'amélioration de la mise en oeuvre et du respect des règles budgétaires, la résilience de la zone euro aux chocs macroéconomiques, le renforcement des instruments de convergence dans la zone, l'intégration des marchés financiers, et la responsabilité et la légitimité des décisions prises dans le cadre de l'UEM – sujet qui permettra d'aborder la question de la place des parlements nationaux. Il conviendra de rester vigilant sur le périmètre de réflexions qui feront l'objet de recommandations dans le cadre du rapport que les quatre présidents remettront sur l'avenir de l'UEM afin que le Conseil européen du mois de juin puisse en débattre.
Le Conseil a enfin abordé la question de la Grèce puisqu'il se réunissait, pour la première fois, en présence du nouveau Premier ministre grec, M. Aléxis Tsípras. Ce dernier a pu décrire la situation de son pays et sa vision d'une sortie de crise, mais ce sujet n'a pas donné lieu à une discussion. Les débats étaient en effet déjà en cours dans d'autres instances, et ils se sont poursuivis, dès le lendemain du Conseil, au niveau technique au sein de l'Eurogroupe. Le Conseil a donné un mandat à M. Jeroen Dijsselbloem afin que le travail continue avec la Grèce, la BCE, le FMI et la Commission européenne sur la prolongation du programme d'assistance en cours. Il s'agit d'éviter que la Grèce ne rencontre dans l'immédiat des problèmes de financement afin de prendre le temps nécessaire pour discuter d'un contrat sur le long terme reposant à la fois sur les réformes et sur la solidarité européenne. La France a rappelé qu'elle était guidée par deux principes : le respect du vote des citoyens grecs – le principe démocratique vaut pour tous les États membres, et lorsqu'une élection a lieu dans un pays, les autres tiennent compte du choix des citoyens pour élaborer les politiques communes –, et le respect des engagements passés pris par la Grèce, notamment pour ce qui concerne sa dette et les prêts qui lui ont été accordés – même si les délais et les modalités de remboursement peuvent évidemment faire l'objet de discussions.
La réunion de l'Eurogroupe qui s'est tenue hier n'a pas permis de trouver un accord. Son président, M. Jeroen Dijsselbloem a demandé que le dialogue avec le gouvernement grec permette, d'ici à la fin de la semaine, d'opérer le prolongement technique de l'accord actuel afin que la BCE continue d'apporter aux banques grecques les concours nécessaires pour éviter les problèmes de financement. Il s'agit de poser, d'ici à l'été, les bases d'un accord « réaliste », pour reprendre le mot du président Bizet, fondé sur des réformes qui rendraient « l'État grec à la fois plus juste et plus efficace », selon les termes de la présidente Auroi.
L'objectif est de permettre au gouvernement grec de définir les voies d'une nouvelle compétitivité de son économie, et de parvenir à une forme de croissance davantage partagée. M. Tsípras considère lui-même que 70 % du programme en cours peut être repris. Il souhaite en revanche remettre en cause ses autres aspects pour répondre à l'urgence sociale dans son pays. Je me permets de résumer les choses ainsi : en Grèce, il faut sortir de l'austérité mais pas de l'euro. Tout en répondant aux urgences sociales, il faut une politique qui permette le retour de croissance – la dette est passée à 175 % du PIB parce que ce dernier s'est effondré – , le retour des investisseurs, et un redémarrage de l'économie. Le gouvernement grec reconnaît que des réformes doivent être menées notamment dans certains secteurs : les impôts doivent être payés, il faut lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, l'État doit être modernisé…
Monsieur le président Bizet, vous avez raison : il est nécessaire de renforcer Frontex, et de doter la politique d'immigration européenne de moyens accrus et beaucoup plus opérationnels. Les drames qui se produisent en Méditerranée nous le démontrent chaque jour.