Monsieur Leconte, la mise en oeuvre des procédures de contrôle des passagers ne peut pas être dissociée du PNR européen. Le ministre de l'intérieur a récemment demandé que les pièces d'identités et les cartes d'embarquement soient systématiquement vérifiées à l'entrée des avions. Si ces contrôles n'étaient pas opérés au prétexte que nous nous trouvons dans l'espace Schengen, le PNR européen n'aurait aucune efficacité.
Il faut toutefois distinguer, d'une part, le dossier PNR, et, d'autre part, les contrôles aux entrées de l'espace Schengen. Le dossier PNR se constitue dès qu'un passager achète un billet l'avion. Il permet de savoir qu'une personne déjà fichée entend voyager, et il ne constitue en rien une limitation à la liberté de circulation. Lors de son retour en Europe, en mars 2014, Mehdi Nemmouche, futur auteur de l'attentat du 24 mai 2014, à Bruxelles, contre le Musée juif de Belgique, n'a été identifié, par les services de contrôle aux frontières de l'aéroport de Francfort, comme une personne susceptible de présenter un risque, que grâce à un contrôle aléatoire. Le PNR européen aurait permis de l'identifier dès sa réservation, et de mettre à profit le temps écoulé avant son arrivée pour alerter les services de sécurité – délai qui permet éventuellement d'intercepter un individu.
Je reconnais qu'il est très difficile pour l'Ukraine en guerre, alors que l'intégrité de son territoire est mise en cause, de procéder à des réformes, mais ces dernières n'en sont pas moins indispensables. De nouvelles tranches d'aide viennent d'être débloquées par l'Union européenne – pour près d'1,8 milliards d'euros –, et par le FMI, c'est-à-dire en grande partie toujours par les États membres de l'Union. Or pour qu'elles soient efficaces, il faut que l'administration ukrainienne fonctionne, et que des réformes soient mises en oeuvre. Nous avions d'ailleurs soutenu l'organisation des élections présidentielles puis législatives en 2014 parce que nous estimions que la stabilité de l'Ukraine passait par la volonté d'autorités légitimement élues de mettre en place les réformes et de lutter contre la corruption.
Monsieur Savary, la nouvelle majorité grecque a été élue sur un programme de changement dans le cadre de l'Union européenne. En revanche, d'autres forces populistes, extrémistes, nationalistes ou même ouvertement néo-nazies, comme Aube dorée, ont recueilli des suffrages alors que leurs programmes ne s'inscrivaient nullement dans ce cadre européen. Nous considérons depuis longtemps que la dégradation de la situation sociale dans un pays comme la Grèce constitue un terreau pour des populismes dangereux.
Je vous rassure : lors des réunions internationales, les réformes à mener en Grèce font l'objet de discussions sans tabou ni précautions diplomatiques. Elles ont également été directement évoquées, à Paris, entre le Président de la République et M. Tsípras qui s'est d'ailleurs engagé sur le sujet. Ces questions sont également abordées lors des rencontres entre les membres des gouvernements français et grec, mais aussi au sein de l'Eurogroupe. Je crois que, dans l'esprit des Grecs, ces réformes font partie de ce qui peut être repris des programmes précédents – les fameux 70 % – dans le futur contrat avec la zone euro et l'Union.
Madame Chabanne, la France souhaite permettre à la Grèce de sortir de la situation de récession et de crise qu'elle traverse. Cela revient à défendre l'euro qui est d'abord et avant tout un projet politique, un élément de l'intégration européenne. Nous n'avons pas mis en commun un élément de souveraineté aussi décisif que la monnaie uniquement pour des raisons de rationalité économique ; nous l'avons aussi fait parce que nous partageons une vision commune de l'avenir fondée sur des valeurs. Tous les pays de l'Union ont d'ailleurs vocation à rejoindre la zone euro, même si quelques-uns en ont décidé autrement. Nous cherchons donc à préserver cette construction politique qui constitue une force pour nos pays. Dans ce cadre, il a fallu procéder à l'ajustement des politiques monétaires pour qu'elles soient conformes avec les objectifs globaux de l'Union en termes de croissance, et je me félicite de la décision prise par la BCE qui injectera 1 000 milliards d'euros en liquidités dans les prochains mois.
Il reste que les pays membres de la zone euro doivent respecter certains équilibres afin d'éviter de faire porter à leurs partenaires le poids de leurs propres décisions. L'une des explications de la situation actuelle de la Grèce tient au fait que les finances publiques de ce pays ont été très mal gérées par le passé. Une crise de confiance est née de la découverte, par le gouvernement de M. George Papandréou, de la vérité sur l'état des finances grecques, auparavant camouflée par les statistiques. Les États membres de l'Union sont alors venus en aide à la Grèce. Il est vrai que certaines des mesures prises à cette période peuvent être mises en cause parce qu'elles ont aggravé la récession. Il n'en demeure pas moins que, grâce à la solidarité européenne, la Grèce peut rester dans la zone euro, et espérer sortir de sa situation de surendettement. Monsieur Raison, nous ne réfléchissons pas à une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro car elle n'entend pas la quitter – cela n'est d'ailleurs pas prévu par les traités. La zone euro est aussi un projet pour la Grèce et, comme tous ses partenaires, elle doit se sentir engagée au respect des règles communes.
Madame Auroi, l'Europe de la défense n'était pas à l'ordre du jour de ce Conseil européen mais elle sera le principal sujet de celui du mois de juin prochain. Un premier pas important a été accompli lors du Conseil des 19 et 20 décembre 2013 : la question était débattue pour la première fois depuis cinq ans, et des pistes de travail ont été explorées concernant le financement des opérations extérieures, l'industrie de défense, et l'amélioration de la coordination des politiques de défense. Le lien est étroit avec la politique étrangère commune car l'Europe ne peut pas compter sur les autres pour mettre en oeuvre sa propre politique. Lorsque ses décisions et celles des Nations unies visent à faire respecter les règles internationales, elle doit être en mesure d'aider à leur traduction sur le terrain. Elle a donc besoin de capacités de défense plus intégrées et coordonnées.
La prise en charge du financement des opérations extérieures doit se faire à un meilleur niveau. Le mécanisme budgétaire européen Athéna ne permet de couvrir que 10 % environ du coût total des opérations militaires, ce qui fait reposer la plus grande part de leur financement sur quelques États membres, dont la France. Il faut évidemment que l'Union fasse beaucoup plus.
Par ailleurs, si nous voulons continuer à fournir nous-mêmes nos propres armées, les programmes d'achats, c'est-à-dire les politiques industrielles d'armements, doivent témoigner d'une bien plus grande solidarité entre États membres. Au total, les États de l'Union dépensent beaucoup pour leur défense, mais sans doute est-ce de façon beaucoup trop morcelée, sans suffisamment faire preuve de ce que devrait être un patriotisme industriel européen en matière de défense.