J'ai déjà eu l'occasion, en tant que ministre des Affaires sociales et de la santé, de m'exprimer devant la Délégation aux droits des femmes. C'est donc la première fois, et j'en suis très heureuse, que je viens devant vous à la fois comme ministre de la santé et ministre des droits des femmes. Vous pouvez être certaines que je suis très attentive à la situation des femmes, qui constitue une de mes priorités depuis mon arrivée aux responsabilités.
Le projet de loi relatif à la santé concerne particulièrement les femmes, mais il ne s'agit pas d'un projet pour les femmes. Il vise à améliorer la prise en charge et la santé de nos concitoyens, grâce à un renforcement de la prévention et de la médecine de proximité. Il prévoit également de mieux accompagner nos concitoyens, notamment par des associations et grâce à des procédures comme l'action de groupe en santé.
Ainsi, le projet de loi de santé englobe l'ensemble des dimensions que recouvre la politique de santé et fixe le cadre des réformes structurantes dont notre système de santé a besoin pour faire face aux défis actuels : le vieillissement de la population et l'émergence des maladies chroniques.
Il existe des enjeux de santé spécifiques aux femmes.
Il convient d'abord de battre en brèche l'idée reçue selon laquelle les femmes sont en meilleure santé que les hommes. Certes, les femmes vivent en moyenne plus longtemps – bien que l'écart entre l'espérance de vie des femmes et celle des hommes tende à se réduire. Au-delà, il faut écouter les femmes : elles perçoivent leur santé de manière plus négative que les hommes. Or elles ont moins spontanément recours aux professionnels de santé.
Les femmes présentent des vulnérabilités particulières, comme le stress et la dépression. Elles déclarent deux fois plus que les hommes subir de l'anxiété. Elles sont également les premières touchées par les violences, en particulier les violences conjugales, le viol ou le harcèlement sexuel, qui ont des impacts physiques et psycho-traumatiques importants.
Ensuite, les femmes développent de plus en plus de comportements à risque. Le nombre de fumeuses a stagné depuis quarante ans, alors que le nombre de fumeurs a été divisé par deux. Depuis 1990, le taux de mortalité dû au tabac a baissé chez les hommes, tandis qu'il a doublé chez les femmes. Le croisement des courbes de mortalité entre cancer du sein et cancer du poumon reflète cette évolution. J'ajoute que les comportements à risque des Françaises sont plus importants que ceux des femmes d'autres pays : elles sont, par exemple, 17 % à fumer lorsqu'elles sont enceintes, taux beaucoup plus élevé que celui de la Grande-Bretagne.
Enfin, les femmes renoncent plus fréquemment aux soins que les hommes : elles sont 16,5 % à y renoncer, contre 11,7 % des hommes. Ce renoncement concerne également les examens de prévention et de dépistage, notamment chez les femmes en situation précaire.
Sur la base de ces constats, la loi de santé doit permettre d'améliorer la santé des femmes.
Je voudrais m'arrêter sur deux types de mesures : celles qui concernent très directement les femmes et celles qui, si elles n'apparaissent pas comme des mesures spécifiques en direction des femmes, auront un impact positif sur la santé et l'accès aux soins des femmes.
En ce qui concerne les mesures spécifiques aux femmes, plusieurs dispositions visent à faciliter l'accès des femmes à la contraception et à l'avortement, dans le droit fil de l'action que j'ai engagée depuis 2012.
En effet, évoquer les enjeux liés à la santé des femmes implique d'évoquer leur santé sexuelle et reproductive. À ce sujet, je tiens à rappeler qu'elles ont des droits, qu'il s'agit de conforter et de garantir, à l'heure où nous célébrons les quarante ans de l'adoption de la loi Veil.
Depuis 2013, la contraception est gratuite pour les mineures, et l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est remboursée à 100 % par l'Assurance maladie. J'ai également fait revaloriser l'acte d'IVG, puisque sa faible rémunération n'encourageait pas cette activité dans certains établissements. En outre, la loi du 4 août 2014 a supprimé la notion de « détresse » et étendu le délit d'entrave à l'information sur l'avortement. Enfin, il y a quelques semaines, j'ai annoncé des mesures visant à améliorer l'accès à l'IVG.
Deux articles du projet de loi relatif à la santé améliorent la situation des femmes.
L'article 3 lève les conditions restrictives à la délivrance par les infirmières scolaires de la contraception d'urgence aux lycéennes. Actuellement, cette délivrance est restreinte aux cas exceptionnels et de détresse. Cette disposition est diversement appliquée sur le territoire et peut retarder l'accès à la contraception d'urgence. Or, plus la contraception d'urgence est prise tôt, plus grande est son efficacité. L'article 3 supprime donc les conditions restrictives mentionnées dans le code de la santé publique.
L'article 31 ouvre aux sages-femmes la possibilité de réaliser une IVG médicamenteuse. Les IVG médicamenteuses représentent aujourd'hui plus de la moitié des IVG pratiquées en France. Il ne s'agit en aucun cas de favoriser cette méthode par rapport à la méthode instrumentale : l'enjeu est de faciliter l'accès à l'IVG sur tout le territoire. En élargissant l'offre, cette mesure y contribuera.
Dans la même logique, un amendement gouvernemental sera déposé pour élargir aux centres de santé la réalisation de l'interruption volontaire de grossesse instrumentale.
Deuxième type de mesures prévues par le projet de loi : celles qui auront un impact positif sur la santé et l'accès aux soins des femmes.
La première mesure est le tiers payant.
Comme je l'ai souligné, les femmes renoncent plus fréquemment aux soins que les hommes, faute de pouvoir avancer les frais de la consultation. Nous savons bien que cette situation concerne plus particulièrement les familles monoparentales, c'est-à-dire les mères célibataires qui font face à des difficultés financières et ont du mal à avancer les frais de la consultation pour elle-même ou leur(s) enfant(s). C'est aussi à elles que je pense lorsque je dis qu'il faut rendre les soins de proximité plus accessibles.
Ainsi, agir pour rendre les soins plus accessibles, c'est agir en faveur de la santé des femmes.
Deuxième mesure au coeur du projet de loi : le parcours de prévention et l'éducation à la santé.
La promotion de la santé à l'école permet de renforcer l'information des jeunes sur les pratiques à risques. Je veux bien entendu parler des violences, des rapports sexuels non désirés ou non protégés, ou encore des impacts cumulés de facteurs de risques.
Le parcours éducatif en santé donnera lieu à la mise en place de groupes de travail pour intégrer dans ce dispositif l'éducation à la sexualité déjà prévue par la loi.
Ainsi, l'inclusion dans le projet de loi de ce parcours éducatif en santé permettra, avec l'éducation à la sexualité, l'information sur la vie affective et sexuelle et sur les violences envers autrui, de lutter efficacement contre les comportements et les violences sexistes et sexuelles, mais aussi de promouvoir le droit à disposer de son corps.
J'ajoute que les mesures d'ordre législatif du Programme national de réduction du tabagisme sont inscrites dans le projet de loi de santé.
Toujours au titre de la prévention, l'article 4 du projet de loi vise à lutter contre le « binge drinking », pratique très préoccupante qui ne touche pas que les hommes. On sait en effet que les établissements de santé reçoivent de très jeunes filles – lycéennes et étudiantes – en coma éthylique à la suite d'une alcoolisation massive et rapide pratiquée lors de soirées festives organisées par des associations ou leur établissement d'enseignement.
Mesdames les députées, vous l'avez compris : ce projet de loi a pour objectif de rendre plus effective l'égalité d'accès à la santé. Je serai très attentive à vos propositions visant à enrichir ce texte. Le travail que nous avons d'ores et déjà effectué ensemble s'est révélé très fructueux, et j'espère que nous pourrons continuer dans ce sens.