Intervention de Régis Cousin

Réunion du 4 mars 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie, FFMI :

Pour être intervenus dans de nombreuses émissions de télévision et de radio ces derniers temps, je constate que vos questions rejoignent celles que se posent nos concitoyens. Malheureusement, la médiatisation est intervenue sur le tard.

Nombre de questions portent sur la conformité et la fiabilité des détecteurs. Je peux vous apporter un avis très éclairé sur le sujet puisque je travaille dans ce domaine depuis plus de vingt-cinq ans, que j'ai l'honneur de présider des commissions de normalisation technique à l'Association française de normalisation (AFNOR) et de siéger dans les comités de marque NF.

Quelle est la différence entre les marquages CE et NF ? Le marquage CE, obligatoire pour la mise sur le marché d'un produit, se borne à attester de sa conformité à la norme européenne harmonisée. Par la suite, les évolutions de la vie du produit se feront sous la responsabilité du fabricant, ce qui peut conduire à des dérives conscientes ou non. Le fabricant peut modifier le produit pour le rendre plus facile à élaborer ou plus performant, sans être obligé de refaire les tests.

Nos concitoyens peuvent vous remercier d'avoir eu la sagesse, dans l'arrêté du 5 février 2013, de demander un suivi de la fabrication via des audits et des prélèvements. Il n'a pas été possible d'imposer la marque NF mais c'était l'esprit. La marque NF garantit un suivi du produit : le fabricant ne pourra le modifier sans y être autorisé par AFNOR Certification, après vérification documentaire ou de nouveaux tests. Qui plus est, ce marquage implique deux prélèvements annuels. Les produits prélevés dans les chaînes de fabrication ou dans le commerce sont envoyés au laboratoire associé, le Centre national de prévention et de protection (CNPP), qui procède alors à des essais visant à s'assurer que les produits ne dérivent pas dans le temps. Cette procédure limite grandement les risques de caractéristiques atténuées et c'est pourquoi nous recommandons fortement les produits qui ont la marque NF. Il existe d'autres marques de qualité au niveau européen, mais nous sommes en France et nous considérons, comme l'a dit M. Alain Bazot, que la marque NF offre à ce jour la meilleure garantie d'avoir un produit durable.

Venons-en aux quantités installées. La détection des incendies existe depuis fort longtemps, notamment dans les lieux – comme l'Assemblée nationale – qui reçoivent du public. Généralement, un détecteur optique de fumée – d'une technologie similaire à celle des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée – couvre environ 60 mètres carrés, ce qui donne une bonne référence pour équiper un logement, sachant que le nombre et la disposition des pièces jouent un rôle : un seul détecteur ne pourra pas couvrir cinq chambres de dix mètres carrés.

Cette loi est incitative mais, en France, la tentation est de recourir au bâton pour que les exigences soient respectées. Faisons le pari de l'incitation culturelle et du bon sens : si les gens mettent leur ceinture de sécurité, ce n'est pas seulement par peur du gendarme. Il faut mener les campagnes d'information qui aurait dû déjà avoir lieu. Pour avoir participé aux tables rondes organisées par M. Jean-Louis Borloo en 2005, je me souviens que l'une des thématiques était la pédagogie. Il avait été proposé de se servir des excellents ambassadeurs que sont les enfants : profitons de l'exercice d'évacuation qui a lieu dans les écoles, au début de chaque année scolaire, pour faire passer quelques bons messages sur le comportement à adopter pour prévenir les risques domestiques, notamment l'incendie. La responsabilité morale est le meilleur bâton qui puisse exister.

M. Jean-Claude Bouchet nous a interrogés sur les retours d'expérience et l'évolution des marchés matures. Dans la phase d'équipement, certains consommateurs vont être tentés de prendre le détecteur le moins cher, au risque de tomber sur un mauvais produit. Un détecteur de marque NF et affichant dix ans d'autonomie coûte une vingtaine d'euros, ce qui revient au prix d'un malabar par mois. Quand les logements seront équipés, de manières très diverses, comment se comportera le marché ? L'expérience des autres pays montre qu'une fois sensibilisés et éduqués à ce risque, les gens font un choix plus éclairé et recherchent la qualité. Quand l'obstacle de l'équipement est vaincu, il y a de fortes chances que les gens choisissent un détecteur de qualité et se détournent des produits bas de gamme. Il y a des fabricants français mais ils affrontent une forte concurrence européenne.

Au sein de la marque NF, il existe une option « handicap » destinée notamment aux malentendants. Nombre d'appels d'offres des bailleurs sociaux mentionnent cette option qui n'existe pas dans le marquage CE. En revanche, la norme européenne oblige le fabricant à prendre des dispositions concernant la fin de vie du produit : trente jours avant la mort des piles, qu'elles soient amovibles ou scellées, un signal sonore avertit qu'il faut les changer. Rappelons que le respect de cette obligation est vérifié par une tierce partie indépendante, c'est-à-dire par un laboratoire qui effectue des essais. Ce n'est pas le fabricant qui s'auto-certifie.

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