Je me félicite, Monsieur le premier vice-président, de la tenue de cette audition à l'occasion de votre visite à Paris. Vous occupez une fonction déterminante dans l'organigramme de la nouvelle Commission européenne aux côtés du président Juncker. Nous souhaitons avoir des relations régulières et fructueuses avec vous et nous vous accueillerons avec beaucoup de plaisir au Sénat. De même, nous voulons nouer des contacts fréquents avec l'ensemble des commissaires.
Vous êtes en particulier chargé de bâtir « un nouveau partenariat avec les parlements nationaux ». Nous y sommes naturellement très attentifs. Les parlements nationaux doivent jouer tout leur rôle pour renforcer la légitimité démocratique de l'Union européenne. Ils exercent aujourd'hui un contrôle de la subsidiarité, comme l'a prévu le traité de Lisbonne. Ils doivent aussi pouvoir jouer un rôle de proposition, à travers ce que l'on appelle le « carton vert ». Le Sénat l'a fait. Notre Commission des affaires européennes a adopté un avis politique sur le programme de travail de la Commission européenne, que nous vous avons adressé. Nous approuvons globalement la démarche de rationalisation que vous avez retenue et vous suggérons aussi d'agir concrètement dans des domaines clés pour l'avenir de l'Union : l'énergie et le numérique. Dans le contexte des attentats terroristes à Paris et ces derniers jours à Copenhague, nous vous demandons également une action résolue contre le terrorisme. Sur ce point, nous devrions d'ailleurs être en mesure de proposer un panel de mesures fin mars-début avril.
Vous avez par ailleurs pour mission de veiller aux procédures de préparation des actes délégués et des actes d'exécution pour vous assurer de leur appropriation politique. C'est à nos yeux essentiel. Nous nous sommes inquiétés au Sénat de la place croissante prise par ces actes sans véritable contrôle politique.
La Commission des affaires européennes a en outre adopté un avis politique, qu'elle vous adressera, sur le plan d'investissement pour l'Europe. Nous approuvons le principe de ce plan. Il est de nature à favoriser l'emploi, la croissance ainsi que la compétitivité en Europe. Mais des incertitudes demeurent sur plusieurs points.
Nous défendons la possibilité pour les collectivités territoriales de bénéficier du plan d'investissement. Elles peuvent lui apporter une contribution essentielle. Les critères de sélection des projets doivent, selon nous, aboutir à une couverture équilibrée du territoire européen.
Nous insistons sur le caractère additionnel des crédits à mobiliser pour ne pas compromettre la mise en oeuvre des programmes européens déjà approuvés. Nous craignons en particulier un "recyclage" des fonds structurels alloués à la politique de cohésion. Ces crédits doivent être préservés. Nous sommes dubitatifs sur la crédibilité d'un effet de levier de 1 à 15 pour mobiliser 315 milliards d'euros auprès d'investisseurs privés à partir de 21 milliards d'euros de crédits publics. Il est par ailleurs dommage que le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) ne permette pas de financer des infrastructures au moyen de subventions, ce qui risque de restreindre le nombre de projets éligibles. Les parlements nationaux devront exercer un contrôle sur la mise en oeuvre du plan d'investissement. Le Sénat entend bien en effectuer un suivi, en particulier sur la place des collectivités territoriales.
Par ailleurs, la situation de la Grèce nous préoccupe. Il faut trouver un accord réaliste. Je rappelle que nos contribuables sont directement concernés – la caution de la France s'élevant à 42,8 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 20 milliards d'euros de réassurance, soit en tout environ 1 800 euros par contribuable – et que la contribution de l'Allemagne est encore supérieure. Certains engagements doivent être tenus. Comment voyez-vous les choses ? Quelles peuvent être les bases d'un accord ?
Enfin, un cessez-le-feu a été mis en place en Ukraine : la Chancelière allemande et le Président français ont joué un rôle actif pour parvenir à ce résultat. Mais nous en connaissons tous la fragilité. Que peut faire l'Union pour encourager un règlement durable ?