Intervention de Frans Timmermans

Réunion du 17 février 2015 à 17h00
Commission des affaires européennes

Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, chargé des relations institutionnelles, de l'état de droit et de la Charte des droits fondamentaux :

La simplification de la législation européenne est difficile car elle suppose un changement de culture de l'organisation. La logique, à la Commission comme au Parlement européen, est : « je légifère, donc j'existe ». Nous savons tous, en tant que responsables politiques, qu'il y a toujours une tentation de légiférer quand se pose un problème. Or on doit sortir de cette logique et revoir ce qu'on a pu faire par le passé. D'autant qu'on est confronté à une surtransposition des règlements européens, qui est un fait en France et nuit aux PME, lesquelles n'ont pas les moyens d'influence et juridiques des grandes sociétés. Nous avons au contraire le devoir de rallier à nous ces PME, ce qui suppose également un changement de culture.

Il y a aussi une tendance, à la Commission et au Parlement européen, d'accepter les propositions d'autrui sous réserve qu'il accepte les nôtres, ce qui conduit à de nombreux projets, sans qu'on examine vraiment s'ils correspondent tous à ce dont la société a besoin. On a fait cet effort de simplification avec le programme de travail de la Commission, dont on a retiré 80 propositions – dont 50 n'intéressaient personne. Cet exercice doit être refait sans cesse avec les parlements nationaux et les PME, qui étaient massivement pour la construction européenne il y a dix ans, alors qu'elles ne semblent plus s'y intéresser. Si on réussit à créer une situation plus avantageuse pour elles, elles pourraient réaliser un chiffre d'affaires plus important et embaucher davantage, 80 % des salariés de l'Union européenne travaillant en leur sein. C'est le noyau dur de mon travail.

Concernant l'immigration, l'action à entreprendre est complexe : les États membres doivent agir prioritairement, la Commission devant les aider à trouver un consensus et à améliorer le système de Schengen, sachant qu'il faut aussi se poser la question de savoir pourquoi des gens qui sont nés dans nos pays se tournent contre nous et s'engagent dans une idéologie nihiliste et une action meurtrière. Y répondre passe par de nombreux autres facteurs que Schengen, tels que l'éducation, le rôle des médias ou les valeurs républicaines. Cela dit, il nous faut un système permettant d'identifier les vrais réfugiés politiques, sachant qu'il y a un réseau de criminels cyniques qui, pour 4 500 euros, envoient dans des bateaux de pauvres gens à la mort. Il convient d'aller aussi à la source des problèmes en trouvant des solutions aux conflits régionaux. De même, nous devons agir ensemble en matière de politique étrangère et de défense et mettre tous les moyens à la disposition de la justice pour trouver ces criminels.

Reste que maintenant, le système ne fonctionne plus : l'Allemagne a eu 200 000 réfugiés l'an dernier. Et, au regard de la population, le quota le plus important de réfugiés est en Suède, non en Italie ! Il y a donc un problème européen, pour lequel il ne peut y avoir de solutions uniquement nationales. Il y a d'ailleurs une prise de conscience à cet égard dans tous les États membres. Ce débat doit être mené au sein du Conseil et la Commission sera à la disposition des États membres pour les aider en cas de besoin.

S'agissant de la sécurité, le danger vient autant de l'intérieur que de l'extérieur de nos sociétés. Les terroristes se tournent contre le fondement de notre liberté, qui est la liberté d'expression, héritière directe de la Révolution française, avec comme première cible la communauté juive. C'est un défi pour les valeurs européennes elles-mêmes, qui appelle une réponse européenne.

Quant aux crédits de Frontex, leur montant ne constituerait pas un problème –sachant qu'on a toujours été capable de les augmenter en cas de besoin. Je vérifierai ce point. En tout cas, Frontex pourrait faire davantage et constitue une partie de la réponse au défi, en aidant par exemple les Italiens à poursuivre ou à améliorer le dispositif Triton.

Concernant le PNR, le Parlement européen a adopté une résolution qui devrait nous donner la possibilité de prendre une décision assez rapide, sous réserve de préciser la période pendant laquelle on retiendrait les données, les personnes auxquelles les règles seraient applicables et la façon dont serait pris en compte l'arrêt de la Cour sur la conservation des données. Mais il faut avoir l'accord du Parlement européen – qui s'est avéré plus coopératif la semaine dernière qu'auparavant.

À cet égard, j'ai toujours été frappé par la contradiction qu'il peut y avoir parfois entre les positions des parlementaires nationaux et celles des députés européens, pourtant élus par les mêmes citoyens, et le manque de dialogue entre eux.

Nous avons un problème de fond sur le fonctionnement de l'économie numérique. Certains disent par exemple qu'Uber est une bonne idée, mais je ne sais si c'est tout à fait vrai et si cela nous apportera des bénéfices. Nous devons analyser toute une série de questions, dont la place des collectivités locales. Le vice-président Ansip s'y attelle et le vice-président Katainen réfléchit au potentiel du numérique dans le cadre du plan Juncker.

Monsieur Lambert, je ne peux vous répondre aujourd'hui sur la modification du régime de la TVA. Mais il est vrai qu'on ne peut se limiter à la question des déchets. Nous devons réécrire notre projet sur l'économie circulaire. On voulait, par exemple, dans la proposition qui avait été présentée, forcer les États membres à diminuer rapidement les déchets, mais sans exclure la possibilité de les brûler, ce qui était contre-productif.

En matière fiscale, on a assisté à un véritable dumping. La position de la Commission est claire : elle veut que les entreprises paient leurs impôts là où elles font des bénéfices.

S'agissant de la CEDH, l'Union européenne a intérêt à y adhérer, car cela obligerait directement les institutions européennes à respecter ce texte.

Pour le reste, je suis convaincu que l'Union européenne ne deviendra jamais un État. Ce n'est pas dans le sens de l'histoire. Mais nous sommes confrontés à l'énorme défi de créer une politique vraiment européenne en matière de relations extérieures, de défense, de lutte contre le terrorisme, d'environnement ou d'union énergétique.

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