Intervention de Clotilde Valter

Réunion du 4 mars 2015 à 16h15
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClotilde Valter, rapporteur :

Je tiens tout d'abord à remercier de leur investissement les membres de la Commission d'enquête.

La question que nous avons traitée est importante pour nos concitoyens comme pour les entreprises. Elle représente un enjeu majeur pour le pays aux plans économique, social, industriel et stratégique. De plus, comme l'a souligné lors de son audition Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sa grande complexité pose un problème de démocratie.

L'objectif que nous nous sommes fixé pour la rédaction du rapport est tout d'abord pédagogique : nous désirons y intéresser non seulement nos collègues parlementaires, mais également les nombreux acteurs du pays. Le rapport se veut aussi lucide sur la situation et les enjeux. Nous n'avons pas voulu nous payer de mots, mais prendre nos responsabilités devant le pays comme parlementaires, dans la mesure où le dispositif actuel est à la croisée des chemins et qu'il doit relever de nombreux défis. C'est pourquoi il nous faut débattre des réponses à apporter.

François Brottes a rappelé devant Mme Royal les trois chocs successifs que notre dispositif a dû absorber : l'ouverture du marché, le changement de statut d'EDF et la transition énergétique. C'est un bon résumé historique. Il est de la responsabilité des parlementaires de préparer les enjeux de demain, d'autant que les choix que nous ferons pèseront sur le long terme. Aujourd'hui, nous supportons encore les conséquences des choix effectués il y a dix, voire il y a vingt ou trente ans.

La première partie du rapport pose un diagnostic en décrivant un dispositif en bout de course. Non seulement les tarifs répondent à des vocations multiples – couvrir les coûts des fournisseurs, assurer la péréquation géographique, préserver le pouvoir d'achat des ménages, favoriser la compétitivité des entreprises, préparer la transition énergétique ou dégager des ressources fiscales pour les collectivités locales –, mais la situation a ceci de baroque que la fin du monopole n'a pas ouvert la voie à une véritable concurrence, celle-ci ayant plutôt eu pour effet, en France, d'accroître les coûts. L'opérateur historique est aujourd'hui au pied du mur, après avoir connu l'âge d'or du monopole. Il importe donc de préparer EDF aux enjeux de l'avenir. Outre la complexité de sa situation financière, ses relations avec l'État, qui est à la fois tutelle, régulateur et actionnaire, sont incohérentes. Le cadre juridique européen est, par ailleurs, unanimement contesté, car il ne semble plus répondre aux enjeux du moment. Enfin, les défis de la transition énergétique nous imposent de nous orienter vers, sinon une baisse, du moins une maîtrise de la consommation énergétique, ce qui implique d'intégrer les nouveaux moyens de production, notamment l'autoconsommation et la production décentralisée.

Pour relever les défis à venir, il importe tout d'abord de remettre de la cohérence afin de résoudre les problèmes, tant de démocratie que de fonctionnement, posés par la situation actuelle. Nous proposons trois grandes pistes de travail.

La première est de donner à EDF les moyens d'affronter les défis du futur en clarifiant ses relations avec l'État, en réduisant ses coûts pour dégager des marges de manoeuvre financières et en lui permettant de jouer un rôle de leader non seulement dans le secteur du nucléaire mais également dans celui des énergies décarbonées : EDF doit accroître la part de ses investissements consacrés aux énergies renouvelables.

Deuxième piste : la France doit porter une vision intégrée de l'Europe de l'électricité. C'est une proposition dont nous mesurons l'ambition. Il faut rompre avec une politique européenne bâtie autour de la seule concurrence, qui n'intègre pas les autres aspects de politique publique, tels que le climat ou la compétitivité des industries électro-intensives. Une bataille est à mener pour construire l'Europe de l'énergie que nous souhaitons.

La troisième piste consiste à revoir la structure des tarifs de l'électricité. Il convient, tout d'abord, de faire évoluer les tarifs sans modifier les fondamentaux – tel est l'objet de la réforme de la CSPE – et, pour ce faire, de distinguer ce qui relève de l'usager et ce qui relève des politiques publiques de solidarité. C'est le chantier des mois à venir – Mme Royal l'a confirmé. Il convient également d'intégrer dans les tarifs les évolutions importantes du monde de l'énergie. Le monde a changé depuis quarante ans, avec notamment l'introduction de la concurrence et l'apparition des énergies nouvelles, d'une production décentralisée et de l'autoproduction. Le bouleversement de l'ensemble des paramètres n'est pas sans poser notamment la question du forfait ou celle des risques liés à d'éventuelles « évasions de tarifs ». La décentralisation de la production peut également redynamiser la concurrence.

Avec ces pistes de travail, le rapport ouvre un champ de réflexions.

Nous avons, je pense, atteint nos différents objectifs, qu'il s'agisse du diagnostic ou des orientations concrètes. Nous avons voulu susciter le débat au sein de l'Assemblée nationale pour préparer de manière responsable les enjeux futurs. La nécessité de revenir aux fondamentaux des tarifs est le fil rouge du rapport. Il convient de déterminer avec précision tant les principes qui doivent présider à leur fixation que les modalités de l'action publique, dont la responsabilité en la matière est pleine et entière.

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