Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 28 novembre 2012 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Il n'est pas de coutume que la Commission des finances auditionne des ministres pendant l'examen de la loi de finances, mais nous avons souhaité vous présenter en détail ces amendements, première mise en oeuvre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, que j'ai présenté ce matin en Conseil des ministres.

Le contexte est exceptionnel. Depuis plus de quatre ans, notre pays connaît une crise économique profonde, et depuis dix-huit mois, notre économie est entrée dans une phase de stagnation moins spectaculaire mais non moins ravageuse que les désordres de l'hiver 2008-2009. Notre économie tourne au ralenti. Voilà trois trimestres que la croissance est nulle ou très faiblement positive, et dix-huit mois que le chômage progresse. Une récession rapide et une stagnation durable ont le même effet : le chômage augmente et la pauvreté s'aggrave. Ce constat justifie notre présence devant vous. On ne peut certes inverser la courbe par magie, comme l'a regretté le Président de la République, et les mesures ne peuvent pas produire d'effets avant d'avoir été votées, mais nous visons toujours l'objectif réaliste d'inverser la courbe du chômage courant 2013.

Le contexte appelle d'abord une réponse globale, notamment européenne. Au sein de la zone euro, l'aboutissement de la négociation difficile menée au sein de l'Eurogroupe aidera la Grèce à résoudre ses problèmes financiers, ce dont je me réjouis. Mais nous agissons aussi à l'échelon de notre pays. On ne peut plus continuer la fuite dans l'endettement. Pour rétablir la compétitivité de l'économie française, nous devons soutenir une croissance de qualité, équilibrée, reposant non sur l'endettement mais sur la justice, sur la solidarité et sur une croissance plus durable.

La création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi est à la hauteur de cet enjeu et proportionnée à la gravité de la crise. Fer de lance du pacte présenté par le Premier ministre et adopté par le Gouvernement, elle permettra aux entreprises françaises de redresser leur compétitivité et de soutenir l'emploi. C'est autant une mesure conjoncturelle, qui modifiera dès 2013 le comportement des entreprises, qu'une réponse structurelle au problème de la productivité, lié à celui du coût ou du prix du travail.

Pourquoi prendre cette mesure maintenant ? Parce qu'il y a urgence. Il faut que les entreprises qui calculent leur cahier des charges pour 2013 puissent asseoir leurs prévisions d'embauche et d'investissement sur un mécanisme stabilisé au 1er janvier 2013.

Le crédit d'impôt bénéficiera à toutes les entreprises imposées d'après leurs bénéfices réels, soumises à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, quels que soient leur mode d'exploitation – société individuelle, de personnes ou de capitaux – et leur catégorie d'imposition, dès lors qu'elles emploient du personnel salarié. En d'autres termes, n'en sont exclues que les entreprises non soumises à l'impôt sur les sociétés ou sur le revenu, ou celles qui n'ont pas de salariés.

Comme l'a annoncé le Premier ministre, le CICE représentera 6 % de la masse salariale brute supportée au cours de l'année pour les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC. Nous avons visé tant la création d'emploi que la compétitivité. Le dispositif concernera 85 % des emplois dans tous les secteurs et 83 % dans l'industrie. Nous atteindrons le taux de 6 % en 2014, après un palier de 4 % en 2013.

Nous avons privilégié la simplicité. Il n'y aura ni biais ni biseau : le même taux s'appliquera à tous. Pour les modalités d'imputation, nous appliquerons les règles du crédit d'impôt recherche. Le CICE sera intégralement restitué aux PME l'année de constatation de la créance, soit en 2014 pour celui qui sera acquis au titre des rémunérations de 2013. Il s'imputera sur l'impôt dû au cours des trois années suivantes pour les plus grandes entreprises, qui peuvent valoriser plus aisément leur créance, le solde étant totalement imputable la quatrième année.

Afin que le dispositif améliore dès 2013 la trésorerie des entreprises, nous avons prévu un mécanisme de préfinancement. Les établissements bancaires pourront proposer à leurs clients une avance sur le montant de leur créance fiscale, qui sera garantie par la BPI.

Le financement du dispositif reposera pour moitié sur des économies supplémentaires, pour moitié sur des recettes tirées notamment de la nouvelle fiscalité écologique, dont le rendement atteindra 3 milliards d'euros, et d'une réforme de la TVA, fondée sur une modulation des taux à partir du 1er janvier 2014. Cette réforme, également introduite par amendement, se traduira par une baisse de 5,5 à 5 % du taux réduit s'appliquant aux produits de première nécessité – pour préserver le pouvoir d'achat des plus modestes –, par une hausse de 7 à 10 % du taux intermédiaire, et par une augmentation de 19,6 à 20 % du taux normal.

Le Gouvernement n'a pas souhaité conditionner ce dispositif pour ne pas réduire son efficacité, mais il tient à ce que le produit du crédit d'impôt ne serve pas à augmenter les rémunérations des dirigeants ni à verser des dividendes supplémentaires. Il doit aller à l'emploi, à l'investissement et au développement des entreprises. Nous sommes ouverts à tous les amendements qui permettront de s'en assurer.

Notre logique est celle du donnant-donnant. Le CICE sera évalué aux niveaux micro- et macroéconomique. Nous entendons obtenir en outre des contreparties tangibles en matière de gouvernance des entreprises, pour prévenir les excès constatés sur les rémunérations des dirigeants et lutter avec plus d'intransigeance contre la fraude fiscale. Par ailleurs, nous attendons que les entreprises participent à la négociation en cours sur la sécurisation de l'emploi. Enfin, le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi repose sur une approche qui évite d'opposer consommateurs et producteurs, conformément au projet de loi sur la consommation, qu'a évoqué Benoît Hamon lors de la séance de questions au Gouvernement.

La voie du redressement économique est difficile. Nous voulons aider les entreprises à regagner des parts de marché dans la compétition mondiale sans faire baisser la consommation ni réduire le pouvoir d'achat des moins aisés. C'est une ligne de crête, mais j'ai la conviction que notre action, fidèle à des principes de rapidité, de simplicité et d'efficacité, est aussi juste qu'efficace.

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