Intervention de Sergio Coronado

Réunion du 4 mars 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de rappeler le travail de fond mené par Alain Richard, rapporteur de cette proposition de loi au Sénat. Il a rationalisé ces dispositions, tout en respectant l'esprit du texte déposé par Mme Laborde.

Je commencerai par souligner un point oublié par notre rapporteur dans son rappel sans doute trop rapide de l'affaire « Baby Loup » : Mme Fatima Afif, la salariée licenciée, portait déjà le foulard islamique lors de son embauche en 1992. Le règlement intérieur qui a été à l'origine du feuilleton judiciaire n'a été adopté que bien plus tard, alors qu'elle se trouvait en congé de maternité. Il faut de surcroît souligner que cette affaire a été largement alimentée par les responsables politiques.

Je me méfie toujours des lois nées d'une seule affaire, quelque emblématique et quelque médiatique qu'elle soit. Celle-ci est restée très circonscrite.

Sur ces sujets, le législateur a procédé par petites touches, plutôt dans le respect de l'esprit libéral de la loi de 1905 et de ses défenseurs, parmi lesquels figuraient notamment Jean Jaurès et Aristide Briand. Mais nous avons peu à peu durci notre dispositif, d'abord avec la loi relative aux signes religieux à l'école, puis avec l'interdiction du voile intégral dans l'espace public. Ces deux lois peuvent apparaître légitimes. En revanche, la présente proposition de loi va plus loin puisqu'elle tend à s'imposer à des domiciles privés. Si l'on pousse jusqu'au bout le raisonnement de notre rapporteur, il vaudrait mieux à l'avenir créer des structures d'accueil de la petite enfance à caractère religieux pour échapper à la dureté de cette loi.

Je ne suis pas convaincu de l'intérêt de légiférer aujourd'hui sur ces questions. Sans que ce soit, sans doute, la volonté des auteurs de la proposition de loi, elle risque de stigmatiser davantage encore des populations qui le sont déjà souvent, dans l'espace public, mais aussi dans les médias et même parfois par des responsables politiques.

Le rapporteur de la proposition de loi au Sénat l'a précisé de façon extrêmement nette : les critères de service public ont été resserrés par la jurisprudence de manière assez claire – financement public, agrément… On peut avoir l'impression qu'on n'est pas loin, ici, du service public. Mais il est bien question d'activités d'intérêt social qui ne revêtent pas de caractère de service public : appliquer les critères du service public à des structures privées, même si elles accueillent des enfants de moins de six ans, ne me paraît pas opportun.

Monsieur le rapporteur, pourquoi n'avez-vous pas traité la question de l'aide sociale à l'enfance, où l'on peut rencontrer des situations similaires ?

Le groupe écologiste ne considère donc ni comme opportun, ni comme légitime de restreindre, à partir d'une seule affaire très médiatique, la liberté religieuse. Nous ne voterons donc pas ce texte, même si nous nous félicitons que semble se dessiner la suppression de l'article 3.

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