Intervention de Sergio Coronado

Réunion du 4 mars 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Ayant déposé des amendements de suppression sur les trois articles de cette proposition de loi, je les défendrai ici de manière globale.

La multiplication des propositions de loi – celle de Mme Laborde au Sénat, celles de M. Ciotti, puis de M. Collard à l'Assemblée nationale – témoigne bien du consensus qui va permettre l'adoption de ce texte. Je ne me rallie pas à cette unanimité et ce, pour des raisons que partage peut-être le Gouvernement, dont les sénateurs radicaux ont déploré l'absence au banc lors des débats, signe qu'il n'est sans doute guère convaincu de l'opportunité de légiférer.

En effet, ce texte ne lève pas toutes les ambiguïtés en matière de laïcité : ni les organisations scoutes, ni les crèches religieuses, ni l'aide sociale à l'enfance – laquelle assure pourtant, dans certains endroits, 90 % de l'accueil de la petite enfance –, qui bénéficient pourtant de financements publics ne sont concernés par votre texte : il est donc faux de prétendre qu'il garantit l'application du principe de neutralité dans toutes les structures percevant de l'argent public.

Par ailleurs, les dispositions de la présente proposition de loi ont pour objet d'étendre le principe de neutralité aux établissements et services gérés par une personne physique ou morale de droit privé accueillant des enfants de moins de six ans lorsqu'ils bénéficient d'une aide financière publique. Or, selon l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Il ne me semble pas que les dispositions de votre proposition de loi s'inscrivent dans ce cadre. Les motifs qu'elle invoque ne sont à mes yeux ni pertinents ni suffisants. En effet, même si le but est de faire respecter les principes laïques et démocratiques de la République et d'empêcher des actes de provocation, de prosélytisme et de propagande, les personnes visées sont de simples citoyens : ils ne sont aucunement des représentants de l'État ; ils ne peuvent donc être soumis, en raison d'un statut officiel, à une obligation de discrétion dans l'expression publique de leurs convictions religieuses, a fortiori lorsqu'ils exercent à leur domicile. Il ne s'agit donc pas de la réglementation du port de symboles religieux dans des établissements publics, dans lesquels le respect de la neutralité à l'égard de croyances peut primer sur le libre exercice du droit de manifester sa religion.

Par ailleurs, l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». Ce faisant, il interdit de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables, ce qu'autorise au contraire votre texte. Une distinction est discriminatoire au sens de l'article 14 si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas de rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

J'aimerais pour conclure demander à Marie-Jo Zimmermann quel courage il y a à légiférer dans le même sens depuis vingt ans, en s'en prenant toujours aux mêmes populations et aux mêmes pratiques religieuses. Je ne confonds pas pour ma part laïcité et laïcisme. C'est la raison pour laquelle je propose la suppression des trois articles de cette proposition de loi.

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