Intervention de Pierrette Crosemarie

Réunion du 3 mars 2015 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Pierrette Crosemarie :

Madame, je ne ciblais pas particulièrement les femmes. Simplement, elles sont souvent concernées par les problèmes d'emploi et confrontées à des difficultés de tous ordres. Je n'en ai été que plus admirative vis-à-vis de celles qui se prennent en main et qui, par exemple, partent acheter des marchandises en Chine pour les revendre à Mayotte. Personnellement, je ne sais pas si j'en serais capable. Leur cheminement intellectuel, la volonté et l'énergie dont elles font preuve dans cette activité sont tout à fait remarquables.

Maintenant, comment diffuser l'information ? La question m'a préoccupée. Par exemple, à Mayotte, il faut parler d'autres langues que le français pour être entendu des populations demandeuses de microcrédit. L'ADIE, avec ses structures de bénévoles, y réussit assez bien. Elle sait utiliser les compétences pour offrir une information et un accompagnement.

Nous avons pensé que, dans des territoires comme ceux de La Réunion, l'information sur le microcrédit pourrait être centralisée, non pas dans un « guichet unique », mais à un endroit où les personnes, notamment les jeunes, viennent chercher diverses informations. On leur indiquerait, en même temps, les activités que le microcrédit permet de développer et les obligations qu'il impose, avec des exemples positifs de personnes qui ont eu recours au microcrédit, qui ont créé leur entreprise et qui ont prospéré. On leur fournirait davantage d'informations sur le microcrédit qu'on ne le fait dans les structures où se rendent les personnes qui rencontrent des difficultés d'emploi ; par exemple, je ne suis pas persuadée que les conseillers de Pôle emploi connaissent très bien ces procédures. Mais le problème est bien de trouver le moyen d'atteindre les publics concernés.

Nous pensons que les jeunes en cours de formation économique devraient pouvoir participer à l'accompagnement des bénéficiaires d'un microcrédit. Nous avons notamment proposé qu'une telle activité, qui serait effectuée dans le cadre du bénévolat, soit valorisée dans leur cursus universitaire, à l'instar de ce qui existe en métropole. Cela concernerait les élèves des écoles de commerce ou en études économiques, dès leur première ou deuxième année.

Ensuite, vous avez eu raison de dire qu'il n'y avait ni retour ni évaluation de la façon dont était employé l'argent consacré à la formation. De notre côté, nous avons insisté auprès du Gouvernement sur le fait que le microcrédit accompagné était un outil efficace, qui n'était pas si cher que cela. En tant que parlementaires, vous avez bien évidemment le souci de la dépense publique. Mais il me semble que 1 500 euros pour une création d'emploi ne représente pas un coût très élevé, notamment si on le rapporte aux dépenses sociales que cette création permettra d'éviter.

Il serait également intéressant que les collectivités qui s'engagent en faveur du microcrédit s'engagent en même temps en faveur de l'accompagnement des bénéficiaires. Car le gage de la réussite est bien l'accompagnement. Notre idée n'est pas de donner de l'argent pour créer de l'emploi, mais de permettre que le microcrédit soit accompagné pour que l'emploi soit pérenne.

Enfin, Monsieur le président, vous m'avez interrogée sur les réactions de l'AFD et de la Caisse des dépôts. Je n'ai pas encore rencontré la Caisse des dépôts, mais je peux vous parler de l'AFD.

J'ai dit aux représentants de l'AFD, que je viens de rencontrer, que je souhaitais un rôle nouveau pour l'Agence, un rôle de leader, d' « ensemblier » dans la coopération régionale, susceptible de prendre un certain nombre d'initiatives. Ils m'ont répondu qu'ils étaient capables de faire une évaluation pour voir si les opérateurs agissaient bien, mais qu'ils n'étaient pas des opérateurs de premier plan pour ces projets-là. Nous avons du mal à leur faire comprendre que, même s'ils sont petits, ces projets méritent considération. Mme Barbaroux a coutume de dire que ce n'est pas parce que c'est un petit projet que c'est un projet sans envergure. De belles entreprises ont été créées à partir de projets financés par des microcrédits.

Je pense que les décideurs sont bien conscients que la chaîne est incomplète, et qu'il manque un chaînon de garantie pour conforter la microentreprise, entre le microcrédit et la micro-assurance. Ils se disent prêts à faire ce qu'ils savent faire, à savoir du conseil et de l'animation. Ils nous ont parlé de mécanismes de gestion de garanties, mais on sent bien que le signal devra venir de l'État.

J'ai écrit : « il faut qu'il y ait un mandat de l'État ». Ils m'ont parlé d'une « demande » de l'État. Dans mon esprit, c'était simple : il faut une commande claire pour que nos institutions, AFD et Caisse des dépôts, occupent davantage ce créneau. Certes, ce n'est pas leur champ premier d'intervention, mais elles ont une expérience incontestable. Par exemple, dans le montage des fonds européens, dans la coopération régionale, elles savent mettre en place de beaux projets. J'aimerais qu'elles passent à des projets de taille moins importante, mais qui n'en sont pas moins vitaux pour la population, comme j'ai essayé de l'expliquer. Ce peut être tout aussi porteur de cohésion sociale qu'un gros projet d'équipement collectif ou de grande infrastructure.

La porte n'est pas fermée, mais je ne suis pas celle qui peut donner l'ordre. J'ai bien compris qu'il faudrait poursuivre les démarches auprès du Gouvernement pour tenter d'élargir les possibilités existantes. Il s'agit, en fait, de conforter les dispositifs. Si nous obtenons la création d'un fonds de garantie, l'AFD sera capable de le gérer. L'AFD nous a dit que, dans la mesure où elle serait opérateur de la BPI, on pourrait s'attendre à des évolutions significatives dans les Outre-mer. Mais je pense qu'il faudra un signal.

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