Intervention de André Marcon

Réunion du 4 mars 2015 à 14h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

André Marcon, président de CCI France :

Je vous remercie de votre invitation, à laquelle nous sommes sensibles. Nous avons le souci que la mission agisse avec objectivité et efficacité, tant pour le réseau des chambres que pour l'appui aux entreprises sur le territoire.

Certains pensent que les élus nationaux sont des apparatchiks. Je suis un territorial de souche. J'ai créé et repris un certain nombre de petites entreprises, et je suis maire d'un petit village de montagne qui compte 240 habitants. J'ai présidé la CCI du Puy en VelayYssingeaux, puis la chambre régionale de commerce et d'industrie (CRCI) d'Auvergne, elle aussi de petite taille, avant d'exercer la présidence de CCI France. Pierre Goguet, qui m'accompagne, est chef d'entreprise dans le domaine de l'expertise comptable.

CCI France représente 4 800 élus bénévoles répartis sur l'ensemble du territoire et 26 000 collaborateurs qui défendent les intérêts de 2,5 millions d'entreprises.

Le réseau des CCI se modernise à bas bruit. Toutes les initiatives individuelles territoriales ne remontent pas à la surface et il n'entre pas dans les habitudes des consulaires de les faire connaître. Cependant, et contrairement à ce que prétendent certaines caricatures, voilà deux ans que notre réseau a fait de sa modernisation une priorité. En 2013, il a adopté une « Démarche de progrès » qui trace les lignes de sa réorganisation. Fin 2014, il a voulu aller encore plus loin, en adoptant le projet de la « CCI de demain ». Les chambres seront connectées, pour répondre vingt-quatre heures sur vingt-quatre aux besoins des entreprises. Elles seront collectives, c'est-à-dire moins axée sur le « faire » que sur le « faire avec » et seront réactives, faisant preuve de souplesse et d'adaptabilité.

Le réseau consulaire poursuit sa rationalisation. La loi de 2010 l'a modifié considérablement en l'engageant dans un processus de rationalisation, de régionalisation et de mutualisation. Cela n'a pas été sans difficulté. On ne passe pas d'un coup de baguette magique de 150 employeurs à vingt-deux, et toutes les réformes de structure ont un coût pendant leurs premières années d'application.

Avant 2017, donc en deux mandatures, nous passerons de 150 CCI territoriales à moins d'une centaine. Nous avons souvent anticipé les évolutions des collectivités territoriales. Ainsi, depuis la loi de 2010, nous organisons une double élection territoriale et régionale, comme celle qui sert à désigner le conseiller territorial. Nous soutenons aussi l'émergence des CCI métropolitaines et constatons la volonté de fusion entre les deux CCI de région normandes.

Avec le ministre Emmanuel Macron et la secrétaire d'État Carole Delga, nous travaillons sur de nouvelles mesures législatives et réglementaires qui permettront d'adapter le réseau à la réforme territoriale en cours de discussion et de l'engager dans une nouvelle étape de réforme. Notre assemblée générale du 24 février a validé à une majorité de 76,6 % notre feuille de route pour sa réorganisation.

Dès la prochaine mandature, fin 2016, nos chambres de commerce et d'industrie régionales (CCIR) correspondront aux nouvelles régions. Des dizaines de CCI devraient fusionner par décision des élus sans pour autant renoncer à l'exigence d'un service de proximité pour les entreprises, qui est inscrit dans notre ADN.

Notre réseau s'est professionnalisé. Depuis la réforme de 2010, il s'est doté d'outils nationaux qui constituent autant d'avancées. Il a élaboré une stratégie nationale via le pacte de confiance et le contrat d'objectifs et de performance. Il a consolidé, grâce au « cube », les données relatives aux finances et à l'activité de l'ensemble du réseau. Il a mis en place un système commun de gestion comptable. Il a conforté l'identité commune, en adoptant un logo commun à toutes les CCI. Il a adopté des normes d'intervention. Il a mis en place un système d'information et de gestion des ressources humaines (SIRH). Enfin, il a doté le personnel d'un nouveau statut national, pour l'élaboration duquel nous aurions souhaité davantage de soutien de la part de la tutelle…

Le réseau des CCI est fier de ce qu'il apporte aux entreprises. Il tente de mener à bien les missions identifiées par la loi de 2010. C'est dans ce cadre que les CCI s'organisent pour répondre aux attentes des entreprises. Les futures conventions d'objectifs et de moyens, signées dans les territoires avec les préfets de région, devraient confirmer ces missions.

Le réseau s'est engagé dans un processus d'évaluation. Le contrat d'objectifs et de performance a proposé, pour évaluer l'action des CCI en toute transparence, des indicateurs de performance et d'activités sur lesquels nous n'avons toujours pas de retour de notre tutelle.

Les résultats contribuent à répondre aux défis que notre pays doit relever en matière de croissance et d'emploi. Chaque année, nous accompagnons 160 000 porteurs de projets de création d'entreprise, nous formons 100 000 apprentis, ce qui fait des CCI le premier formateur de cette voie d'excellence, et nous accompagnons près de 7 000 entreprises à potentiel avec de nouveaux projets d'export.

Notre réseau, qui est le deuxième formateur de France après l'éducation nationale, continue à gérer des équipements essentiels à l'attractivité des territoires. Cosignataire de près de 2 000 conventions et contrats avec les collectivités locales, il veut aller plus loin dans le « faire avec » en systématisant le conventionnement régional.

Le réseau plaide aussi pour une trajectoire d'économies réaliste et équitable. Je me dois de rappeler que le réseau des CCI ne coûte pas cher aux entreprises. La taxe pour frais de chambres consulaires (TFC) représente à peine plus de 400 euros par entreprise, et cette moyenne cache de fortes disparités. La TFC est en effet un outil de péréquation au profit des TPE-PME : ce sont les grandes entreprises qui contribuent le plus à cette ressource fiscale, qui bénéficie en priorité aux petites entreprises sous la forme de services d'accompagnement.

Les CCI ont toujours considéré qu'elles devaient participer à l'effort collectif de redressement budgétaire, mais le Gouvernement n'a pas retenu les propositions qu'elles ont formulées l'an dernier à cet effet.

En ce qui concerne le prélèvement de 500 millions d'euros opéré en 2015 sur fonds de roulement, nous nous devons d'accepter la décision du Parlement. Nous constatons cependant qu'il s'agit d'un prélèvement sur les fonds propres destinés aux investissements. Sur la méthode, nous avions demandé un délai de deux mois, qui nous a été refusé, pour étudier la répartition la plus équitable.

Comment croire qu'en 2015, la baisse de 20 % de la TFC n'aura d'impact ni sur le service rendu aux entreprises, ni sur notre engagement pour développer l'apprentissage, ni sur notre personnel ? Aucun acteur public n'a connu une telle baisse de ses dotations, et celle-ci ne permet pas de reconstituer les fonds propres indispensables à l'investissement.

Nous avions plaidé pour une baisse normale et équitable de nos ressources, qui pèse moins sur nos actions au service des entreprises, et n'obère pas totalement les investissements dans les territoires. Nous l'avons fait entendre cet automne lors de l'examen de la loi de finances pour 2015. L'Assemblée nationale semble avoir partagé nos convictions, puisqu'elle a voté à deux reprises – en première et en deuxième lecture – une baisse maîtrisée des ressources des CCI, mais le Gouvernement a refusé tout compromis, préférant passer en force.

Aujourd'hui, le réseau est à nouveau debout, et décidé à aller de l'avant. Il est dirigé par des chefs d'entreprise qui ont l'habitude de s'adapter et de se remettre en cause. Des pistes intéressantes figurent dans le rapport sénatorial de l'an dernier. Elles visent à garantir une visibilité pluriannuelle sur la ressource fiscale des CCI, à renforcer la tête de réseau CCI France et à généraliser les conventionnements entre CCIR et régions. C'est un message que nous avons entendu.

D'autres mesures législatives et réglementaires sont nécessaires pour mieux formaliser l'esprit de la loi de 2010 et son adaptation à la loi NOTRe.

Enfin, d'autres pistes méritent d'être ouvertes sans tabou, comme le rapprochement, voire la fusion entre CCI et chambres de métiers et de l'artisanat. Sur ce sujet, seul l'intérêt des entreprises doit être pris en compte.

En conclusion et pour répondre en quelques mots à la question qui a motivé l'audition : oui, la réforme de 2010 est difficile à mettre en musique – on ne passe pas sans casser d'oeufs d'un système indépendantiste séculaire à un système collectif régional – ; oui, il y a toujours des tensions çà et là entre le niveau territorial et le niveau régional, voire le réseau national. Mais notre réseau peut être fier du chemin parcouru, de ses projets et de sa volonté de s'adapter toujours mieux aux besoins comme aux contraintes des entreprises et des territoires.

Les élus chefs d'entreprises bénévoles qui consacrent une belle partie de leur temps au service de l'économie doivent à ce titre être respectés. On doit conserver les moyens financiers qui leur permettent d'assumer leurs missions définies par la loi.

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