Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du 3 mars 2015 à 18h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles :

Monsieur le ministre, votre propos était exhaustif. À Lima, un accord a déjà pu être trouvé sur la nécessaire remontée des calendriers. Mais le bilan est assez faible. Paraphrasant un ancien premier ministre, je dirais que, pour la COP21, la route est droite, mais la pente est rude. Il reste en effet à la France beaucoup de points à défricher, car le succès mitigé de Lima s'explique par le fait que les États n'ont pas su débroussailler assez le terrain sous l'égide des Nations unies.

Parmi les points positifs, je voudrais citer l'engagement de l'Union européenne tant sur le « 3 × 20 » d'ici 2020 que sur les objectifs complémentaires « 402727 » d'ici 2030 : 40 % d'émissions en moins, 27 % de gains d'efficacité énergétique, 27 % d'énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. Avec l'Union européenne, nous sommes vraiment en pointe sur le sujet. Quant à l'accord de novembre dernier entre les États-Unis et la Chine, sans être une révolution, il se révélera utile pour porter de 26 % à 28 % la réduction des émissions de gaz à effet de serre des États-Unis d'ici 2025 par rapport à 2005 ; pour la Chine, elle s'est engagée à ne plus augmenter ses émissions après 2030. Cela signifie cependant que la Chine continuera à augmenter ses émissions jusqu'à cette date. Or elle émet en moyenne sept tonnes d'équivalent carbone par habitant, pour une population de 1,25 milliards d'habitants, contre cinq tonnes et demi par habitant en France. Rappelons qu'à eux deux, ces grands pays représentent entre 42 % et 43 % des émissions totales de gaz à effet de serre, la Chine en rejetant 28 % et les États-Unis environ 15 %.

Dernier point positif, le calendrier paraît désormais robuste, jalonné qu'il est par la conférence de Bonn en juin prochain, puis par les rendez-vous de septembre et d'octobre avant la tenue de la conférence à la fin de l'année. Cela permettra d'accélérer la négociation.

Il faut cependant déplorer que les feuilles de route, dont la remontée au printemps a été décidée à Lima, ne soient établies qu' « à la lumière des circonstances nationales ». Le risque est grand que l'addition des engagements nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (iNDC) ne permette pas d'atteindre une limitation du réchauffement planétaire en deçà de 2° C d'ici 2100. Or, s'il s'élève à 4,8° C à la fin du siècle, comme l'envisage le groupement d'experts intergouvernementaux sur le climat (GIEC), nous courons à la catastrophe. Le collationnement des feuilles de route nous réserve donc sans doute un printemps difficile.

Le Fonds vert est désormais mis en place, avec une administration implantée en Corée. Les États-Unis l'abondent de trois milliards de dollars, le Japon d'un milliard et demi de dollars, la France à hauteur de presque un milliard. Je me demande comment sera comblé l'écart entre ces dix milliards qui sont alloués au Fonds vert et les cent milliards qu'il est prévu d'allouer au financement du développement après 2020.

Enfin, le transfert de technologies vertes ne fonctionne pas, car les grandes entreprises répugnent à partager leurs brevets. Les Nations unies ont mis en place un groupe de travail sur le sujet. Si les moyens font défaut et que le transfert de technologie n'a pas lieu, comment pouvons-nous aider les pays en voie de développement ? Le fossé entre eux et les pays développés reste toujours prégnant. Car ces derniers n'ont pas tenu leurs promesses, ce qui leur a fait perdre en crédibilité et a fait naître des blocages.

Il me semble essentiel que l'accord obtenu à Paris soit juridiquement contraignant. Mais le protocole de Kyoto de 1997 n'est entré en vigueur qu'en 2005, car chaque pays a dû le ratifier. Le traité international s'avère être un outil compliqué à utiliser. Les parlementaires du Congrès américain que nous avons rencontrés il y a quinze jours sont au demeurant complètement bloqués sur cette question. En invoquant le Clean Air Act de 1963, la présidence américaine pourrait essayer de contourner –même si je répugne à utiliser ce terme– cette opposition, pour adopter une décision de l'administration Obama. Quant à la France, il est temps qu'elle sorte du bois, tant sur la nature juridique de l'accord à obtenir que sur le mécanisme de contrôle et de vérification (monitoring, review, verification, MRV) qu'il doit prévoir, en incluant d'éventuelles sanctions.

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