Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 11 mars 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain, rapporteure :

À l'origine, la nomination en conseil des ministres du président de la future Agence française pour la biodiversité n'était pas prévue dans le projet de loi relatif à la biodiversité, mais la rapporteure de ce projet de loi a souhaité, et nous en sommes tous convenus, que cette nomination soit effectuée par le président de la République, ce qui donnera plus d'importance et de rayonnement à l'Agence.

La proposition de loi organique dont notre Commission est saisie au fond complète ainsi le projet de loi relatif à la biodiversité, qui sera discuté en séance la semaine prochaine –je vous invite tous à vous joindre au débat sur cette loi essentielle et fondatrice. Nous devons cette proposition de loi organique à l'initiative de la rapporteure du projet de loi et de plusieurs de nos collègues du groupe SRC, dont M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du Développement durable.

Le texte tend à ajouter la future Agence française pour la biodiversité à la liste des organismes dont les dirigeants font l'objet d'un avis public des commissions parlementaires avant leur nomination par le président de la République.

Je rappelle que, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution prévoit que, pour les fonctions suffisamment importantes « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », le pouvoir de nomination du chef de l'État s'exerce après une audition et un avis public des commissions parlementaires compétentes. La nomination peut être bloquée à condition d'être refusée par une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les commissions des deux assemblées.

Notre Commission a maintenant l'habitude des modifications apportées à la liste des fonctions concernées par cette procédure, liste qui figure dans une loi organique du 23 juillet 2010. Y ont été ajoutés, en décembre 2012, le directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, structure « de tête » de la Banque publique d'investissement, puis, en octobre 2013, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. En novembre 2013, la réforme de l'audiovisuel public a conduit à supprimer de cette liste les présidents des organismes audiovisuels publics, désormais nommés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Je rappelle en revanche que le Conseil constitutionnel a censuré l'ajout du président de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), au motif que « cette fonction n'entre pas dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution ». J'avais moi-même, en tant que rapporteure de la commission des Lois sur le projet de loi organique, émis des doutes quant à la constitutionnalité de l'application à l'INA de l'article 13 de la Constitution, compte tenu des missions confiées à cet organisme. Enfin, en août 2014, le législateur organique a tiré les conséquences de la réforme ferroviaire en ajoutant les fonctions dirigeantes de la nouvelle SNCF à celles soumises à l'avis public des commissions parlementaires préalablement aux nominations par le président de la République.

Quant au cas qui nous occupe aujourd'hui, je le répète, dans sa rédaction initiale, le projet de loi relatif à la biodiversité ne prévoyait pas que le président de la nouvelle Agence française pour la biodiversité serait nommé par le chef de l'État : il devait être élu parmi les membres du conseil d'administration de l'Agence. La question de l'avis des commissions parlementaires et de l'application de l'article 13 de la Constitution ne se posait donc pas.

Néanmoins, lorsqu'elle a examiné ce projet, du 24 au 26 juin 2014, la commission du Développement durable de l'Assemblée nationale a prévu, sur proposition de sa rapporteure, Mme Geneviève Gaillard, que le président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité serait désigné par le président de la République, ce qui renforce la place et le rôle de l'Agence au niveau national, et que cette nomination serait soumise à la procédure d'audition et d'avis public des commissions parlementaires.

Toutefois, seule une loi organique peut prévoir une telle mesure. Voilà pourquoi nous sommes saisis aujourd'hui de la présente proposition de loi organique, qui sera examinée en séance en même temps que le projet de loi relatif à la biodiversité.

Sur le fond, il paraît justifié que la future Agence française pour la biodiversité soit soumise à la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution.

Premièrement, avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), cette nouvelle agence serait le second grand opérateur de l'État en matière d'environnement, le second grand pilier sur lequel les politiques publiques pourraient s'appuyer. Or l'ADEME fait déjà partie des organismes soumis à l'article 13 de la Constitution. Nous introduisons ainsi la biodiversité, au même titre que la maîtrise de l'énergie et l'environnement, parmi les fondamentaux de notre République.

Deuxièmement, la nouvelle agence sera un établissement public administratif relevant de l'État, comptant environ 1 200 agents et doté d'attributions importantes. Elle regroupera les compétences de plusieurs organismes existants : l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ; l'établissement public « Parcs nationaux de France » ; le groupement d'intérêt public « Atelier technique des espaces naturels » ; l'Agence des aires marines protégées. Il me semble d'ailleurs qu'il conviendrait d'étendre encore davantage ce périmètre, par exemple à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et à l'Office national des forêts (ONF). Je pense que cet avis est partagé par un certain nombre de personnes.

Dernier argument en faveur de l'application à la nouvelle Agence de la procédure d'avis des commissions parlementaires : la biodiversité est mentionnée dans la Charte de l'environnement – qui a valeur constitutionnelle –, dont le préambule se réfère expressément à la « diversité biologique ». Elle fait donc l'objet d'une politique publique suffisamment importante pour que le Parlement soit pleinement associé à la nomination par le président de la République du président de ce nouvel organisme.

Pour conclure, je vous invite donc à adopter cette proposition de loi organique, qui a vocation à entrer en vigueur en même temps que l'Agence française pour la biodiversité, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2016.

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