Intervention de Philippe Houillon

Réunion du 11 mars 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon :

Il est dommage qu'en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), la culture de la majorité soit toujours celle de la sanction et de la pénalisation, et ce, alors même qu'aucun autre pays au monde n'a adopté des mesures aussi larges que celles prévues dans le texte. Les initiatives étrangères que vous avez citées, monsieur le rapporteur, sont limitées et ciblent des points précisément définis, ce qui n'est pas le cas de la proposition de loi. Vous avez oublié de souligner que la Finlande a refusé, à la fin de 2014, de légiférer sur un domaine aussi vaste : le faire aurait posé des problèmes de définition des obligations. Vous avez d'ailleurs vous-même confirmé indirectement mes propos en reconnaissant que c'est un problème international que, paradoxalement, vous réduisez à un problème franco-français.

Le texte pèche tout d'abord par l'imprécision des normes censées encadrer son application. Il ne contient aucune définition claire, ce qui est particulièrement grave à partir du moment où il prévoit des sanctions. À toute responsabilité encourue par les entreprises doit correspondre une détermination suffisamment précise de leurs obligations, ce qui n'est pas le cas dans la rédaction actuelle. Par exemple, que recouvre au plan juridique la notion d'« influence déterminante » ?

Le fait que vous présentiez ces obligations comme des obligations de moyens cherche à rassurer. Mais la vérité est autre : le texte inscrit bien une obligation de résultat puisqu'il prévoit la mise en oeuvre « de manière effective » des mesures propres à prévenir la réalisation des risques. La France devient ainsi le seul pays au monde à prévoir de telles contraintes. Il s'y ajoute l'instauration, au II de l'article 1er, d'un véritable procureur privé : en effet, toute association dont l'objet statutaire comporte la défense des intérêts en cause pourra ester en justice, alors que l'action publique devrait, comme son nom l'indique, rester publique et ne pas être transférée à des associations privées, surtout de manière aussi large.

L'adoption du texte créera des distorsions de concurrence aux dépens des grandes entreprises françaises de plus de 5 000 ou de 10 000 salariés puisque les entreprises étrangères ne seront pas soumises aux mêmes contraintes. Oui, nous devons faire tous les efforts possibles pour promouvoir la RSE. Oui, comme vous l'avez déclaré d'emblée, la vie d'un ouvrier vaut plus que tout l'or du monde. Cela étant, je le répète : alors que le problème que vous visez est international, vous le réduisez à un problème franco-français, par idéologie probablement, même si je veux bien vous accorder le bénéfice de la bonne foi.

Vous attachez, une fois de plus, aux pieds des grandes entreprises françaises performantes des boulets qui les empêcheront de progresser aussi vite que leurs concurrentes étrangères, sans compter les problèmes d'attractivité du territoire voire les délocalisations que provoquera le texte. Faisons la promotion internationale de la RSE, d'autant que des textes existent déjà, mais n'appliquons pas aux seules grandes entreprises françaises des obligations de résultat dont les conséquences leur seront préjudiciables !

C'est pourquoi le groupe UMP ne votera pas le texte.

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