Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 11 mars 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Je tiens à saluer, au nom de l'UDI, le fait que les quatre groupes de la majorité aient travaillé ensemble sur le texte. Je partage le souci du rapporteur de prendre de la hauteur : sur un tel sujet, c'est une bonne chose. Oui, la vie d'un travailleur vaut plus que tout l'or du monde !

Je tiens toutefois à observer qu'aucun pays ne prévoit une législation aussi étendue en matière de responsabilité des entreprises. Fallait-il s'y atteler ? Penser que, ce faisant, nous ouvrirons la voie au monde me semble, malheureusement, irréaliste. Une proposition aussi ambitieuse ne devrait-elle pas être plutôt défendue par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou par une future organisation internationale de l'environnement ? Alors que l'ONU a établi depuis longtemps des principes directeurs, fondés sur la soft law, rares sont les États qui les ont transposés dans une législation contraignante. La Finlande nous a même montré que transformer la vigilance raisonnable en obligation légale est peu envisageable.

Les textes qui, en droit français, traitent de ce sujet sont ponctuels : ils visent l'hébergement contraire à la dignité, l'emploi de travailleurs détachés ou la mise sur le marché de bois issus de récoltes illégales – trente pages sont nécessaires pour transposer le droit européen sur la seule question du bois. Quant aux exemples étrangers que vous avez évoqués, Monsieur le rapporteur, ils ciblent la corruption, l'esclavage humain et la traite des esclaves : il s'agit donc bien de points précis. Or la proposition de loi nous propose de changer de logique en imposant une vision très large, ce qui implique de bien préciser les normes. Faut-il attendre les décrets d'application ? Ne serait-il pas préférable de nous limiter à la communication ? Que signifient au plan juridique les « mesures de vigilance raisonnables » ? Certes, l'Organisation internationale du travail (OIT), l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou l'ONU débattent de ces sujets : toutefois, ce sont des organisations interétatiques dont les propositions ne sont pas obligatoirement transposées en droit français. En cas d'obligation de vigilance, il nous faudra des années pour en préciser le contenu.

La proposition de loi est d'ailleurs orthogonale avec la directive européenne de 2014 sur le reporting extra-financier et la vigilance raisonnée. Elle prévoit une obligation à la fois trop dure et trop large, éloignée des standards juridiques actuels. Elle oriente de plus les organisations non gouvernementales et les associations vers le contentieux et non vers la mise en valeur des bonnes pratiques : c'est dommage.

Ce texte ne nous semble pas en phase avec les réalités économiques.

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