Intervention de Paul Molac

Réunion du 11 mars 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Les écologistes et trois autres groupes de gauche avaient déposé sur le sujet une première proposition de loi qui, je tiens à le rappeler, a été renvoyée en commission.

Si ce nouveau texte affiche une intention pertinente et louable, sa rédaction laisse à désirer : en effet, il contient encore de nombreuses zones d'incertitude, ce qui le privera de toute portée effective, alors que les enjeux humains et environnementaux sont très importants. Dois-je rappeler que 160 000 citoyens ont soutenu cette démarche par voie de pétition et que, selon un sondage du CSA, 80 % des Français estiment que les multinationales doivent être tenues juridiquement responsables des catastrophes humaines et environnementales provoquées par leurs filiales et leurs sous-traitants ? Un drame comme celui du Rana Plaza ne doit pas se reproduire.

Le texte qui nous est aujourd'hui proposé demeure très en deçà de la proposition de loi que nous avions présentée le 29 janvier dernier, après l'avoir préparée en étroite concertation avec les ONG – elle était soutenue par 250 d'entre elles. Cette proposition de loi s'inscrivait du reste dans la droite ligne des principes directeurs des Nations unies et de l'OCDE en instaurant une obligation de vigilance assortie d'une obligation de moyens. Or la mise en oeuvre effective de l'obligation de vigilance a disparu du texte. De même, si certains des amendements du rapporteur sont intéressants, d'autres exigent une expertise complémentaire : ils nous ont été transmis tardivement et demeurent trop timides.

C'est pourquoi les radicaux et les écologistes ont déposé, ensemble, des amendements visant à améliorer le texte.

C'est ainsi que, ne retrouvant pas dans la rédaction actuelle le principe de responsabilité solidaire, nous avons déposé un amendement en ce sens. Il convient en effet de franchir ce pas pour interdire aux donneurs d'ordres de se dérober dans la dilution de la chaîne de responsabilités.

Nous nous interrogeons également sur les seuils fixés par le texte – 5 000 et 10 000 salariés – car de nombreuses sociétés échapperont à l'obligation d'établir et de mettre en oeuvre de manière effective un plan de vigilance alors que, chacun le sait, elles passent directement, notamment dans le secteur du textile, des commandes à des entreprises situées, par exemple, au Bangladesh. Le renvoi à un décret en Conseil d'État des modalités d'application des dispositions prévues et la définition des liens de sous-traitance soulèvent également des interrogations.

Ne faisons pas preuve d'angélisme : pour modifier les choses, il faut légiférer. C'est ainsi que le législateur a dû interdire le travail des enfants pour y mettre fin. Il faut savoir inscrire nos valeurs dans la loi. Si nous ne luttons pas contre le dumping social, nous acceptons la baisse des exigences sociales dans notre propre pays tout en incitant nos entreprises à délocaliser. Un tel texte contribuera à éviter les délocalisations.

Pour soutenir une telle initiative à l'échelon européen, nous devons présenter un texte dont les implications réelles modifieront les comportements. Les amendements que nous présentons, sans être radicaux, permettent de hisser le débat à la hauteur des défis que nous voulons relever ensemble.

Notre position finale dépendra des avancées réalisées lors de l'examen du texte en commission et en séance publique.

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