Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 11 mars 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain, rapporteure :

Ce texte introduit une grande innovation et je m'étonne que la droite républicaine ne soutienne pas l'idée que la France puisse adopter une attitude différente par rapport à la common law, c'est-à-dire au droit anglo-saxon. Ce dernier est effectivement fondé sur l'idée que c'est la pratique qui construit le droit, celui-ci venant ensuite la confirmer. Notre droit étant au contraire fondé sur des principes ; il est normal que la France élabore un texte de loi qui s'appliquera à tous. De cette manière, nous nous inscrivons bien, en tant que puissance, dans la dynamique économique internationale, dans un monde qui a beaucoup changé et qui continue à évoluer : des démocraties y montent – douloureusement parfois. Dans les pays en voie de développement et les pays émergents, les sociétés humaines aspirent à la démocratie, à plus de richesse, à plus de confort et à plus de sécurité. Or, c'est bien de sécurité des personnes au travail qu'il est question dans cette proposition de loi. Si le monde a changé, c'est non seulement parce qu'il s'est agrandi mais aussi parce que tout y est visible immédiatement. L'image est instantanée ; le drame est là. Le législateur français ne peut donc y rester indifférent, faire comme s'il ne le voyait pas et continuer à « renvoyer la balle » à des instances internationales. Car si celles-ci délibèrent et construisent une agora mondiale, elles ont du mal à en faire une réalité concrète qui nous concerne au quotidien.

Je remercie donc Dominique Potier d'avoir eu le génie de prendre cette initiative, il y a deux ans, avec l'ensemble des groupes politiques de la majorité élargie. Cela était nécessaire. Mais il convenait aussi de faire en sorte que ce droit nouveau puisse s'appliquer. Nous y sommes : pour la première fois à l'échelle mondiale, la faute va être caractérisée par le défaut de vigilance. Nous conférons en outre au juge une palette d'options : l'astreinte, l'amende civile et la publicité. Cette loi est donc fondée sur la force propre de la société française, l'objectif étant d'exiger des sociétés qu'elles donnent à voir les plans de vigilance construits par leurs directions générales. Nous construisons de la démocratie dans l'entreprise, de la solidité, de la vigilance et du droit moral puisque nous visons à garantir le droit des personnes, leur sécurité, leur vie et leur avenir, autant que les nôtres, dans un monde globalisé. Ne nous recroquevillons pas sur notre petit territoire national, ne nous abritons pas derrière un système international qui ne trouve pas à s'appliquer et que nous transcrivons en droit national selon nos traditions ! Si l'Europe se construit à la fois sur la soft law et sur notre droit, bâtissons-la ensemble afin que, dans la mondialisation, notre continent devienne un lieu de sécurité des biens et des personnes et surtout de liberté des personnes physiques et morales.

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