Intervention de Dominique Potier

Réunion du 11 mars 2015 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur :

Madame Marie-Françoise Bechtel, si mon ancien métier de paysan m'a rendu attentif aux écosystèmes, c'est en ce qu'ils avaient de bénéfique pour l'homme. Il n'y a aucune ambiguïté dans mon esprit et si jamais je trébuchais, je sais que vous seriez là pour me relever.

L'exemple finlandais cité par M. Houillon est fallacieux : l'obligation de vigilance au sujet duquel la Finlande a renoncé à légiférer n'a rien à voir avec le plan de vigilance, assorti d'une liberté de moyens quant à sa mise en oeuvre, que nous proposons d'introduire. Cette objection ne tient pas en droit car il ne s'agit pas du même objet juridique.

Vous appelez de vos voeux une normalisation des droits humains ainsi qu'un respect des écosystèmes. Or, les entreprises, que je connais bien pour avoir été de leur monde, dénoncent quant à elles une saturation des normes et demandent plus de liberté dans le choix des moyens servant à atteindre les objectifs que nous partageons tous. La proposition de loi leur accordant une telle liberté, il est paradoxal que certains membres du patronat exigent que tout soit normalisé. Il convient de trouver un juste équilibre entre un objectif de vigilance défini par des traités internationaux – relevant de l'OCDE et de l'ONU et que la France a ratifiés – et la liberté de moyens qui relève du génie de l'entreprise. Cet équilibre est parfaitement préservé dans la loi.

S'agissant des liens d'« influence déterminante », votre souci sera satisfait par nos amendements. Là encore, votre attaque est infondée. S'il est en effet fait référence dans le code de commerce à l'influence déterminante, nous avons voulu être plus précis que vous en faisant référence à un autre article du même code.

L'idée selon laquelle les associations et les syndicats deviendraient des procureurs privés relève d'un débat idéologique : en cas d'abus, les juges seront parfaitement fondés à rejeter les requêtes. En tant qu'élu d'une petite commune, j'ai été nombre de fois en colère face à une justice classant des affaires qui me paraissaient importantes. En outre, les abus que vous signalez ne sont rien à côté des drames que provoquent l'impunité et le manque de transparence des sociétés multinationales.

Le texte n'impose aucune obligation de résultat, quoi que vous en disiez, l'article 2 étant parfaitement séparé de l'article 1er. Il permet de sanctionner les sociétés responsables de dommages, le juge devant s'interroger sur le lien de causalité entre la qualité et l'effectivité du plan de vigilance, d'une part, et la responsabilité juridique de la société d'autre part, mais en aucun cas nous n'imposons d'obligation de résultat – ce qui, comme vous l'avez souligné à juste titre, serait irréaliste en droit international.

Monsieur Larrivé, l'opposition archaïque entre l'entreprise et les droits de l'homme relève du « monde d'avant ». Les entrepreneurs les plus modernes et les plus performants intègrent cette exigence de transparence, de respect de ses partenaires et d'engagement durable pour la planète et les droits de l'homme. Ils savent que les marchés du futur, malgré les soubresauts de l'Histoire, sont dans cette direction. Les entreprises françaises et européennes les plus compétitives sont présentes sur ces marchés d'excellence et pratiquent d'elles-mêmes la RSE dans le cadre de la soft law. Ainsi, 84 % des entreprises françaises sont au-dessus de la moyenne des normes RSE européennes. Et l'on compte 11 championnes françaises parmi les 31 entreprises internationales les mieux cotées en matière de RSE. Trois quarts des multinationales ciblées par la loi souscrivent déjà aux obligations RSE. Il s'agit donc, comme d'autres l'ont souligné, de faire de la RSE un avantage compétitif plus qu'un handicap.

Deux tiers des requêtes exprimées par M. Molac et certains membres des groupes de la majorité sont satisfaites, dans des formulations juridiques comparables – plus précises peut-être. J'espère que cela orientera leur choix en faveur de la dynamique de progrès qui est la nôtre.

Si Mme Capdevielle m'a rendu un hommage exagéré, elle me donne l'occasion de saluer le travail de Philippe Noguès, de Danielle Auroi, d'André Chassaigne, ainsi que des collègues de l'UMP et de l'UDI qui ont rejoint le groupe de travail que nous avons institué avec le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) et Amnesty International, qui ont partagé nos objectifs, et accepté d'élaborer dans une logique de compromis cette deuxième version du texte. Transcendant les postures partisanes, ce groupe de travail, véritable communauté d'idées, nous a permis d'avancer dans un champ innovant. Au sein même de cette Commission, nous avons bénéficié du précieux appui d'Anne-Yvonne Le Dain, de Jean-Yves Le Bouillonnec et de Dominique Raimbourg.

Enfin, sachez que le Premier ministre s'est engagé en faveur de cette proposition de loi, ce qui n'allait pas de soi tant ce texte va contre vents et marées, s'opposant à une idéologie que vous avez largement colportée sur ces bancs – idéologie hostile à toute forme de régulation et de réglementation. Le Premier ministre partage nos objectifs et il a eu le courage de tenir sa parole. Et puisque vous parlez d'un embarras du Gouvernement, je puis vous assurer que nous avons eu le concours sans faille de Matignon, de la Chancellerie et de Bercy pour faire aboutir ce texte dans sa forme actuelle, et qu'ils acceptent les améliorations que nous proposons par amendement.

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