Je suis heureux de pouvoir m'exprimer devant vous.
Notre modèle de réserves est spécifique et non forcément transposable.
Notre dispositif, qui est déjà ancien, s'est adapté au fil du temps à notre implantation territoriale – la gendarmerie étant présente sur 95 % du territoire – ainsi qu'à nos missions de sécurité publique, qui sont variées, et à nos moyens.
Il fait l'objet d'une gestion très fine, opérée au niveau des régions et des départements. Le logiciel Minotaur nous permet en effet, par le biais d'une connexion directe de nos réservistes avec le gestionnaire, d'avoir une gestion souple et réactive.
S'ajoute à cela une forme d'intéressement pour nos employeurs que sont les commandants de région ou de groupement, dans la mesure où ils se voient attribuer un budget au titre de la réserve, qu'ils gèrent à leur guise en fonction de leurs besoins et de leurs priorités.
Ce dispositif contribue véritablement à la performance opérationnelle de la gendarmerie : nous ne pouvons plus nous priver de nos réservistes. Nous sommes passés au cours de ces dernières années d'un concept de force d'appoint ponctuel à un concept de renfort permanent en unités constituées de réservistes. Ces derniers sont pleinement intégrés à la manoeuvre auprès des unités d'active : nous avons ainsi en moyenne 1 300 réservistes venant au quotidien renforcer celles-ci.
Le volume des réservistes dans chacun des départements est calculé au prorata des effectifs d'active, de façon à avoir une bonne répartition territoriale, certains départements étant beaucoup plus sollicités que d'autres.
Ce dispositif participe directement au lien armée-Nation : 70 % de nos réservistes sont en effet issus du milieu civil et suivent une formation militaire de gendarmerie pour intégrer la réserve – les 30 % restant étant d'anciens gendarmes ou militaires qui, à leur retraite, souscrivent un contrat pour poursuivre une activité pendant cinq ans au-delà de la limite d'âge du grade détenu dans la réserve. Cela leur donne une connaissance de la gendarmerie mais aussi du métier militaire et de la sécurité. Par ailleurs, 15 % de nos recrutements de sous-officiers proviennent de réservistes. Sachant que le nombre de réservistes voulant faire carrière en gendarmerie est plus important, notre sélection est assez rigoureuse.
Si les femmes représentent seulement 20 % des effectifs de la réserve, cela s'explique par le fait que 30 % de notre recrutement proviennent de retraités, qui sont essentiellement des hommes, la féminisation de la gendarmerie ayant commencé dans les années 1970. Mais le recrutement réalisé dans le civil, notamment auprès des jeunes, est équilibré, puisque nous recrutons globalement autant de filles que de garçons. Je rappelle que ceux-ci sont soumis non seulement à une visite médicale, mais aussi à des tests psychotechniques. À l'issue de cette sélection, ils reçoivent une formation de quinze jours, puis participent au service, sont armés et placés sur le terrain.
Notre dispositif est propice au recrutement, du fait de notre présence sur le territoire, de la variété et de l'intérêt des missions, de notre ouverture sur le monde civil, des possibilités de carrière qui sont offertes et de la publicité que font eux-mêmes les réservistes dans leur environnement immédiat, scolaire ou professionnel.
En outre, ce dispositif optimise les coûts. Nous sommes très vigilants sur l'emploi de notre budget. Or le fait que les réservistes soient employés à proximité de leur lieu de résidence évite des déplacements coûteux. Le coût unitaire journalier des réservistes est d'ailleurs relativement faible – en moyenne, 83 euros –, compte tenu de ce recrutement tourné vers le civil, avec de jeunes recrues dotées de grades subalternes moins onéreuses que des sous-officiers ou officiers. Ce système permet d'assurer une bonne mixité entre des anciens et des jeunes et d'optimiser la gestion en fonction des missions.
L'enjeu majeur pour nous est de fidéliser ces réservistes. Car plus longtemps nous les gardons, moins ils nous coûtent, en formation notamment, et plus ils sont efficaces, compétents et désireux de poursuivre leur carrière dans notre arme. Pour atteindre cet objectif, nous nous appuyons sur un triptyque : l'effectif, le budget et le taux d'emploi moyen annuel de chaque réserviste. Si nous voulons en effet fidéliser les réservistes, il faut non seulement leur confier des missions intéressantes mais aussi les employer pour un nombre de jours assez conséquent – certains s'étant plaints de n'être employés que cinq à six jours par an par exemple. Dans le contexte actuel, le bon niveau pour nous est de 20 jours par an en moyenne par réserviste, certains pouvant travailler 5 jours, d'autres 80.
D'où notre attention à ne pas chercher à augmenter l'effectif global de réservistes au-delà du raisonnable, ce qui pourrait réduire le taux d'emploi moyen. Nous en avons aujourd'hui 24 000, alors que le plafond fixé par le directeur général de la gendarmerie est de 30 000.
En 2014, nous avons terminé l'année avec un budget de 40 millions, ce qui nous a permis d'assurer un taux d'emploi moyen de 20 jours.
Il n'y a pas de budget dédié à la réserve : c'est le directeur général de la gendarmerie qui, sur son budget, décide de la part qu'il y consacrera. La dotation initiale du début d'année n'est de fait pas à la hauteur des besoins identifiés, mais le budget est abondé au fur et à mesure en cours d'année. C'est un des rares postes pour lequel le directeur général dispose d'une marge de manoeuvre. Ainsi, en 2014, nous avons commencé avec un budget de 31 millions d'euros, qui, à la suite d'abondements successifs, a abouti à 40 millions. Et, en 2015, nous commençons avec un budget de 32 millions d'euros, mais avec la perspective de bénéficier d'abondements d'ici l'été – car c'est une des priorités du directeur général.
En matière de fidélisation, la situation est plutôt rassurante, puisque nous sommes passés d'une durée moyenne de contrat de trois ans en 2011 à pratiquement cinq ans aujourd'hui.
En début d'année, je ventile le budget des réserves entre les 22 régions et l'outre-mer en fonction d'un certain nombre de critères. Puis les commandants de région reventilent les crédits entre les départements et les commandants de groupement les gèrent ensuite à leur guise, selon une planification annuelle tenant compte des événements prévisibles.
Mais le système n'est pas figé, car les commandants de région peuvent à tout moment décider une manoeuvre régionale ou interrégionale pour faire face à un événement important.
Le directeur général de la gendarmerie peut également décider de conduire une manoeuvre conséquente au niveau national, comme il l'a fait en septembre 2014, face à la situation de la délinquance et notamment à l'augmentation des cambriolages, au profit des 30 départements les plus sensibles. Ces départements ont ainsi été renforcés en permanence par des forces de gendarmerie mobile et des unités de réservistes – soit un peloton de 17 réservistes par jour pour ces 30 départements pendant quatre mois, du 15 septembre au 15 janvier, ce qui représente un effectif journalier de 510 réservistes en tout pendant cette durée. Pour cet effort conséquent, un budget de 4,2 millions d'euros a été spécifiquement attribué.
À la fin de 2014, cette opération a donné lieu à un bilan : les résultats étant probants, le directeur général a décidé de prolonger le dispositif pour toute l'année 2015. Mais des ajustements ont été réalisés, quatre départements ayant été retirés de la liste au profit de quatre autres, pour tenir compte de l'évolution de leur situation. À cette souplesse, s'en est ajoutée une autre : j'ai proposé, ce qui a été accepté, que les pelotons passent de 17 effectifs à 12 pour tenir compte de la disponibilité de nos réservistes – la limite d'emploi de ceux-ci étant de 30, avec possibilité d'aller jusqu'à 60 ou 90 jours et, dans des situations extrêmes, 150 jours.
S'agissant du logiciel Minotaur, qui a été créé il y a deux ans, il nous apporte en effet souplesse et réactivité, grâce à un contact permanent avec les réservistes. Ceux-ci peuvent se connecter de chez eux sur le logiciel, quand ils le souhaitent, et font connaître au gestionnaire leurs disponibilités jusqu'à huit mois. Le gestionnaire a connaissance de celles-ci en temps réel, ce qui lui permet de mettre en place un dispositif cohérent, mixant les compétences, en tenant compte du taux d'emploi de chacun. Il fait ensuite savoir aux réservistes s'ils sont retenus, de même que la nature de la mission, sa durée, le lieu de rendez-vous et diverses autres précisions. Il s'agit d'un internet adossé à un intranet de gestion, où figurent aussi les états de service des réservistes, directement actualisés, et le coût des missions. Cet outil remarquable nous permet de savoir ainsi combien de jours nous avons employé tel réserviste, combien cela nous a coûté et où nous en sommes de l'engagement du budget.
En conclusion, nous disposons, avec cette réserve opérationnelle de 24 000 hommes et femmes, d'un outil efficace et adapté à nos besoins et aux enjeux de sécurité intérieure de nos territoires.