Comme nous tous, j'ai été choqué lors de l'effondrement de l'immeuble Rana Plaza au Bangladesh, qui a provoqué la mort de près de onze cents personnes et blessé plusieurs centaines d'autres. L'opinion a découvert à cette occasion que les occupants de l'immeuble fabriquaient des articles de confection textile pour le compte de multinationales, dont certaines françaises, et que les conditions de sécurité y étaient particulièrement déplorables. Ce drame a mis en lumière la question du partage des responsabilités entre les multinationales et leurs sous-traitants à bas coûts dans les pays du Sud.
À titre personnel, je salue l'objectif de la proposition de loi de notre collègue Bruno Le Roux, qui est d'inciter les grands groupes à respecter les principes de la RSE. En revanche, je m'interroge sur la méthode employée pour l'atteindre.
Le texte rompt avec le droit français de la responsabilité civile, qui repose sur l'existence à la fois d'une faute prouvée, d'un dommage et d'un lien de causalité entre les deux, puisqu'il établit une responsabilité a priori de l'entreprise. Ne la place-t-il pas, de la sorte, dans une dangereuse insécurité juridique ?
Il confère également au droit français une portée extraterritoriale. Cela est-il compatible avec les principes des droits européen et international ?
Les mesures proposées impliquent que les grands groupes internationaux aient les moyens de contrôler, non seulement leurs filiales étrangères, ce qui est logique, mais aussi, leurs sous-traitants étrangers, ce qui l'est beaucoup moins. Est-il réaliste de penser qu'il leur est possible d'avoir le contrôle total de toute la chaîne de leurs sous-traitants ? En supposant que oui, cela ne reviendrait-il pas à faire de ces derniers des entités sans responsabilité ni personnalité morale autonome ?
Je demeure donc dubitatif sur les moyens mis en oeuvre pour traiter un sujet qui, à l'évidence, relève de l'échelon européen.