Intervention de Patrick Kron

Réunion du 11 mars 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Patrick Kron, président-directeur général du groupe Alstom :

Je suis ce matin accompagné de Jérôme Pécresse, qui dirige nos activités liées aux énergies renouvelables et est également en charge du dossier de l'intégration : c'est l'homologue de notre côté de Mark Hutchinson, que vous auditionnerez cet après-midi et qui supervise l'intégration pour General Electric (GE). Je suis également accompagné de Denis Cochet, président d'Alstom France, et de Christine Rahard, notre directrice de la communication.

Je m'efforcerai de faire devant vous le point sur l'alliance conclue entre Alstom et General Electric dans le domaine de l'énergie. Lors de ma précédente audition par votre commission, il y a dix mois, j'affirmais que le projet proposé par GE me semblait une bonne réponse aux enjeux stratégiques auxquels nous étions confrontés, en termes de taille critique et de consolidation de nos activités. Depuis cette date, aucun élément n'est intervenu, au contraire, qui pourrait m'inciter à penser le contraire. Je rappelle ici que ce rapprochement résulte d'un processus parfaitement transparent et ouvert, puisque, à la suite de GE, Siemens, d'abord seul, puis associé à Mitsubishi, a à son tour formulé des propositions, lesquelles ont été rejetées par le conseil d'administration, qui a considéré, d'une part, qu'elles étaient impraticables et, d'autre part, qu'elles ne nous permettaient pas d'affronter les défis stratégiques auxquels nous étions confrontés.

Dans le même temps General Electric a mené avec l'État des discussions concernant les domaines dans lesquels les pouvoirs publics ont des intérêts primordiaux, à savoir les turbines nucléaires et, dans le cadre de la transition énergétique, les énergies renouvelables et les réseaux, et il a été décidé qu'Alstom et General Electric créeraient trois coentreprises dans les domaines du nucléaire, des réseaux et de l'énergie renouvelable. Dans ces trois secteurs, le partenariat entre nos deux sociétés repose, je tiens à le dire, sur des droits de gouvernance équilibrés et une large participation des cadres d'Alstom à la direction de ces futures coentreprises.

En ce qui concerne la joint venture nucléaire, elle sera en charge des activités relatives aux îlots conventionnels, ou îlots turbines, des centrales nucléaires dans le monde et des activités vapeur en France, ce qui correspond aux activités qui sont aujourd'hui celles d'Alstom dans ce secteur.

Afin de préserver les intérêts de la France dans ces domaines, l'État a négocié des droits de gouvernance particulier dans la joint venture, selon un processus spécifique, extrêmement précis et contraignant qui permettra de sécuriser la technologie Arabelle dans le domaine des turbines nucléaires, ce qui concerne à la fois la maintenance et la modernisation de notre parc nucléaire et l'exportation de la filière nucléaire française. Je confirme également qu'Alstom dispose de droits qui lui permettent, s'il le souhaite, de céder à GE sa participation dans les joint ventures, dans des conditions qui nous protègent contre les pertes en capital.

General Electric a enfin pris un certain nombre d'engagements, notamment concernant l'implantation en France de centres de décision mondiaux et la création d'emplois sur notre territoire. GE s'est également engagé à nous céder ses activités liées à la signalisation ferroviaire, ce qui permettra à Alstom de renforcer ses positions dans le domaine des infrastructures ferroviaires.

L'ensemble de ces éléments ont permis au conseil d'administration d'Alstom d'approuver à l'unanimité, le 20 juin dernier, l'offre de General Electric, telle qu'amendée dans les domaines que je viens de rappeler. Suite à cette approbation par le conseil, un accord tripartite a été signé le 21 juin entre l'État, General Electric et Alstom.

Nous travaillons depuis à la mise en oeuvre de cet accord, ce qui a d'abord impliqué l'information et la consultation des partenaires sociaux. Onze réunions ont eu lieu avec le comité européen d'entreprise, qui a rendu fin octobre 2014, après une consultation réalisée dans soixante-huit pays, un avis favorable par 15 voix pour, 7 voix contre et 12 abstentions, ce que je qualifie d'excellent résultat pour une opération de cette ampleur, par nature anxiogène.

Le 4 novembre, nous avons en conséquence signé avec General Electric l'ensemble des accords, soit l'accord principal, les accords liés aux coentreprises et les accords spécifiques avec Areva et EDF dans le domaine du nucléaire. La totalité de ces documents, qui reprennent scrupuleusement les termes de l'accord tripartite, dépasse les mile cinq cents pages, ce qui vous donne une idée de leur degré de précision.

Début novembre, l'État, saisi par General Electric au titre du décret publié en mai dernier concernant les investissements étrangers en France dans certains secteurs jugés stratégiques, a donné son accord, et nous avons convoqué une assemblée générale des actionnaires. J'ai en effet souhaité qu'une opération de cette importance ne relève pas de la seule décision du conseil d'administration, comme la loi l'autorise, mais soit soumis à aux actionnaires : le 19 décembre l'assemblée générale l'a ainsi approuvée par 99,2 % des voix, confirmant que les parties prenantes directement concernées par ce projet, en particulier nos actionnaires et nos salariés, le soutiennent, ce que corroborent les sondages internes effectués auprès de nos cadres, chez qui le taux d'adhésion est de l'ordre de 95 %.

Aujourd'hui, des instructions sont en cours dans une vingtaine de pays, à la suite de la saisine des autorités réglementaires et de la concurrence. C'est notamment le cas à Bruxelles, où la Commission européenne vient d'annoncer l'ouverture d'une « phase II », soit une enquête approfondie, qui va, hélas, rallonger la durée de l'instruction mais n'a rien de surprenant compte tenu de l'ampleur du projet. Celui-ci est donc pour l'heure suspendu à l'approbation de ces autorités, que j'espère la plus prompte possible, car l'incertitude de cette période transitoire pèse naturellement sur l'activité commerciale de l'entreprise et donc sur ses emplois.

Je terminerai par un mot sur les transports. Nous avons annoncé une perspective de retour de cash aux actionnaires comprise entre 3,5 et 4 milliards d'euros, sur les 12,35 milliards payés par GE, dont il faut défalquer 1,9 milliard d'euros de trésorerie apporté à GE dans le cadre du rachat. C'est donc un tiers du produit de la cession qui ira aux actionnaires, les deux tiers restants servant à renforcer la structure financière d'Alstom, à permettre son développement et à financer ses acquisitions.

Recentré sur le transport, Alstom pourra se prévaloir de l'un des bilans les plus solides de l'industrie. Dotée de fonds propres élevés, et totalement désendettée après réinvestissement dans les joint ventures et rachat de la signalisation, l'entreprise disposera d'une liquidité importante. Je rappelle qu'Alstom Transport fait partie des trois leaders mondiaux dans le domaine. Son carnet de commandes est plein pour les quatre à cinq prochaines années, pour un montant de 27 milliards d'euros. Elle dispose en outre d'une bonne gamme de produits que viennent renforcer les solutions qui doivent lui être cédées par GE dans le domaine de la signalisation ainsi qu'un accord de coopération ferroviaire. Elle a donc aujourd'hui tous les moyens de poursuivre son développement et sa croissance, en s'appuyant notamment sur une stratégie d'acquisitions.

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