Nous sommes face à une affaire grave, qui n'est rien moins que le dépeçage d'un de nos fleurons industriels. Refusant de dévoiler le dessous des cartes du rachat du pôle énergie Alstom par General Electric, vous niez que les menaces de poursuites judiciaires pour corruption aient pu jouer un quelconque rôle dans cette vente. Pourtant, plusieurs éléments sérieusement étayés permettent d'affirmer que cette transaction participe de la mise en oeuvre de la stratégie américaine de domination économique, d'une extrême gravité pour la souveraineté et l'indépendance de notre pays, car elle porte bien au-delà d'Alstom.
Vous dites par ailleurs que l'assemblée générale des actionnaires a approuvé le projet : certes, les actionnaires n'ont pas forcément la même conception que nous de l'intérêt général et il se sont, de surcroît, réparti 4 milliards de dividendes, cependant que vous empochiez vous-même quatre millions d'euros – ceci dit sans mise en cause personnelle. Quant aux sondages selon lesquels 95 % des salariés soutiendraient le rachat, j'en doute au vu des opinions exprimées par les différentes organisations syndicales, qui s'interrogent sur les perspectives de développement, d'investissement, d'emploi et de recherche.
Pouvez-vous par ailleurs nous apporter des éclaircissements sur le contenu de l'accord passé entre l'État, Alstom et l'actionnaire Bouygues ?
En ce qui concerne l'activité ferroviaire, le carnet de commandes d'Alstom est certes plein, du fait des projets initiés par les régions, dont plusieurs se sont regroupées entre elles, mais on sait que ces projets se heurtent aux résistances de la SNCF, pour des questions d'orientation de notre politique du rail, ce qui risque de peser sur la réalisation de ce carnet de commandes.
Enfin, en tant que président du groupe d'amitié France-Cuba, je m'inquiète des conséquences du rachat de la branche énergie d'Alstom par General Electric. En effet, Alstom assure la maintenance des centrales thermiques de Cuba et leur fournit pièces de rechange et ingénierie. Cela concerne la quasi-totalité de l'électricité de La Havane et près d'un tiers de la production énergétique de l'île. Or, le blocus américain n'étant pas encore levé, l'intégration d'Alstom à GE entraînera mécaniquement la suspension de ce partenariat, avec deux conséquences dommageables pour notre pays : d'une part, une conséquence financière, puisqu'en cas de défaillance d'Alstom, la garantie de la COFACE sera mise en jeu ; d'autre part, une conséquence commerciale, les échanges commerciaux étant interrompus dans un moment où il importe au contraire d'intensifier les relations économiques entre la France et Cuba avant que les entreprises américaines envahissent cette île dont certains d'entre nous saluent la révolution.