Monsieur le président, je vous remercie d'avoir pris l'initiative d'organiser ces auditions qui nous permettent de faire le point sur un dossier majeur. Pour ma part, j'en avais émis le souhait depuis que j'avais interrogé le ministre Emmanuel Macron lors des questions au Gouvernement.
C'est un dossier majeur que celui d'Alstom qui a fait l'objet d'un accord tripartite qualifié d'équilibré lorsqu'il nous a été présenté au mois de juin 2014 pour éviter l'absorption. Je parle bien d'un accord équilibré et non d'une alliance.
En tant que député du mouvement républicain et citoyen, je souscris à l'idée d'une commission d'enquête parlementaire sur l'ensemble de ce dossier.
S'agissant des coentreprises, l'équilibre ne correspond pas à ce qui a été dit devant la représentation nationale l'année dernière. Vos propos le confirment, ces trois coentreprises sont dominées par General Electric. Comme vous l'avez déclaré avec une certaine satisfaction que j'ai notée dans le journal L'Express : « nous sommes le consolidé et non le consolidateur ». Votre engagement et celui d'Alstom dans les coentreprises est-il durable ? Tout cela ne présage-t-il pas un désengagement total d'Alstom et la revente de ces actions dans un horizon assez court ?
Monsieur le président Kron, vous vous vantez d'avoir recueilli l'assentiment du comité central d'entreprise au niveau européen, d'avoir consulté – management, salariés, syndicats. Finalement, seuls les affreux politiques que nous sommes vous ont donné quelques difficultés à cause de la fuite de Bloomberg ! Versez-vous un dividende exceptionnel à vos actionnaires pour l'accompagner ? Vous-même, vous vous préparez à toucher un bonus de 4 millions d'euros. Vous le justifiez par un chimérique marché international où l'offre rencontrerait la demande.
Beaucoup de choses ont évolué depuis le mois de juin. Au regard des distributions de dividendes aux actionnaires, quel sera le montant du produit de la cession opérée qui sera réinvesti dans Alstom Transport ?
Comme je le disais, les choses ont évolué. Je pense à l'ardoise judiciaire aux États-Unis, à la valorisation de la marque Alstom. Toutefois, la dimension financière n'a pas évolué. Tout est négociable, à l'exception de la part des actionnaires et de la voracité intéressée du haut management. Est-ce, selon vous, un bon résumé de l'état du capitalisme financiarisé ?
Vous aimez dire que vous avez fait le boulot. Mais ne pensez-vous pas qu'une réforme de la gouvernance d'entreprise aiderait à avoir une vision plus large de l'entreprise, de l'intérêt de l'entreprise en rapprochant par exemple shareholders et stakeholders ?
Nous avons un point commun : nous sommes des amis de l'atome. À l'occasion des difficultés d'Areva, beaucoup ont utilisé l'expression « équipe de France du nucléaire ». Il faut savoir ne pas abuser de cette expression parce que la métaphore sportive peut renvoyer à de bonnes et mauvaises périodes, à 1998 ou à 2010. N'avez-vous pas le sentiment que « l'équipe de France du nucléaire » avant même sa réformation vient de céder au mercato un de ses meilleurs joueurs ?
Vous êtes un ami de l'atome, mais nous divergeons assez vite puisque vous semblez considérer le nucléaire comme un business comme les autres, un marché avec des acteurs privés et un État régulateur. Vous êtes patron d'Alstom depuis 2003. N'est-ce pas une vision un peu naïve d'un secteur où se croisent des intérêts d'État – et non de complot – puissants, que ce soit dans le nucléaire civil, le nucléaire que je qualifierai de religieux, des rapports de force diplomatiques et géopolitiques propres aux questions énergétiques ?
Au fond, ce que j'aime dans la métaphore « équipe de France du nucléaire », c'est l'idée qu'au-dessus des joueurs il y a un intérêt supérieur souverain, celui de la France. L'opération de 2014 semble conduite par un principe contraire : tout pour l'actionnaire. Pensez-vous qu'Alstom fasse encore partie d'une « équipe de France du nucléaire » et puisse encore en faire partie dans le très court terme ?