Intervention de Geneviève Gaillard

Séance en hémicycle du 16 mars 2015 à 21h45
Biodiversité — Après l'article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Cet amendement qui me semble important a été accepté par la commission.

La multiplication des nouveaux brevets portant sur des « séquences génétiques », des « unités fonctionnelles d’hérédité » ou des « traits » naturellement présents dans des plantes cultivées, des animaux d’élevage ou des espèces sauvages apparentées constitue une immense menace pour la biodiversité et pour l’innovation indispensable à son renouvellement. Dès qu’un tel brevet est déposé, les sélectionneurs ou les agriculteurs qui conservent et renouvellent cette biodiversité en la valorisant sont obligés de cesser leur activité ou de négocier des droits de licence élevés pour pouvoir la poursuivre.

C’est ainsi qu’un sélectionneur français s’est vu contraint de négocier un droit de licence avec le détenteur d’un nouveau brevet portant sur la résistance naturelle de salades à des pucerons pour pouvoir continuer à vendre les semences de variétés qu’il avait lui-même sélectionnées et qu’il commercialisait depuis plusieurs années lors du dépôt de ce brevet.

Ces brevets sur les traits natifs sont le résultat de progrès récents des outils de séquençage génétique, lesquels, je le souligne, n’existaient pas lorsque l’actuel code de la propriété intellectuelle a été rédigé. Il conviendrait donc d’adapter ce dernier à cette nouvelle réalité afin d’éviter les abus de brevet et de permettre à nos agriculteurs de travailler dans de bonnes conditions lorsque des traits naissants sont présents dans leurs élevages ou leurs cultures. Dans une résolution du 14 janvier 2014, le Sénat a réaffirmé « que devraient être exclus de la brevetabilité les plantes issues de procédés essentiellement biologiques et les gènes natifs ». M. le ministre Stéphane Le Foll a lui-même indiqué, lors du colloque sur la propriété intellectuelle organisé le 29 avril 2014 par le Haut conseil des biotechnologies, que de tels brevets ne sont pas admissibles. Or seule la loi issue du débat parlementaire public, et non une ordonnance, peut modifier le code de la propriété intellectuelle sur une question aussi importante.

Certes, le code de la propriété intellectuelle français ne s’applique qu’aux brevets français et non aux brevets européens qui couvrent de nombreux produits ou matières biologiques commercialisés ou utilisés sur le territoire français. Sa modification n’en est pas moins essentielle pour faire évoluer un cadre européen incapable de sortir des blocages procéduriers d’un Office européen des brevets dont les décisions s’éloignent de plus en plus de la volonté du législateur. L’introduction, en 2004, à l’article L. 613-5-3 du code de la propriété intellectuelle français relatif au brevet, de l’exception de recherche et de sélection « en vue de créer ou de découvrir et de développer d’autres variétés végétales » a en effet été une étape déterminante conduisant à l’introduction de la même exception dans le brevet unitaire européen en 2014.

Cet amendement, adopté par la commission, serait très utile pour les éleveurs et les maraîchers qui ont eu la chance de sélectionner ou de mettre en avant des « traits naissants » mais ne peuvent plus les utiliser dès lors qu’un brevet a été déposé – par exemple, par une grande entreprise –, les contraignant ainsi à racheter les semences.

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