Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Séance en hémicycle du 16 mars 2015 à 21h45
Biodiversité — Après l'article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain :

Madame la ministre, madame la rapporteure, c’est une question essentielle qui est soulevée ici. S’agissant des nouvelles technologies permises par la génomique, on se trouve face à deux modèles. La tradition française s’articule en particulier autour des semences, notamment des semences phanérogames et, plus généralement, celles appartenant aux grandes espèces actuelles. On part là d’un objet entier – la semence –, donc de l’ensemble du patrimoine génétique. À côté de cela, il y a tout ce que l’on fait au moyen d’éléments plus simples, de nature microbiologique, tels les levures, qui conduisent à des procédés de génie génétique extrêmement sophistiqués. On ne peut pas introduire dans le même texte des dispositions qui concerneraient ces deux modèles. En effet, entre les levures et le blé, il y a un océan biologique. Toutefois, je remercie Mme la rapporteure d’avoir introduit ce débat ; au moins, il est sur la table.

En France, il existe, s’agissant des grandes espèces, ce que l’on appelle le « catalogue », qui certifie les semences proposées à la vente, de manière à garantir à l’agriculteur qui va les acheter – et qui peut, pour partie, les reproduire sur son champ – qu’il s’agit de quelque chose de solide, de certifié, de sécurisé, dont on sait ce qu’il produira. En ce qui concerne le brevet, il y a une tendance actuelle, au niveau européen, menée par l’Office européen des brevets, à breveter les gènes natifs pour toutes les catégories de vivant. Cela pose un problème car cela ouvre les portes, sur le plan économique, à des systèmes multinationaux, voire planétaires, alors que la tradition française et européenne consiste à adapter les semences et tout le matériel biologique – qui débouchera, in fine, sur les produits de notre alimentation – à des situations particulières en termes de sols, de climats, de traditions et de goûts alimentaires. C’est vrai aussi pour l’ensemble du monde.

Il s’agit d’un sujet délicat – on y reviendra à propos des articles 9 et 18. La question posée est tout à fait pertinente, car elle nous interroge sur la situation de la France en Europe, et sur celle de l’Europe dans le monde. Devons-nous abolir nos traditions ? En matière de brevets, de gènes et de séquences, devons-nous basculer d’un modèle à l’autre et passer d’un système collectif, partenarial, de propriété du vivant, à un système individuel ? L’objet entier, la séquence génétique : voilà un sujet de société.

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