Je suis heureux de présenter au Parlement ce rapport de 2012 sur les exportations d'armement, qui est désormais public. Je tenais à le faire moi-même pour que la transparence soit la plus grande possible. Cette transparence correspond d'ailleurs à un engagement que le Président de la République avait pris dans son discours du 11 mars 2012. Notre politique d'exportations doit pouvoir faire l'objet d'un dialogue continu avec la représentation nationale. Celui-ci, aujourd'hui public, a vocation à se poursuivre au cours de l'année, sous une forme éventuellement plus confidentielle.
La politique d'exportation d'armement est une politique de l'ensemble du Gouvernement. Le ministère de la défense, du fait de ses compétences techniques, de son rôle vis-à-vis des industries de défense, de la place qu'il occupe dans le dialogue avec nos principaux partenaires étrangers sur les grandes questions stratégiques, joue bien évidemment un rôle tout particulier dans ce dispositif.
J'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises ces derniers mois que le premier impératif qui s'est imposé à moi a été de remettre de la cohérence dans cette politique, en redéfinissant, notamment, le rôle de chacun et en accordant une attention prioritaire au dialogue politique et stratégique d'État à État pour encadrer, accompagner et soutenir nos exportations.
Cette répartition des rôles doit intervenir à chaque étape de nos projets d'exportation.
La première d'entre elles, essentielle, est celle du contrôle. Davantage qu'une étape initiale, c'est même un préalable. Cela peut sembler une évidence, mais il faut le rappeler tant la précipitation ou l'urgence peut parfois conduire à brouiller les lignes entre l'impératif du contrôle et celui de la promotion de nos exportations dans le domaine de la défense.
Ce contrôle doit être rigoureux. Il doit notamment permettre de garantir que chaque exportation autorisée le soit dans le plein respect de l'ensemble de nos obligations internationales. Il doit également assurer qu'elle ne puisse déboucher sur des atteintes aux droits de l'homme, ni sur le risque de déstabilisation d'un pays ou d'une région. Il doit enfin garantir que rien de ce que nous exportons ne puisse constituer à l'avenir une menace se retournant contre nos propres forces ou celles de nos alliés.
La prise en compte de l'ensemble de ces impératifs nécessite l'implication d'un nombre significatif d'agents et de services du ministère de la défense : au sein de la direction générale de l'armement (DGA), lorsque l'analyse technique de certains équipements est nécessaire, ou de l'état-major des armées, qui peut juger de l'impact des projets d'exportation sur nos forces. Je souhaite ici saluer le travail rigoureux, méticuleux et peu connu de l'ensemble de ces fonctionnaires, qui permet le bon déroulement des procédures de contrôle centrées autour de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG).
La deuxième étape est celle du soutien. C'est seulement une fois qu'un projet d'exportation a été autorisé dans le cadre de cette instruction interministérielle rigoureuse, placée sous l'égide du Premier ministre, que l'État peut, à différents niveaux, soutenir les projets d'exportation de nos industriels. Non seulement il peut, mais il doit le faire, dès lors que ces projets ont été dûment examinés et validés.
Il est en effet dans l'intérêt de notre pays que ces entreprises du secteur de la défense soient performantes à l'exportation. Le chiffre d'affaires et l'activité qui découlent de nos exportations alimentent le plan de charge de nos entreprises : ils permettent de maintenir des compétences techniques et d'en développer de nouvelles, sachant que celles-ci peuvent de moins en moins reposer sur la seule commande publique, du fait du contexte budgétaire que vous avez rappelé. L'enjeu pour le Gouvernement est donc de conserver et de développer une base technologique, qui est la condition du maintien en France d'emplois souvent hautement qualifiés. Vous savez combien ces compétences ont souvent un impact direct sur notre compétitivité générale, bien au-delà du seul secteur de la défense.
Enfin, le geste d'exporter est une condition pour conserver notre autonomie stratégique. Le maintien en France d'une industrie de défense robuste conditionne dans une très grande mesure notre capacité, celle de l'État, à orienter les choix futurs de cette industrie et donc permettre l'adéquation de ceux-ci avec les besoins de nos forces. Si nous voulons continuer, à l'avenir, d'équiper ces dernières avec les successeurs de systèmes aussi performants que l'avion Rafale, les frégates FREMM ou nos armements terrestres comme le VBCI, il est important que les entreprises qui les produisent puissent trouver des débouchés à l'exportation, dès l'instant où le contrôle a été bien effectué.
Je tiens à préciser ici le rôle que j'entends jouer, dans la clarté, pour soutenir nos entreprises.
Si les autorités politiques ou un ministre s'immiscent dans les détails d'une négociation commerciale, il y a confusion des genres. Mais l'État est dans son rôle lorsqu'il agit pour encadrer, garantir et arbitrer. Encadrer, parce qu'il contrôle et insère l'exportation dans un ensemble de relations profondément politiques. Garantir, car il faut démontrer au pays acheteur que le geste de l'exportation fait partie d'une politique publique dont l'État vendeur assume les conséquences vis-à-vis de l'État acheteur. Arbitrer entre des intérêts divergents, lorsqu'il y en a, dans la mesure où il lui revient de veiller à l'intérêt général du pays. Ainsi, des exportations aussi sensibles que les exportations d'armement, parce qu'elles engagent bien souvent sur une durée longue, parfois de plusieurs décennies, ne peuvent reposer que sur une relation étroite de confiance.
En tant que ministre de la défense, j'ai pour mission de m'assurer que les relations politiques avec nos principaux partenaires stratégiques créent un terrain propice à la réussite de nos entreprises. C'est ce que j'ai fait aux Émirats Arabes Unis en octobre dernier ou au Brésil au mois de novembre ; c'est aussi ce que je ferai prochainement en Arabie saoudite et en Inde.
Cette notion de partenariat stratégique n'est pas un terme général, mais une réalité très concrète, que le ministère de la défense est en grande partie chargé de faire vivre. Nos partenaires stratégiques – sans être des alliés comme peuvent l'être des pays de l'Union européenne ou de l'OTAN – sont pour l'essentiel des États avec lesquels nous partageons une communauté de vues sur le contexte stratégique international, bien souvent même une communauté de valeurs – comme c'est le cas avec ces deux grandes démocraties que sont le Brésil ou l'Inde –, ainsi qu'une communauté d'intérêts. Cela justifie que nous ayons avec eux une relation qui se rapproche de celle que nous avons avec nos principaux alliés.
Cela peut se traduire par la décision d'autoriser des transferts de technologie plus importants qu'avec d'autres, des échanges plus poussés dans le domaine de la formation ou pour les exercices opérationnels, ou bien l'instauration de relations plus étroites dans des domaines sensibles comme le renseignement ou la maîtrise de risques tels que la prolifération nucléaire, les cyberattaques ou le terrorisme. C'est souvent sur la base de ces relations étroites que pourront se bâtir nos plus importants succès à l'export.
Au-delà des très grands contrats, qui concernent nos partenaires étrangers les plus importants, je veux également insister sur les PME, qui doivent avoir toute leur place et tout le soutien de l'État pour se développer à l'international. Je veux pour cela qu'elles puissent bénéficier des aides qui sont généralement accordées aux grands groupes, car les démarches commerciales sont souvent très longues et d'autant plus difficiles à soutenir pour des structures plus petites. Je présenterai dans quelques jours à cet effet, comme je l'avais annoncé à la Commission de la défense, un plan stratégique pour les PME de défense – qui sont au nombre de 4 000.
Enfin, je voudrais vous présenter quelques-unes de mes principales priorités pour l'année 2013.
Pour ce qui est de notre dispositif de contrôle, je souhaite que nous puissions continuer à travailler ensemble à son renforcement.
Cela concerne directement les assemblées parlementaires puisque, comme s'y est engagé le Président de la République, j'entends vous proposer de reprendre très prochainement la discussion, interrompue depuis trop longtemps, sur les deux projets de loi importants que vous avez évoqués.
Le premier vise à pénaliser la violation des embargos, notamment ceux mis en place par l'Union européenne et l'ONU. De manière croissante, ces dernières années, les organisations internationales ont adopté des mesures restrictives visant des États dont le comportement pouvait menacer la stabilité et la sécurité internationales – l'Iran ou la Syrie par exemple. Or il est important que nous envoyions, comme d'ailleurs le Conseil de Sécurité de l'ONU nous y invite, le signal de notre plus grande détermination à lutter contre ceux qui entendent contourner ces mesures.
Le second projet vise à renforcer l'encadrement des activités d'intermédiation, notamment pour assurer que celles menées par des ressortissants français à l'étranger soient couvertes par nos dispositifs de contrôle et d'autorisation.
Par ailleurs, je souhaite que l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui se renouvelle beaucoup plus tôt l'année prochaine, dans la mesure où il est un peu surréaliste de faire le point au mois de novembre sur nos exportations de l'année précédente. J'ai donc l'intention de vous présenter au cours du premier semestre 2013 le bilan de l'année 2012.
Je souhaite aussi organiser avec les ONG, les représentants des industriels et les think tanks un dialogue fructueux sur les données statistiques du rapport, qui nous permettra d'être plus précis – sachant que la France est dans ce domaine l'un des pays européens qui informe le plus la représentation nationale.
L'année 2013 verra aussi, l'été prochain, entrer en vigueur un nouveau dispositif pérenne de contrôle, avec la mise en place d'une licence unique qui se substituera à l'agrément préalable (AP) et à l'AEMG. Le traitement des dossiers sera également simplifié, en particulier pour les moins sensibles, avec un examen plus rapide, en flux continu.
Ces novations seront adossées à un nouveau système d'information pour la gestion administrative des licences d'exportation, appelé SIGALE, qui assurera une dématérialisation complète des procédures.
L'ensemble de ces mesures permettra un contrôle plus efficace, plus ou moins approfondi selon le caractère plus ou moins sensible des exportations, et un processus plus rapide pour ceux qui auront l'autorisation d'exporter.
L'an prochain, je souhaite également que nous puissions rationaliser et clarifier le régime du double usage. Ce travail devra être conduit en concertation avec les autres ministères concernés, notamment celui chargé du redressement productif, avec lequel nous avons un dialogue fructueux.
La rigueur que nous nous imposons au plan national pour le contrôle de nos exportations d'armement doit également nous conduire à rechercher, sur le plan international, un consensus pour qu'un nombre croissant d'États applique les normes les plus exigeantes.
Nous ne sommes pas parvenus, cet été, malgré le plein engagement de la France, à faire émerger un consensus international sur le Traité sur le commerce des armes (TCA). Mais nous n'abandonnons pas ce sujet et nous nous félicitons que la commission compétente de l'Assemblée générale des Nations unies vienne de confirmer la reprise de la négociation au printemps prochain, sur la base du texte négocié en juillet dernier grâce au soutien d'un nombre important de pays. Nous continuerons à oeuvrer pour qu'un dispositif à la fois consensuel et robuste soit adopté.
Dans le cadre de cette politique de contrôle, je continuerai également à défendre en 2013 les intérêts de nos industriels dans l'esprit que je viens de décrire.
Je continuerai en particulier de travailler au renforcement de nos relations et de notre partenariat stratégiques avec des pays comme l'Inde, le Brésil, les Émirats Arabes Unis, le Qatar ou l'Arabie Saoudite. En Inde, nous attendons l'aboutissement de la négociation d'un contrat d'une importance considérable – portant sur 126 avions Rafale –, pour lequel Dassault Aviation est en négociation exclusive depuis plusieurs mois avec les représentants de ce pays, à l'issue d'un processus de sélection rigoureux qui a démontré une nouvelle fois les qualités techniques de ces appareils. Je souhaite que ce contrat soit signé en 2013, marquant ainsi le caractère exceptionnel du partenariat stratégique qui nous lie à l'Inde depuis 1998.
Le 02/12/2012 à 23:42, chb17 a dit :
Monsieur le Ministre évoque "des États dont le comportement pouvait menacer la stabilité et la sécurité internationales". Penserait-il aussi à des menaces circonstanciées émises contre l'Iran ? Aux drones qui pratiquent les assassinats extra judiciaires ? Ou seulement aux ennemis de l'Otan ?
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