Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 27 novembre 2012 à 17h00
Commission des affaires économiques

Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

Je voudrais vous exposer d'abord le contenu des politiques publiques que le Gouvernement compte mettre en oeuvre dans le champ de l'économie sociale et solidaire, l'ESS, notamment le projet de loi-cadre relatif à l'économie sociale et solidaire en cours de préparation. Je vous présenterai ensuite dans ses grandes lignes le futur projet de loi relatif à la consommation : celui-ci doit être soumis au conseil des ministres aux alentours de février, pour un examen par le Parlement au cours du premier semestre de 2013.

La politique du Gouvernement dans le domaine de l'ESS, qui ne se résume pas au futur projet de loi-cadre, vise pour l'essentiel trois objectifs : la reconnaissance de l'ESS ; la structuration du champ de l'ESS ; enfin le développement de l'ESS.

La reconnaissance de l'ESS passera essentiellement par le futur projet de loi. Celui-ci proposera une définition du périmètre de l'ESS – elle n'est pas la même pour les acteurs historiques de l'ESS, et les « modernes » de l'entrepreneuriat social – et consacrera sur le plan légal ses principes fondateurs : gestion désintéressée, gouvernance démocratique, redistribution des profits, non-lucrativité.

Le Gouvernement a par ailleurs la volonté de créer un agrément d'entreprise sociale et solidaire, afin que le banquier public, le banquier privé ou la collectivité locale ou le service de l'État donneur d'ordre puissent identifier l'entreprise sociale et solidaire. Cette identification est notamment nécessaire pour le financement de l'ESS par la Banque publique d'investissement – 500 millions d'euros doivent être mobilisés en ce sens -, ainsi que, conformément à la future loi bancaire, par les crédits décentralisés de l'épargne réglementée. En outre, bon nombre d'acteurs de l'ESS et de l'insertion par l'activité économique souhaitent que la commande publique profite davantage à l'ESS, dans le droit fil de la circulaire Fillon relative à l'État exemplaire : alors que celle-ci avait fixé pour objectif que 10 % des marchés publics intègrent des clauses sociales ou des clauses d'insertion, nous en sommes à 1,3 %. Encore faut-il, pour atteindre cet objectif, que le banquier public, le banquier privé, le donneur d'ordre, qu'il s'agisse d'une collectivité locale ou d'un service de l'État, puisse identifier l'entreprise sociale et solidaire.

Le texte définira en particulier la non-lucrativité, qui est interprétée de façon très différente selon les interlocuteurs. Pour moi, un établissement non lucratif n'est pas un établissement qui perd de l'argent ou qui ne fait pas de profit : c'est un établissement qui réinjecte l'intégralité de ses profits, soit sous la forme d'une rémunération des sociétaires, soit sous la forme de fonds propres. En revanche, il n'y pas de rémunération du propriétaire en capital ou de l'investisseur.

Le Gouvernement s'attellera par ailleurs à la structuration de l'ESS, actuellement dispersée. Ce secteur regroupe en effet des acteurs très différents : associations, mutuelles, coopératives, fondations –À ce propos, un débat est actuellement en cours avec le ministère du budget sur l'extension du crédit d'impôt compétitivité emploi aux établissements privés non lucratifs qui ne paient pas l'impôt sur les sociétés mais la taxe sur les salaires afin d'éviter toute forme de concurrence déloyale.

Avec Mme Lebranchu, nous travaillons à formaliser le principe d'une contractualisation des engagements, qu'il s'agisse de ceux des collectivités territoriales ou de l'État, avec les acteurs de l'ESS, afin d'identifier les filières – services à la personne, secteur privé non lucratif dans le domaine sanitaire et social ou médico-social, économie verte, recyclage, etc. – où pourront se construire des stratégies pluriannuelles de développement de l'ESS. Nous voulons que la loi reconnaisse les prérogatives de nos interlocuteurs institutionnels, Chambres régionales de l'économie sociale et solidaire ou Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire, afin de leur permettre d'agir de façon beaucoup plus efficace et utile et d'être des interlocuteurs solides de l'État, des collectivités locales et des acteurs de l'ESS eux-mêmes.

Notre troisième objectif est de développer l'économie sociale et solidaire, via notamment la Banque publique d'investissement et les nouveaux crédits décentralisés de l'épargne réglementée. Nous comptons surtout muscler considérablement les instruments à disposition de nos concitoyens pour développer ce secteur en particulier celui des coopératives. Nous créerons ainsi un nouveau statut de la société coopérative et participative, la SCOP, afin de favoriser la reprise d'entreprises par leurs salariés. Alors que des initiatives de plus en plus nombreuses se manifestent en ce sens, cette reprise est aujourd'hui un véritable parcours du combattant. C'est que les SCOP souffrent d'a priori très défavorables dans le monde judiciaire ou celui des décideurs économiques ou politiques, qui les taxent notamment d'archaïsme, alors qu'elles sont présentes dans tous les secteurs de notre économie, jusqu'aux plus concurrentiels. Nous voulons notamment diminuer la prise de risque de salariés qui souhaitent reprendre leur entreprise, en dissociant pendant une période transitoire – qui pourrait aller de cinq à dix ans – majorité au capital et majorité des droits de vote, afin de laisser aux salariés le temps de devenir majoritaires au capital. Je vous rappelle que 50 000 à 200 000 emplois disparaîtraient chaque année faute de repreneur d'entreprises en bonne santé.

Nous comptons également mettre en place un droit préférentiel de rachat de leur entreprise par les salariés. Il s'agit, non pas d'exclure toute autre offre de reprise, mais de laisser aux salariés le temps suffisant pour constituer leur offre sans mettre en danger la viabilité de l'entreprise.

Nous souhaitons par ailleurs créer un statut de coopérative d'habitants et améliorer le statut des coopératives d'activités et d'emploi, les CAE. En bref, nous voulons diffuser le modèle coopératif, en lien avec les grands acteurs du monde coopératif, notamment avec les coopératives agricoles ou celles de la distribution.

Certaines dispositions de ce texte modifieront le code de la mutualité. Nous envisageons ainsi, sans que cette proposition ait encore été arbitrée, de créer un certificat mutualiste, instrument de financement qui permettrait aux mutuelles de lever des fonds propres sans être assorti d'un droit de vote.

Je précise enfin que cette loi hébergera également des dispositions relatives au financement de la vie associative et à sa sécurisation, que nous élaborons actuellement avec le ministère de Mme Fourneyron.

Tels sont les axes autour desquels ce projet de loi s'organisera. Il ne s'agit pas de rendre hommage à l'ESS, mais de fabriquer la loi que les acteurs du secteur attendaient.

Le projet de loi « Consommation » est également très attendu. Il comptera un certain nombre de « plats de résistance » : l'action de groupe, l'encadrement du crédit à la consommation, notamment du crédit renouvelable, le renforcement des moyens de la DGCCRF, enfin l'extension des indications géographiques protégées.

Les gouvernements de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy avaient envisagé de mettre en place l'action de groupe, sans jamais y parvenir. Conformément à l'engagement de François Hollande, nous souhaitons autoriser une telle procédure en cas de préjudice économique, à l'exclusion du champ de l'environnement ou de la santé. Je suis pour cette raison favorable à ce que ce dispositif figure dans le code de la consommation. L'objectif est de doter les consommateurs d'une voie de recours ex post afin qu'ils puissent obtenir réparation de préjudices éventuels dans le cadre de contentieux de masse. Si ce dispositif, très attendu par le mouvement consumériste, ne suscite pas l'enthousiasme du MEDEF ou de l'AFEP, il me semble que tout le monde reconnaît aujourd'hui la nécessité de sa création. Reste à discuter des modalités de la procédure : qui pourra porter une telle action ? Quels filtres seront installés ? Comment sera assurée la participation des plaignants ? Je suis évidemment disposé à débattre avec vous de tous ces points.

En matière d'encadrement du crédit renouvelable, la loi Lagarde a eu des effets positifs, mais il faut aller plus loin. Aujourd'hui, en effet, selon les observations de la DGCCRF, les forces de vente proposent un crédit renouvelable dans neuf cas sur dix, alors que la loi dispose que le consommateur doit avoir le choix entre crédit renouvelable et crédit amortissable. Nous souhaitons qu'au-delà de 1 000 euros l'existence d'une offre de crédit alternative soit garantie. Cela passe par une meilleure formation des forces de vente et le renforcement de la capacité de la DGCCRF de faire respecter la loi par les établissements de crédit.

La question essentielle est celle de la création d'un registre national du crédit, ou « fichier positif ». La proposition de loi des députés de l'UDI visant à la création d'un tel fichier positif, qui a été rejetée la semaine dernière, était à mon avis prématurée. Avant de vous faire une telle proposition, j'ai saisi la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, de la question de savoir si la création d'un tel fichier posait un problème de conformité avec les libertés publiques. Il faudra également évaluer le coût de la mise en place de ce registre – les estimations varient de 40 millions à 500 millions d'euros. Il conviendra également de déterminer l'identifiant à partir duquel ce registre serait constitué et les informations qui y figureraient.

Cet instrument, dont beaucoup de pays européens disposent déjà, n'éliminera certes pas le surendettement ; en revanche, il responsabilisera davantage les prêteurs.

Le projet de loi proposera par ailleurs de doter la DGCCRF des moyens de mieux exécuter sa mission. Ses agents pourront ainsi enquêter sous le masque du « client mystère », alors qu'ils sont aujourd'hui obligés de décliner leur qualité. Nous proposerons également d'élargir la palette des sanctions administratives à leur disposition. Je rappelle en outre que nous avons maintenu en loi de finances les effectifs de la DGCCRF dans les départements, alors que la RGPP avait provoqué leur réduction drastique. La réforme de l'administration territoriale de l'État, la RéAT, n'avait pas non plus facilité l'organisation des services sur le territoire.

L'extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés est également envisagée, dans le sillage de l'affaire Laguiole. Nous réfléchissons actuellement avec la DGCCRF aux conditions de dépôt d'une demande d'IGP pour des produits manufacturés : il s'agit de déterminer le lien entre les qualités de fabrication d'un produit et un territoire. Il faut savoir que l'instruction de ce dossier fera peser des charges importantes sur le budget de la DGCCRF.

Enfin le projet de loi « Consommation » tendra à renforcer la lutte contre les clauses contractuelles abusives, en précisant les conditions dans lesquelles une clause abusive supprimée d'un contrat le sera également de tous les contrats identiques conclus par des consommateurs avec le professionnel concerné.

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