Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 27 novembre 2012 à 17h00
Commission des affaires économiques

Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

Nous connaissons les dérives de l'action de groupe à l'américaine, qui enrichit davantage les cabinets d'avocats qu'elle ne répare le préjudice du consommateur. C'est pour parer à ces dérives que nous voulons mettre en place un certain nombre de filtres. Nous proposerons ainsi au Parlement que ce soit principalement les associations de consommateurs agréées qui aient la capacité de porter l'action et qu'il revienne au juge de décider de sa recevabilité. L'agrégation des consommateurs à la procédure devrait à mes yeux obéir à une logique d'opt in plutôt que d'opt out, qui considère a priori tout consommateur lésé comme partie prenante de la procédure. L'objectif n'est pas de multiplier les procédures, mais de mettre en place un instrument de régulation ex post qui incite à la médiation.

Selon le MEDEF, l'action de groupe risquerait de favoriser un recul du PIB. Or le Centre d'analyse économique a mis en évidence qu'aux États-Unis l'action de groupe a provoqué un transfert de points de PIB des entreprises vers les consommateurs. Nous veillerons à ce que le dispositif ne puisse pas être détourné de sa finalité, qui est de protéger le consommateur, pour attenter à la réputation d'une entreprise.

S'agissant de la création d'un registre national du crédit, la doctrine du Gouvernement n'est pas encore complètement arrêtée. En tout état de cause il n'y a pas de comparaison possible avec la situation en Belgique. En France 78 % des dossiers de surendettement déposés à la Banque de France comprennent huit crédits à la consommation, et 50 % plus de dix. On peut toujours prétendre que ce n'est pas le crédit qui est responsable du surendettement ; il est indéniable cependant que la souscription d'un crédit renouvelable est excessivement facile dans notre pays. Par ailleurs, les grands opérateurs du crédit disposent déjà de fichiers leur permettant d'estimer la solvabilité de leurs clients.

L'arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile a rendu en partie obsolètes les dispositions de la loi Lefebvre relatives aux abonnements de téléphonie mobile, notamment en suscitant la multiplication des offres sans durée d'engagement.

S'agissant des dispositions relatives au logement, je suis en train de débattre avec ma collègue Cécile Duflot de l'opportunité de les insérer dans le projet de loi « Consommation » ou dans un projet qu'elle présentera.

En ce qui concerne le commerce électronique, le texte transposera la directive européenne traitant de toutes les questions relevant de la vente à distance. Il s'agit d'une directive d'harmonisation maximale créant un level playing field dans toute l'Union européenne, ce qui permettra une meilleure protection du consommateur.

La nomination du nouveau président de la Commission d'examen des pratiques commerciales, la CEPC, doit intervenir dans les jours qui viennent.

Nous comptons renforcer la lutte contre les clauses contractuelles abusives en donnant à la DGCCRF les moyens, quand une clause abusive est identifiée dans un contrat, de demander au juge d'ordonner la suppression de cette clause dans tous les contrats de même nature.

Le diagnostic posé par le rapport Chalmin sur les marges des distributeurs me confirme dans la conviction qu'il ne faut pas bouleverser les équilibres de la LME. En revanche, il faut la faire appliquer dans toutes ses dispositions, notamment celles qui permettent aux fournisseurs de la grande distribution qui auraient subi un préjudice d'obtenir réparation. Je comprends bien que la hausse du coût des matières premières réduit les marges des producteurs, ce qui les conduit à vouloir qu'elle soit répercutée sur les prix pratiqués par la grande distribution, mais je me refuse à ce que seul le consommateur paie la facture d'un aménagement de la LME. Comme j'ai eu l'occasion de le rappeler lors de la table ronde, si certains acteurs du monde agricole souffrent de la hausse du prix des matières premières, d'autres en profitent. Il faudrait sans doute réfléchir à la mise en oeuvre de mécanismes de transfert à l'intérieur du monde agricole, afin d'éviter que la grande distribution et ses fournisseurs ne s'entendent pour reporter la charge supplémentaire sur le dos de celui qui se trouve en bout de chaîne, à savoir le consommateur.

Le tourisme social entre évidemment dans le périmètre de mon ministère, monsieur Chassaigne, puisque, comme l'a souligné M. le Président, celui-ci est un ministère économique qui s'intéresse aux conditions de financement et de création d'emplois de toute structure de l'économie sociale et solidaire oeuvrant dans le secteur concurrentiel et susceptible de faire appel à des instruments de financement, publics ou privés, de l'économie.

À ce titre, nous nous intéressons aux besoins du tourisme social, comme nous nous intéressons plus généralement aux conditions de financement de l'ensemble des acteurs de l'ESS, monsieur Giraud. Le problème, c'est que ces conditions, par exemple la fiscalité, diffèrent en fonction du statut de l'établissement, SCOP, coopérative agricole, mutuelle, association ou fondation. C'est pourquoi nous nous attacherons à renforcer les capacités de financement de chacune de ces catégories. Dès la mission de préfiguration de la BPI, j'ai exprimé le souhait que plus aucune structure de l'ESS ne soit privée d'accès au financement public en raison de son statut, comme c'est le cas aujourd'hui : OSÉO a refusé de financer des SCOP exclusivement en fonction de leur statut juridique. Même de grands acteurs associatifs ou mutualistes de l'innovation sociale peinent à trouver des partenaires pour financer leur développement en raison d'un manque d'acculturation chez un certain nombre de financeurs publics de la réalité de l'ESS. C'est pourquoi nous voulons construire un instrument garantissant à tous un égal accès aux financements. Certes, la Caisse des dépôts et consignations gère des dispositifs de financement plus favorables à l'ESS, notamment dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, le PIA. Il reste cependant à inventer un instrument permettant à tous les acteurs de l'ESS de trouver dans la BPI et la CDC des partenaires capables de répondre aux besoins spécifiques du monde associatif, coopératif ou mutualiste. C'est la raison pour laquelle, si je suis satisfait par principe de l'affichage de 500 millions d'euros en faveur de l'ESS, ce sont surtout la définition de la doctrine d'intervention de la BPI et son fonctionnement concret qui m'importent, car c'est là que se jouera l'avenir du financement de l'ESS. Je rappelle que le Président de la République s'est engagé à ce que neuf dossiers de financement de PME sur dix, qu'elles relèvent de l'économie classique ou de l'ESS, soient instruits localement.

À mes yeux, la labellisation ou l'agrément concernera des PME de l'économie sociale et solidaire plutôt que des banques coopératives : celles-ci seront reconnues par la loi comme concourant au développement de l'ESS. Si votre question revient à me demander si toutes les filiales du réseau du Crédit agricole ou de la BPCE relèvent du champ de l'ESS, je vous réponds par la négative : beaucoup n'en relèvent pas. J'observe cependant que ces banques coopératives ont pu surmonter leurs difficultés parfois liées à des comportements peu vertueux grâce à la solidité de leurs caisses régionales.

J'entends proposer une définition inclusive de l'ESS qui n'exclut personne a priori. Cependant la labellisation vise avant tout à permettre à une entreprise d'insertion par l'économique, à une SCOP ou encore à une association d'avoir accès aux financements et à la commande publics.

Avant d'évaluer ce qu'il faudrait ou non modifier dans le code des marchés publics, je préfère que les pouvoirs publics aient la volonté de faire mieux avec les outils existants. Il y a aujourd'hui la volonté politique de donner plus de place aux clauses sociales et aux clauses d'insertion dans les appels d'offre des services de l'État.

En ce qui concerne le financement, je vous rappelle que la loi de finances pour 2013 augmente d'ores et déjà de 10 millions d'euros le financement de l'insertion par l'activité économique. En 2013, une fois que nous connaîtrons les conclusions du rapport conjoint que nous avons, avec Michel Sapin, commandé à l'inspection générale des affaires sociales et à l'inspection générale des finances sur le financement de l'insertion par l'activité économique, nous ferons des propositions en la matière. Celles-ci porteront notamment sur l'aide au poste dont le montant actuel est depuis longtemps jugé insuffisant par les entreprises d'insertion pour leur permettre de remplir leur mission.

Vous avez évoqué les établissements et services d'aide par le travail, les ESAT. Comme les associations intermédiaires, les AI, ou les entreprises d'insertion, EI, leur rôle est d'insérer dans le marché du travail des salariés très éloignés de l'emploi, tout en étant en concurrence avec des entreprises classiques. Cette mission d'intérêt général induit des contraintes et des coûts justifiant l'aide de l'État. Nous voulons faire le point sur les financements des structures d'insertion par l'activité économique, qu'il s'agisse des AI, des ateliers et des chantiers d'insertion ou des EI, afin de trouver les moyens de mieux répondre aux défis de l'insertion par l'activité économique.

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