Nous vous prions de bien vouloir excuser M. Jean-Denis Combrexelle, qui présente ce matin à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) le projet de loi sur le contrat de génération. Nous avons bien reçu le questionnaire que vous nous avez adressé dans le prolongement du rapport de la Cour des comptes. En préambule, je présenterai un cadrage général mettant en perspective certaines de vos interrogations sur les indemnités journalières liées à la sécurité et à la santé au travail et sur les arrêts de travail consécutifs à des accidents de travail ou à des maladies professionnelles. La question posée est la suivante : étant donné l'état de nos finances publiques et des comptes sociaux, est-il possible réduire le poids financier des indemnités journalières ?
Les chiffres dont nous disposons en matière de politique de santé au travail sont principalement issus de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) qui relève, pour le régime général, de la direction des risques professionnels. Dans son champ de compétences, la direction générale du travail est bien sûr partie prenante à ces questions car elle participe au conseil d'administration de la branche AT-MP, assure le secrétariat du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) et coopère étroitement avec la direction de la sécurité sociale dans toutes les procédures de reconnaissance des maladies professionnelles.
La santé au travail est au coeur de la politique du travail : la conférence sociale des 9 et 10 juillet derniers, qui s'est traduite par la feuille de route sociale du Gouvernement, a conduit les partenaires sociaux, lors de la table ronde n °4 relative à l'égalité professionnelle et aux conditions de travail, à souligner la nécessité de poursuivre la politique menée en matière de santé au travail. La gouvernance de la santé au travail est un thème de dialogue social que ce soit au niveau interprofessionnel ou dans l'entreprise. Plusieurs structures sont en effet impliquées dans ce domaine : la branche AT-MP, le COCT, certaines structures paritaires, l'Institut national de recherche et sécurité (INRS) et l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) qui fait l'objet d'un groupe de travail. Enfin, les partenaires sociaux ont initié, le 21 septembre dernier, une négociation interprofessionnelle sur la qualité de vie au travail qui a une incidence sur l'absentéisme et les risques professionnels, qu'il s'agisse des accidents ou des risques psychosociaux, particulièrement évidents en ce moment.
Piloté par la direction générale du travail, le deuxième plan Santé au travail a été initié en 2010 et couvrira la période 2010-2014. Il met l'accent sur les secteurs les plus accidentogènes et les plus à risques que sont le BTP et le secteur forestier, les chutes de hauteur demeurant la première cause de risque mortel. Le pilotage de ce plan associe la branche AT-MP et les partenaires sociaux qui le mettent en oeuvre au niveau interprofessionnel. Afin d'adapter l'action publique aux situations spécifiques de chaque région, le plan se décline également à l'échelle territoriale sous forme de plans régionaux de santé au travail pilotés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), en coopération avec les partenaires sociaux, les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et la branche AT-MP.
Un autre élément de contexte est la mise en oeuvre, depuis juillet 2011, de la réforme de la médecine du travail, qui a fait l'objet d'une application réglementaire en janvier 2012 et d'une circulaire adressée par le directeur général du travail le 9 novembre dernier à l'ensemble des acteurs concernés. Cette réforme vise notamment à prévenir la désinsertion professionnelle qui est l'une des causes des arrêts maladie à répétition. Vous vous interrogez sur les liens entre médecins du travail et praticiens conseils des caisses de sécurité sociale. Or, la DGT et la direction des risques professionnels travaillent en étroite coopération afin de mobiliser les inspecteurs régionaux du travail, qui dépendent des DIRECCTE, et les praticiens conseils de la branche AT-MP. Il s'agit de faire en sorte que, dès lors qu'un arrêt maladie dépasse trente jours, quelle qu'en soit la cause, un dialogue s'instaure systématiquement entre le médecin du travail et le praticien conseil afin de faciliter le retour du salarié à son poste dans les meilleures conditions possibles et de faire en sorte que cette reprise n'engendre aucune difficulté lors de la réintégration afin d'éviter des arrêts de travail successifs.
Enfin, la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites prévoit des dispositions en faveur de la prévention de la pénibilité. Outre le volet sur les réparations, que je n'évoquerai pas ici, cette loi comporte également un volet incitatif pour prévenir la pénibilité qui prévoit une pénalité de 1 % de la masse salariale dans les entreprises de plus de cinquante salariés dont plus de 50 % de l'effectif est exposé à des facteurs de pénibilité, et qui impose de négocier ou, à défaut, d'élaborer un plan d'action unilatéral sur la prévention de la pénibilité.
Ces différents aspects que j'ai évoqués visent à approfondir la prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail.
J'exposerai à présent quelques chiffres sur les accidents du travail. Le rapport de gestion 2012 de la branche AT-MP, qui porte sur l'année civile 2011, illustre que la tendance à la baisse de la sinistralité s'est interrompue en 2011, les accidents du travail ayant augmenté de 1,7 % cette année-là, soit une hausse légèrement supérieure à celle de l'activité salariée, qui était de 1,1 %. En légère augmentation, l'indice de fréquence des accidents du travail est désormais de 36,2 accidents du travail pour 1 000 salariés. C'est en 2009 que cet indice a atteint son niveau le plus faible, à 36 accidents pour 1 000 salariés. Les arrêts de travail liés aux accidents du travail retrouvent en 2011 une progression comparable à celle des années antérieures à 2009, avec 3 % de jours d'arrêt de plus que l'année précédente. Le nombre de salariés en incapacité permanente s'est stabilisé en 2011. La même année, on a enregistré 552 décès consécutifs à un accident du travail, soit 23 décès de plus qu'en 2010.
La croissance des indemnités journalières de la branche AT-MP se poursuit au même rythme qu'en 2010, avec une progression de 4,6 % entre 2010 et 2011. Les indemnités journalières versées au titre du risque accidents du travail ont augmenté de 2,9 %, contre 4,7 % pour les accidents de trajet et 11,7 % pour les maladies professionnelles. En 2010, les troubles musculosquelettiques (TMS) ont engendré la perte de 9,7 millions de journées de travail pour un coût de 930 millions d'euros pour la branche AT-MP. Ces troubles demeurent la première cause de maladie professionnelle. Nous ne disposons d'aucune d'étude présentant l'impact des risques psychosociaux sur les dépenses en indemnités journalières de la branche maladie au titre des maladies professionnelles reconnues. En 2007, l'INRS avait bien évalué le coût global du stress pour la société à une somme située entre 2 et 3 milliards d'euros, mais ces résultats doivent être pris avec beaucoup de précaution. Nous ne disposons pas de chiffres aussi précis pour les risques psychosociaux que pour les TMS qui, depuis quelques années, constituent une priorité constante des politiques de prévention menées par le ministère du travail, notamment dans le cadre du deuxième plan Santé au travail. Entre 2009 et 2011, une campagne de communication a été menée en direction du grand public afin de promouvoir la prévention des TMS et à destination des employeurs, afin de promouvoir l'adaptation des postes de travail.