Intervention de Bastien François

Réunion du 13 mars 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Bastien François :

En matière d'organisation du pouvoir, tous les pays de l'Union me semblent meilleurs que la France et, si aucun n'est idéal, chacun présente des éléments d'ingénierie constitutionnelle intéressants. Reste que tout se tient. On ne peut penser le rôle de l'exécutif indépendamment du législatif. Nous n'avons évoqué ni celui des cours constitutionnelles ni le mode de scrutin. Tous les régimes qui fonctionnent dans une logique plus parlementaire que la Ve République favorisent la responsabilité de l'exécutif.

Les Français ont souri quand la Chancelière allemande, en réponse à la proposition de M. Sarkozy de réformer l'Europe, a dit qu'elle devait consulter son Parlement. M. Sarkozy semblait alors en position de force mais, sitôt le parlement consulté, la Chancelière l'était bien davantage. En outre, elle pouvait s'abriter derrière celui-ci pour justifier un refus. Le régime parlementaire, bien que contraignant, donne de la puissance à l'exécutif.

Monsieur Baranger, la VIe République pour laquelle je plaide serait modérée, comme le sont même les propositions de ceux qui annoncent le Grand Soir. Il s'agit seulement de restaurer la confiance dans la démocratie.

Je souscris à votre analyse des trois crises que nous connaissons actuellement. Fin août, j'ai présenté dans Libération un diagnostic identique au vôtre. La Ve République connaît une crise de régime lente, souterraine, très différente des crises éruptives qui ont marqué l'histoire de France, mais les fondamentaux sont atteints. Si le fait majoritaire existe encore, le Gouvernement a du mal à gouverner sa majorité. L'autorité présidentielle est affaiblie. Comme vous, j'ai été surpris – compte tenu de ce qu'est la Ve République – que les ministres qui ont dérogé à la solidarité gouvernementale n'aient pas été renvoyés sur le champ.

Comment sortir de cette crise de régime ? Il faut repenser la démocratie plus que la Constitution, redonner confiance et rouvrir le système politique sur le citoyen.

Vous avez parlé d'hyperprésidence ou d'hypoprésidence. La fait est que le Président de la Ve République apparaît nécessairement comme un despote ou un faible. La situation est dangereuse pour la démocratie, qui devient, selon le mot d'Arnaud Montebourg, une « machine à trahir ». Pour en sortir, il faut encadrer le pouvoir du Président de la République et rendre son rôle au politique. Le régime parlementaire me semble bon parce qu'il est fondé sur le principe de responsabilité.

Certes, le Président de la République pourra utiliser sa majorité pour contourner la Constitution et se débarrasser d'un Premier ministre. Cela ne me dérange pas, dès lors qu'il est en phase avec le Parlement démocratiquement élu. Il est beaucoup plus grave qu'il traite le Premier ministre selon son bon vouloir, sans que la majorité puisse discuter ses choix.

Le Président du long terme que je préconise ne serait ni un François Hollande ni un Nicolas Sarkozy, mais peut-être, compte tenu de leur parcours, un Michel Rocard ou une Simone Veil. Dans treize des quatorze États de l'Union qui l'élisent au suffrage universel, le Président se présente sans programme de gouvernement, comme garant des valeurs de la nation. S'il plaide pour la justice ou met en avant la nécessité d'une réforme fiscale, il n'en précise pas le détail. J'admets pourtant que, lorsque j'ai expliqué à une candidate à l'élection présidentielle que, n'ayant aucune chance d'être élue, elle n'était pas tenue de proposer un programme, ses autres conseillers se sont moqués de moi…

Le Président de la République peut garder des compétences spécifiques, mais je ne crois pas qu'on puisse lui conserver un domaine réservé. Dans notre univers mondialisé, l'action du Gouvernement ne peut s'arrêter aux frontières de l'Hexagone. C'est d'ailleurs sur ces questions que se créent des tensions. Quelle place assigner au secrétariat d'État aux affaires européennes ? Les questions de défense et de politique extérieure ont trait à la politique industrielle et à la recherche. De crainte d'un pouvoir exécutif fort, les Tunisiens viennent, au terme d'un long processus constituant, de confier le gouvernement de l'intérieur au Premier ministre et les questions extérieures au Président de la République. C'est une solution à laquelle je ne crois guère.

Si le Président de la République est tel que je le propose, il me semble judicieux d'allonger son mandat, afin de déconnecter son action du rythme de la législature, et de garantir l'autonomie du Premier ministre issu de la majorité parlementaire. Un mandat de sept ans non renouvelable me semble la meilleure solution.

1 commentaire :

Le 19/12/2016 à 12:52, Laïc1 a dit :

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"Comment sortir de cette crise de régime ? Il faut repenser la démocratie plus que la Constitution, redonner confiance et rouvrir le système politique sur le citoyen."

Tout à fait, mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a...

Pour l'instant la seule ouverture, c'est le "commentaire" sur "nos députés"...

Et puis, qu'est-il sorti de concret de ce groupe de travail depuis qu'il a été achevé ? Les citoyens sont-ils même au courant qu'il y a eu un groupe de réflexion ? Moi-même n'étais au courant de rien, je suis arrivé dessus par hasard en cherchant autre chose... Les citoyens ont-ils été seulement interrogés directement pour savoir quels changements ils aimeraient qu'il y ait ? L'approche du citoyen par ce groupe n'est pas même démocratique, l'oligarchie entend une nouvelle fois tout penser toute seule, penser la démocratie citoyenne à la place du citoyen, on tourne en rond, une fois de plus le pouvoir du citoyen sur ce qui le regarde lui est ravi par les gens au pouvoir.

Par ailleurs, des universitaires habitués à noter leurs étudiants vont-ils être ouverts sans arrière pensée à la parole citoyenne, et oser se remettre parfois en question ? ça m'étonnerait beaucoup. Et les étudiants ne sont-ils pas aussi des citoyens ? Ils pensent quoi de tout cela ? Ne pensent-ils pas à surtout de pas déplaire à leur professeur, et à lui restituer les idées qu'il attend de lui ? Ou encore ne pensent-ils rien du tout ? Si tel est le cas, le système politique concentrationnaire et anti-citoyen a de beaux jours à vivre devant lui, les lobbies sont ravis et disent : "pourvu que ça dure".

Comme impact démocratique, c'est donc plutôt limité, voire archi-limité, et donc démocratiquement totalement inefficace. Il faut reprendre ce travail et repenser plus sérieusement l'engagement du citoyen dans la vie de la nation, et cesser de faire un blocage sur le référendum et les lobbies, sinon ce groupe de travail réinstallé ne servira également à rien.

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