Intervention de Luc Carvounas

Réunion du 13 mars 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Luc Carvounas :

J'imagine mal un Président de la République élu au suffrage universel avec plus de vingt millions de voix ne pas être tenté d'élargir le champ de ses compétences par rapport à ce que vous prévoyez. Par ailleurs, les événements du mois de janvier nous ont démontré que notre président était bien le garant et la clef de voûte des institutions. Cela étant, nous devons admettre que le monde politique et ses acteurs ont changé, ce qui implique de modifier certaines règles. À la différence de Marie-George Buffet, je pense cependant que l'on peut être audacieux sans nécessairement parler de VIe République.

Outre que j'ai souri en entendant Michel Winock citer de Gaulle affirmant que le chef du Gouvernement, c'était lui, ce qui m'a confirmé que Nicolas Sarkozy était vraiment gaulliste, je retiens plus sérieusement de ses propos que la Ve République avait tout pour fonctionner et que ce qui l'a fait déraper, c'est l'instauration du quinquennat.

Aujourd'hui, nous ne sommes ni dans un régime présidentiel ni dans un régime parlementaire, mais dans un régime de la technostructrure, qu'il nous faut réformer. Je crois pour ma part aux vertus du régime présidentiel, mais à un régime présidentiel qui ne soit pas un régime à l'américaine.

Inutile de renforcer le contrôle parlementaire sur les nominations présidentielles, puisque ces nominations sont déjà soumises à nos commissions. Nous disposons donc de tous les outils nécessaires, il faut simplement que les parlementaires prennent toute la mesure de leur fonction, ce qui implique qu'ils en aient les moyens.

La composition du Gouvernement doit respecter certaines règles. On a vu, sous Jacques Chirac, un secrétaire général de l'Élysée devenir Premier ministre, et on s'est habitué à voir des ministres choisis dans la société civile, alors qu'ils n'ont aucune connaissance de nos territoires. Si le Parlement pouvait donner, en amont, son accord sur les propositions de nominations, nous éviterions quelques mauvaises surprises. Plus globalement, je plaide pour un Président de la République qui préside et qui gouverne, et puisse se présenter devant la représentation nationale pas uniquement lors des congrès.

Mais, j'y insiste, il faut redonner de vrais moyens aux parlementaires. Bastien François a rappelé que la Constitution de 1958 avait été originellement conçue pour minimiser le rôle des parlementaires : cette volonté de réduire notre capacité de réflexion et de travail se retrouve jusque dans notre organisation spatiale, qui nous oblige, lorsque l'on a trois assistants parlementaires, à travailler à quatre dans un bureau de douze mètres carrés…

Il faut donc repenser nos institutions sans pour autant casser ce qui fonctionne. Il faut admettre que ce n'est pas aux cabinets ministériels de faire la loi ni à la technostructure d'inventer la société ou de faire la une de L'Obs. Il faut repositionner le curseur entre un président dont on a le sentiment qu'il est hyperpuissant, un Premier ministre qui n'écoute plus sa majorité et des parlementaires qui peuvent être de vrais partenaires de discussion et doivent pouvoir exercer leur mission de contrôle. Une chose est sûre en tout cas : on peut mettre en place un régime présidentiel fort, contrôlé par un Parlement puissant, mais il faudra choisir entre le quinquennat et le Premier ministre.

1 commentaire :

Le 19/12/2016 à 13:48, Laïc1 a dit :

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"Il faut repositionner le curseur entre un président dont on a le sentiment qu'il est hyperpuissant, un Premier ministre qui n'écoute plus sa majorité et des parlementaires qui peuvent être de vrais partenaires de discussion et doivent pouvoir exercer leur mission de contrôle."

Et là-dedans, le peuple n'existe pas du tout, le citoyen est une donnée politiquement virtuelle.

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