Le problème de l'interdépendance planétaire est patent. Malheureusement, les efforts des uns n'ont aujourd'hui pour seule récompense que la passivité des autres et ce, alors même qu'un engagement véritablement universel serait absolument nécessaire.
Dans ce contexte, l'objectif que l'Europe s'assigne — 20 % d'émissions en moins en 2020 — représente un effort sérieux et cohérent avec son souci d'exemplarité. Relever encore le niveau de notre ambition collective nous exposerait, selon certains acteurs économiques, aux risques de « fuites de carbone » et de délocalisations, dans la mesure où certains de nos partenaires ne s'obligent pas aux mêmes efforts que nous. Des pertes au plan économique viendraient ainsi récompenser notre souci d'être vertueux.
La stratégie de l'Union européenne en matière d'émissions de gaz à effet de serre repose sur la définition d'une trajectoire prévisible à l'horizon 2020. Dès lors qu'il est clair qu'il n'y aurait pas d'accord à 27 sur un relèvement du niveau d'exigence et conformément à la volonté du président de la République, l'action collective doit donc s'inscrire dans la durée, avec pour objectif ultime un « facteur quatre » de réduction des émissions en 2050.
L'enjeu majeur est de faire comprendre que le combat pour la réduction des émissions est générateur d'un avantage compétitif : c'est un pari gagnant sur le plan économique, c'est une stratégie appropriée de réponse à la crise. C'est seulement si nous réussissons à faire de cet objectif une ambition positive, qui soit créatrice d'emplois et de nouvelles technologies, que nous arriverons à mobiliser les énergies. Cette possibilité existe : ma récente visite du salon Pollutec avec le ministre chargé du redressement productif m'a permis de me rendre compte du rythme extraordinairement soutenu des avancées technologiques dans ce domaine, parfois dans des délais très courts.
En ce qui concerne le dépassement d'une croissance de 2 °C des températures moyennes d'ici à la fin du siècle, notre préoccupation vient de ce que certains pays, opposés à tout accord juridiquement contraignant, tirent argument de ce que cette limite sera certainement franchie pour dénoncer la caducité des engagements souscrits à Durban. La question de la lutte contre le changement climatique serait tranchée, la problématique des années à venir serait désormais celle de l'adaptation à un changement climatique considéré comme inéluctable. Il y aura là une bataille politique importante à mener.
Pour ce qui concerne le « fonds vert », les choses n'avancent que très lentement. A Doha, le choix d'un siège situé en Corée du Sud devrait être validé. Les équipes et les moyens de fonctionnement existent, mais le fonds n'est toujours pas opérationnel.
S'agissant des moyens de l'AFD, je confirme que des efforts sont engagés pour améliorer la traçabilité des crédits. Dans le cadre de la préparation de la conférence d'Hyderabad, j'avais souhaité pouvoir mieux identifier les actions relevant de la préservation de la biodiversité ou de la lutte contre le réchauffement climatique et mon collègue Pascal Canfin travaille actuellement à prolonger ces efforts de clarté, de transparence et de visibilité des projets concrets. Ce travail a notamment permis de constater que les chiffres mis en avant par l'OCDE, qui gratifiait la France d'un effort considérable dans ces domaines, étaient surévalués.
Le changement climatique occupe dans notre diplomatie une place essentielle : le fait que le Président de la République, à la différence de certains de ses collègues, se soit rendu au sommet « Rio+20 » a constitué un message très fort en ce sens. En témoigne également le souhait d'accueillir une prochaine conférence internationale sur le climat, qui atteste de l'engagement de l'ensemble de notre diplomatie dans les négociations multilatérales. Car accueillir une telle conférence ne signifie pas uniquement la présider, c'est aussi jouer le rôle d'un facilitateur constant entre les parties et les intérêts en présence. De ce point de vue, la France occupe une position particulière : pays d'Europe par sa géographie, elle est conduite par son histoire et ses valeurs à entretenir des liens privilégiés avec de nombreux autres pays.
J'ai été interrogée sur la question des « alliés » de la France dans ces négociations. Ceux-ci comprennent naturellement les États membres de l'Union européenne, la Norvège ou la Suisse. Des contacts particuliers sont noués avec le Brésil, l'Afrique du sud, l'Afrique francophone, les pays insulaires ou encore des pays très concernés par le réchauffement comme le Bangladesh.
Dans le cadre de l'Union européenne, un conseil des ministres en charge de l'environnement s'est tenu début novembre. Les discussions ont été assez difficiles, car la question était de se saisir d'une des propositions du G77 — à savoir, l'effacement des UQA en fin de deuxième période d'application du protocole de Kyoto. Même s'il s'agit de quotas assez virtuels, la discussion interne à l'Union a achoppé sur cette question du fait de l'opposition d'un certain nombre de pays. Ce point pourra-t-il évoluer dans le fil des discussions et négociations à Doha même ? Je l'ignore et espère, en tout cas, qu'il ne constituera pas un facteur bloquant à l'obtention d'un accord. Par-delà les aspects techniques, il est manifeste que les divergences observables sont le reflet de structures différenciées des mix énergétiques nationaux, avec la place plus ou moins grande jouée qu'y jouent les énergies carbonées (charbon).
Concernant l'organisation mondiale de l'environnement, vous savez que cette proposition n'a pas été retenue lors du sommet « Rio + 20 », au bénéfice d'une réforme du Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE), qui sera débattue lors de sa prochaine réunion, prévue en février 2013 à Nairobi.
Je reviens sur la conférence d'Hyderabad : nous avons obtenu satisfaction avec le doublement d'ici 2015 – des pays comme l'Inde ont pesé pour que l'échéance ne reste pas fixée à 2020 - des fonds consacrés à la lutte contre l'érosion de la biodiversité, et leur maintien à ce niveau pour cinq ans.
Sur la question des subventions défavorables à l'environnement, la feuille de route de la Conférence environnementale prévoit leur réexamen : il sera opéré, en vue de formuler des propositions qui pourraient in fine trouver leur place dans le projet de loi de finances pour 2014, par le groupe de travail permanent sur la fiscalité écologique que j'installerai avant fin décembre avec Pierre Moscovici. J'ai d'ailleurs sollicité les parties prenantes à la Conférence, et donc l'Assemblée nationale, afin qu'elles y désignent leurs représentants.
S'agissant des énergies renouvelables, le Gouvernement prendra ses responsabilités pour sécuriser le tarif de rachat de l'éolien, même si je ne peux anticiper sur les suites qui seront données au contentieux en la matière.
Je partage avec Geneviève Gaillard le constat d'un effondrement des stocks halieutiques, et par conséquent de la qualité de la biodiversité marine, qui s'illustre également dans la perspective de voir 70 % des coraux disparaître d'ici 2030. Cette situation nécessite mobilisation internationale et exemplarité : l'Europe a pris des dispositions particulièrement protectrices. Je transmettrai à mon collègue Frédéric Cuvillier la question spécifique de la disparition des espèces d'eau profonde. Avec sa position de deuxième puissance maritime au monde, grâce à ses outre-mer, et sa présence sur tous les océans, notre pays reste fidèle à un développement maritime en parfaite harmonie avec nos objectifs de protection du milieu marin. Je rappelle que la France accueillera au mois d'octobre prochain la conférence mondiale des aires marines protégées.
J'ai été interrogée, notamment par Philippe Plisson, sur le comité de pilotage du débat sur la transition énergétique : la réussite de ses travaux passe par la prise en compte, grâce à la présence de personnalités fortes mais diverses, de la pluralité des points de vue qui existe dans la société française comme chez les acteurs du secteur. La compétitivité reste une dimension de ce débat, mais ce n'est pas la seule : nous devons concilier l'objectif écologique de lutte contre le réchauffement climatique et l'objectif économique de préservation du pouvoir d'achat des ménages dont la facture énergétique s'alourdit. Nous devons aussi prendre en compte les enjeux liés à la sécurité de nos approvisionnements et à la réduction du déficit de notre balance commerciale. Tous ces paramètres doivent être débattus. Le caractère populaire et citoyen de ce débat, comme l'appropriation de la question des économies d'énergie et de la sobriété énergétique, m'apparaissent plus que nécessaire.
Je rappelle que le comité de pilotage, chargé du respect du pluralisme et de la charte, ne formulera pas les recommandations finales : cette mission revient au conseil national, au sein duquel seront représentées toutes les parties prenantes de la Conférence environnementale : associations environnementales, syndicats, employeurs, associations de consommateurs, ONG, élus locaux et parlementaires. J'imagine que certaines d'entre elles feront l'objet d'un consensus, et que d'autres d'appréciations majoritaire et divergente.
In fine, le Gouvernement et le Parlement trancheront, dans le cadre de l'examen de la future loi de programmation pour la transition énergétique.