Intervention de Dominique Jeannenot

Réunion du 17 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Dominique Jeannenot, salarié d'Alstom Power Systems, représentant de la CFE-CGC :

Mesdames et messieurs les députés, je m'exprimerai également devant vous en tant que secrétaire du comité central d'entreprise.

La CFE-CGC n'a jamais été favorable à la vente de nos activités Énergie, ni à General Electric ni à Siemens. Nous nous sommes prononcés, dès que nous avons eu connaissance du projet, pour un adossement franco-français à de grandes sociétés comme Safran ou la SNCF.

À en croire un communiqué de M. Kron sur les résultats annuels pour 2013-2014, le groupe a enregistré 21,5 milliards d'euros de commandes, ce qui représente trente mois de vente. Son chiffre d'affaires a progressé de 4 % et sa marge opérationnelle de 7 %, avec un cash flow positif. Cela relativise les difficultés financières du groupe, malgré ses 4 milliards de dette, et sans doute faudrait-il insister davantage sur le défaut de rentabilité de nos turbines à gaz, qui posent problème depuis la reprise des activités Énergie d'ABB. Nous n'avons qu'un modèle de turbine, là où nos concurrents en offrent toute une gamme, et il leur est plus facile, dans ces conditions d'en vendre cent cinquante.

J'ai suivi l'audition de M. Kron et des responsables de GE par votre commission. N'ayant eu accès, dans un premier temps, qu'aux informations diffusées par les médias et même si, suite à la procédure antitrust lancée par la Commission européenne, notre expert a, depuis quelques jours, accès à la data room, la CFE-CGC se pose les mêmes questions que vous.

Le 13 février M. Immelt a fait un certain nombre d'annonces concernant les mouvements de restructuration. Le gaz et les cycles combinés resteront basés à Schenectady, dans l'État de New York, et les activités de Coal Power, c'est-à-dire les turbines à vapeur, les alternateurs, les chaudières et les systèmes de contrôle auront leur siège social à Baden, en Suisse, comme le Power Service, alors que nous avions cru comprendre qu'ils seraient transférés en France.

Quant à la joint venture nucléaire, pourquoi la répartition du capital est-elle de 80 % pour GE et de 20 % pour Alstom, alors qu'elle est de 5050 pour le renouvelable et le grid ? Pourquoi par ailleurs Alstom ne pourra-t-il pas racheter les actions de General Electric dans la joint venture nucléaire, alors qu'il le peut dans les deux autres ? Certes, la question est théorique, car on imagine mal Alstom Transport avoir les moyens d'une telle opération. Quoi qu'il en soit nous nous interrogeons.

La joint venture nucléaire va absorber Alstom Power System et Alstom Power Service France, ainsi que la joint venture russe, mais qu'en sera-t-il des activités indiennes et chinoises ainsi que de l'usine de Chattanooga, réplique de l'atelier de Belfort construite par notre direction aux États-Unis ? Nous n'avons pas de réponse.

Devant le Forum européen, M. Immelt a annoncé son intention de développer la plate-forme de Belfort pour en faire un site stratégique. C'est un choix industriel cohérent, mais il faut savoir qu'en matière de turbines à vapeur la R&D se trouve à Baden et que pour les gros alternateurs, comme celui qui équipe la centrale de Flamanville, elle est à Birr. Les sites de Levallois et de Belfort ne sont donc en quelque sorte que des sous-traitants, et ce sont les Suisses qui tiennent les cordons de la bourse, et le fait de désigner un Français à la tête de la joint venture n'y changera rien.

D'autre part, pour être rentable, la fabrication des alternateurs sur le site de Belfort doit pouvoir compter sur la commande d'une centrale tous les deux ans. À l'heure actuelle, le prochain projet concerne la centrale de Hinkley Point, dont la signature est repoussée de mois en mois. À supposer que celle-ci intervienne dans les mois à venir, il faudrait encore compter deux à trois ans avant de débuter la fabrication de la turbine et de l'alternateur. La question de la charge des ateliers se pose donc avec d'autant plus d'acuité que la R&D suisse développe actuellement de petits alternateurs de 40 à 200 mégawatts, dont on pensait qu'ils seraient fabriqués à Belfort mais dont on a appris qu'ils seraient fabriqués en Suisse pour les rotors et en Pologne ou en Roumanie pour les stators.

Se pose aussi la question des effectifs. La semaine dernière, M. Hutchinson a déclaré que le site de Belfort compterait plus de trois mille salariés une fois l'opération finalisée. Soit, mais il en compte actuellement quatre mille si l'on ajoute aux mille neuf cents salariés d'Alstom les deux mille quatre cents salariés de GE. Comment donc interpréter ses propos ? Faut-il comprendre que mille postes vont être supprimés ?

Nous nous interrogeons également sur l'informatique et les services support. Des synergies ont été annoncées, ainsi qu'un plan d'économies de 250 millions d'euros, ce qui équivaut à la suppression de deux mille postes. Toutes ces suppressions ne concerneront pas la France, mais sachant que l'ensemble des services support vont connaître des réductions d'effectifs, nous avons tout lieu d'être inquiets.

En ce qui concerne la technologie Arabelle, General Electric s'est engagé à la fournir à EDF ou Areva chaque fois qu'ils en auront besoin, à des conditions en tous points compatibles avec les demandes du client final. Certes, la technologie semble sécurisée puisqu'une entité juridique va être créée par l'État pour cela, mais si GE ne respectait pas ses accords, il ne lui en coûterait qu'une pénalité de 40 millions d'euros, ce qui est ridiculement faible rapporté au prix d'une centrale nucléaire.

Enfin, le droit de veto de l'État ne concerne ni les décisions stratégiques, qu'il s'agisse du budget ou de business plan, ni le management quotidien. Il ne lui donnera donc pas les moyens d'exercer une influence décisive sur l'activité de la joint venture.

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