Intervention de Vincent Jozwiak

Réunion du 17 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Vincent Jozwiak, salarié de Alstom Transport à Valenciennes, représentant de FO :

Je m'excuse par avance de ne pouvoir faire mieux que mes collègues en matière de jugement positif sur un projet que nous pouvons qualifier d'opaque et d'inquiétant, ce qui constitue un bien triste revers pour le Gouvernement, qui prône tant la transparence et le dialogue social.

Je parle d'opacité car, depuis le début de cette affaire, nous sommes bien loin de la procédure ouverte dont parle Patrick Kron. Nous attendons toujours le document résumant les principales clauses du contrat tripartite passé le 21 juin 2014 entre l'État, Alstom et General Electric. Ce document nous avait été promis par M. Montebourg, puis, lors de notre visite au ministère, le 4 décembre 2014, par les conseillers de M. Macron.

La communication de ce document nous apparaît d'autant plus nécessaire que les personnes interrogées par votre commission le 11 mars dernier ont fourni sur ce contrat des informations contradictoires, concernant notamment la composition du conseil d'administration de la coentreprise nucléaire vouée à regrouper les activités nucléaires dans le monde et les activités vapeur en France. Selon M. Kron, il serait composé pour 50 % d'administrateurs de General Electric, pour 50 % moins un d'administrateurs d'Alstom, le dernier administrateur étant un représentant de l'État ; pour Emmanuel Macron, la composition du conseil sera paritaire, Alstom et GE y ayant le même nombre d'administrateurs, auxquels s'ajoutera un représentant de l'État.

D'autres questions et non des moindres demeurent en outre sans réponse. Sans business plan et en l'absence de détails sur les organisations cibles, les représentants du personnel ne peuvent cerner les contours et les effets de cette opération. C'est pourquoi FO a refusé de se prononcer et, contrairement a ce qu'a déclaré devant vous Patrick Kron, aucun consensus ne s'est dégagé parmi les partenaires sociaux d'Alstom. D'ailleurs, l'analyse du vote qui a eu lieu lors du Forum européen révèle bien que les voix favorables n'ont pas été majoritaires. Le comité central d'entreprise d'Alstom Transport France a, de son côté, émis un avis négatif, aucune des organisations syndicales ne s'étant prononcée favorablement et une seule d'entre elles s'étant contentée de prendre acte.

Comment parler de transparence alors que les instances représentatives du personnel ont été consultées avant fourniture à leur expert comptable du projet de rachat par GE des activités Énergie du groupe – un document de plus de mille pages comportant plus de cinquante mille pages d'annexe ?

Nous continuons donc de nous interroger sur les raisons de cette opération menée dans un délai aussi court. Pourquoi est-on passés en quelques semaines de la solution annoncée fin 2013 par la direction et qui consistait à ouvrir le capital d'Alstom Transport pour faire rentrer du cash à la vente des activités Énergie ?

FO a toujours affiché clairement sa préférence pour une solution franco-française, qu'elle passe par une nationalisation partielle ou totale de l'entreprise. Cela étant, nous aimerions savoir pourquoi la solution proposée par Siemens-Mitsubishi n'a pas été retenue par la direction d'Alstom et le Gouvernement.

General Electric a annoncé la création de mille emplois en France dans le secteur de l'énergie : où et quand ? Qu'en est-il de son engagement à préserver les emplois pendant trois ans ? S'agit-il d'un engagement contractuel ?

Enfin, nous voudrions comprendre pourquoi la trésorerie dont dispose la branche Énergie d'Alstom est cédée à GE avec l'activité ? Lorsqu'un commerce est vendu, a-t-on jamais vu que le propriétaire récupère l'argent du tiroir-caisse ?

Certains ont évoqué une « équipe de France du nucléaire » ; je dirai, pour filer la métaphore, que les syndicats sont restés sur le banc de touche. Ils demeurent d'autant plus inquiets sur le devenir des emplois et des salariés, dans le domaine de l'énergie transféré à GE, comme dans le secteur des transports, sur lequel va se recentrer le nouvel Alstom, amputé de 70 % de son chiffre d'affaires, que l'énergie et les transports ferroviaires sont des activités cycliques et complémentaires.

M. Kron annonce qu'à l'issue de cette opération, le groupe sera désendetté. Pas si sûr. En effet, les crédits et emprunts arrivant à échéance prochainement devraient être remboursés, mais qu'en est-il de ceux arrivant à échéance en 2017, 2018 et 2019 ? Je rappelle que ces emprunts ont été souscrits par un groupe au chiffre d'affaires trois fois plus important que celui du futur Alstom, dont les capacités financières seront donc trois fois plus faibles. Les parts prises par Alstom dans les coentreprises seront-elles vendues pour rembourser ces prêts ? Dans cette éventualité, l'État va-t-il entrer au capital ?

Nous constatons actuellement un ralentissement des investissements sur les sites d'Alstom Transport en France, ce qui ne fait qu'accroître nos inquiétudes pour l'avenir de l'entreprise. Les constats dressés en 2011 par FO sur la situation du secteur ferroviaire en France et en Europe restent d'actualité. Elle se caractérise entre autres par des règles de concurrence faussées, la délocalisation de la fabrication mais aussi des études et une forte baisse des commandes. Si la commande récente de la RATP à Alstom est une très bonne nouvelle, elle ne suffira pas néanmoins à assurer la charge des établissements de l'entreprise. Par ailleurs, le nouveau report de l'offre du RER NG, n'est, lui, pas du tout une bonne nouvelle. Nous sommes donc surpris par les déclarations faites devant vous la semaine dernière par notre P-DG sur le carnet de commandes d'Alstom. Elles ont suscité l'indignation des salariés du site de Belfort, où trois cent vingt suppressions de poste, sur un effectif total de six cents salariés, ont été annoncées, qui plus est par voie de presse.

Nous sommes également inquiets pour les salariés de l'énergie. Une fois mise en place la joint venture entre Alstom et GE, quels seront les choix d'EDF en matière d'équipement ? Quelle est la position de l'État et quelle stratégie adoptera-t-il pour ce qui concerne les énergies du futur ? De cette stratégie dépend en effet la survie de nos unités qui travaillent dans le domaine de l'hydrolien et de l'éolien.

Nous ne savons rien aujourd'hui des projets de General Electric. Tout laisse penser qu'il a acheté un paquet, dans lequel il fera le tri après la clôture de l'opération.

Nous sommes inquiets enfin pour l'avenir de notre industrie, car c'est au final près de 4 milliards d'euros qui vont être versés aux actionnaires et n'alimenteront donc pas les investissements productifs, la recherche, le développement et donc les emplois.

FO se pose naturellement la question de l'influence des procédures juridiques engagées à l'encontre de certains responsables d'Alstom dans la décision prise, par un cercle restreint et dans le plus grand secret, de vendre nos activités Énergie à General Electric.

M. Emmanuel Macron a lui-même reconnu que Bouygues n'était pas l'actionnaire de référence adéquat pour Alstom, dans la mesure où il n'entendait pas s'engager sur le long terme, ce qui nous conforte dans l'idée qu'une nationalisation partielle ou totale est la solution la meilleure. Nous persistons donc à demander que l'État prenne le contrôle du groupe Alstom, via une prise de participation majoritaire dans son capital, et ce afin de garantir le maintien de tous les sites, de toutes les activités et de tous les emplois.

Je réitère pour conclure notre demande principale : quand aura-t-on communication des accords passés entre General Electric et Alstom, entre l'État, General Electric et Alstom, et entre l'État et Bouygues ?

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